Pénurie de personnels dans la restauration : augmenter les salaires, oui, "mais on ne peut redistribuer que l’argent que l’on a"
Les métiers de service peinent à trouver des salariés depuis la crise du Covid-19, la restauration en première ligne. Le gouvernement suggère donc aux restaurateurs d'augmenter les salaires pour attirer les candidats. Mais les professionnels ne le voient pas de cet oeil.
Dans ce restaurant du centre de Paris, les employés sont soignés aux petits oignons. "Je prépare une petite poêlée de blancs de poulet pour le personnel", explique le cuisinier. Pourtant, depuis la réouverture de l’établissement en juin, le patron en personne doit parfois prendre les commandes. "J’ai retrouvé à peu près toute l’équipe sur la cuisine, je n’ai pas retrouvé une équipe complète en salle", explique Didier Desert. Le patron de l’Ambassade d’Auvergne prend le temps de s’assoir quelques minutes. Il cherche en particulier un maître d’hôtel.
"J’ai mis une annonce sur plusieurs supports mais aujourd’hui on n’a même plus de réponse. On ne sait pas comment faire pour trouver des candidats."
Didier Desert, patron de l’Ambassade d’Auvergne à Parisà franceinfo
La restauration peine particulièrement à recruter depuis la crise du Covid-19 avec un déficit de 110 à 140 000 employés. Pour pallier le problème, le gouvernement suggère aux restaurateurs d'augmenter les salaires, jugés trop bas dans le secteur. Didier Désert répond "oui" et convient que "c’est reconnaître l’intérêt du métier et aussi sa difficulté, son exigence. Mais pas tout de suite", explique-t-il. "En fait, on ne peut redistribuer que l’argent que l’on a, indique le restaurateur. Le chiffre d’affaires n’est pas au niveau de ce que l’on avait historiquement et sur cette base de chiffre d’affaires réduite, il faut qu’on paye les charges fixes, les loyers, les assurances, les abonnements pour le gaz, pour l’électricité, pour le téléphone et les salaires."
Défiscaliser les heures supplémentaires plutôt qu'augmenter les salaires
Chemise blanche impeccable et cravate de rigueur, Xavier Charlemagne s’active en salle. Il travaille dans la restauration depuis 22 ans. "Quand j’ai commencé il y a vingt ans, je gagnais plus que ceux qui commencent aujourd’hui, reconnaît-il. Mais je travaillais beaucoup plus aussi".
"On a vécu un changement il y a dix ou quinze ans. Les patrons préféraient avoir deux fois plus de personnels payés deux fois moins cher."
Xavier Charlemagne, serveur en restaurationà franceinfo
"Peut-être qu'on récolte les fruits d’avoir du personnel peu qualifié, peu payé, qui n’a plus non plus envie de faire des heures", poursuit Xavier Charlemagne.
Certaines organisations professionnelles prônent la défiscalisation des heures supplémentaires pour motiver les jeunes plutôt qu’une augmentation salariale. "Ça augmentera mécaniquement leur net, et le net aujourd’hui, c’est ce que regarde le collaborateur, plaide Pascal Mousset, président du groupement des indépendants GNI Paris Île-de-France. On a beaucoup de jeunes dans nos métiers. On ne peut pas les recruter en leur disant ‘Vous allez avoir une retraite’. Ça n’a pas de sens pour eux. Ils veulent avoir un revenu net disponible qui leur permette de vivre décemment. Mais défiscalisation des heures supplémentaires veut dire augmentation aux frais de l’État, une option qui n’est pas sur la table au ministère de l’Économie.
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