"Shéhérazade" projeté aux détenus des Baumettes à Marseille en présence d'un comédien : "Je sais ce que vous ressentez"
Loin des paillettes du Festival de Cannes, où le film "Shéhérazade" a été projeté pour la première fois il y a un an, c'est dans une salle de cinéma de la prison des Baumettes à Marseille que des détenus ont vu le premier long métrage de Jean-Bernard Marlin, le 19 avril. Comme les personnages du film, les détenus sont souvent issus des quartiers nord de la cité phocéenne.
Premier long métrage de Jean-Bernard Marlin, cette histoire d'amour entre "Zachary", un jeune des quartiers nord de Marseille à peine sorti de prison, et "Shéhérazade", ancienne camarade de collège devenue prostituée, a engrangé les récompenses depuis un an. En février 2019, lors des César, le film rafle trois statuettes, dont celles de meilleur espoir féminin et masculin pour Kenza Fortas et Dylan Robert.
Cette projection-débat - entre une vingtaine de jeunes détenus des Baumettes et le réalisateur et un acteur de "Shéhérazade" - a été organisée par Lieux Fictifs, une association marseillaise qui intervient dans la prison pour une formation à l'audiovisuel.
Une projection-débat en présence du réalisateur et d'un acteur
"Ryad", le meilleur pote de "Zach", alias Idir Azougli, est venu aux Baumettes avec le réalisateur pour rencontrer les détenus. Idir, 23 ans, a connu la vie derrière les barreaux. Aux Baumettes justement. "Je sais ce que vous pensez, ce que vous ressentez", lâche-t-il aux détenus. Pour le minot marseillais sa carrière d'acteur a pris un coup d'accélérateur depuis ce premier rôle, avec un film pour Netflix et un téléfilm pour France 2.
La salle de cinéma, bricolée avec des fauteuils récupérés lors de la fermeture du cinéma Le Mazarin à Aix-en-Provence, est cachée derrière une cloison dans les 250 m2 d'un hangar qui sert de studio de tournage aux détenus en formation.
Un film 100% marseillais
"C'est un film 100% marseillais. J'ai grandi à Marseille, les acteurs, non professionnels, sont tous marseillais. C'était leur première fois à tous", explique Jean-Bernard Marlin, le réalisateur. Et la frontière entre le film et la vraie vie est ténue.
L'un des détenus reconnaît l'actrice qui joue la mère de "Zach": "C'est Nabila, c'était une camarade de classe", lance-t-il. Quant au foyer Calendal, fréquenté par "Zach", plusieurs jeunes détenus l'ont aussi connu. Comme "Zach", ils y ont fait le mur.
Idir Azougli, un minot marseillais devenu acteur
Idir Azougli reconnaît dans le public plusieurs visages qu'il a croisés, au hasard des rues de Marseille. "Toi, t'es pas de l'Estaque ?", lance-t-il à Jamel, 26 ans. Bingo, ils se connaissent. "Marseille, c'est un village", dit Jamel en riant.
Les détenus semblent tout droit sortis du film. Comme les personnages du film, ils sont souvent des quartiers nord de la cité phocéenne.
Comme Idir, le hasard, la chance, auraient pu les conduire devant la caméra. Il sortait de prison et était suivi par un conseiller d'insertion et de probation quand il est casté, en pleine rue, "la veille du ramadan", en 2017. "Au début je voulais pas le faire. "C'est ce tournage qui m'a remis sur le droit chemin. Sinon je serais assis là avec vous", lâche-t-il. Orphelin depuis des années, il est pupille de l'Etat : "En fait j'appartiens à l'Etat", concède-t-il, tout naturellement.
"Idir, il a eu une vie qui rend plus grand", explique Fabien Rigaud, son conseiller insertion de l'époque : "Mais il a su saisir sa chance". "La base, c'est qu'il faut croire en ses rêves", confirme le jeune homme.
"J'espère qu'on aura une vie comme tous les gens normals", souffle "Zach" à la fin du film à "Shéhérazade", venue le voir derrière les barreaux où il se retrouve pour avoir voulu la venger. Un rêve partagé par les détenus présents : "C'est une belle histoire" lâchent-ils, unanimes.
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