"Les emplois créés sont de moins bonne qualité" même s'il "y a plus de créations d'emplois que de destructions"
Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques, a expliqué, vendredi sur franceinfo, que des emplois meurent tandis que d'autres naissent.
La situation des entreprises GM&S, Tati ou encore Whirlpool, toutes placées en redressement judiciaire, ont été très médiatisées au cours des dernières semaines. Les salariés de ces industries craignent pour leur emploi et redoutent des plans sociaux de grande ampleur, ce qui a donné lieu à des tensions internes. C'est un phénomène de "destruction créatrice" inévitable, et une mutation des emplois industriels dans le secteur tertiaire. "Aujourd'hui, il y a des créations nettes d'emplois, on est sur près de 300 000 créations nettes", explique Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), vendredi 23 juin sur franceinfo, qui spécifie tout de même qu'il s'agit d'emplois de "moins bonne qualité", moins sécurisants.
franceinfo : Pourquoi l'emploi est-il plus menacé dans les secteurs industriels qu'ailleurs ? Est-ce la fin de l'emploi ouvrier ?
Eric Heyer : Il y a ce qu'on appelle la destruction créatrice. Cela signifie que des nouveaux emplois se créent et des anciens meurent. Ce n'est pas un phénomène nouveau. On le voit depuis à peu près une soixantaine d'années. Il ne faut pas non plus augmenter les destructions d'emplois, il faut le regarder en net. Aujourd'hui, il y a des créations nettes d'emploi, on est plutôt sur près de 300 000 créations nettes. Certes, il y a des destructions d'emploi, en masse, mais il y a plus de créations d'emplois que de destructions. On peut dire qu'aujourd'hui les emplois créés sont de moins bonne qualité qu'ils ne l'étaient à l'époque. Ce sont des contrats qui sont beaucoup plus courts qu'avant. Il y a aujourd'hui, dans les contrats qui sont signés, plus de 70% qui sont des CDD alors que c'était 45% en 2000. De ce point de vue, c'est de moins bonne qualité. Le niveau de salaire est légèrement aussi en train de baisser, car ces emplois sont davantage des emplois de service, plutôt que des emplois dans l'industrie. La productivité étant plus faible, les salaires le sont aussi.
Est-ce que plus de flexibilité des salariés entraîne d'office plus de précarité ?
Flexibilité, précarité, c'est sans doute un peu synonyme dans certains cas de figure. Le fait que les emplois soient plus des emplois de service que d'industrie et que par conséquence les salaires soient plus faibles, cela rend compte quand même d'une plus grande précarité, car les loyers continuent d'augmenter. L'effort pour se loger devient plus important aujourd'hui qu'hier. Or, on sait que le mal-logement est un vrai problème pour s'intégrer sur le marché du travail, pour la réussite scolaire de ses enfants, pour la santé publique. La précarité passe en grande partie par l'accès au logement. L'ubérisation de l'emploi serait plutôt la montée des indépendances, c'est-à-dire que vous n'avez plus un patron mais vous avez des clients. C'est un phénomène qui est extrêmement faible, dans tous les pays. En termes d'emploi, la part des indépendants est restée relativement stable, et en tout cas relativement marginale. Dans les statistiques d'aujourd'hui, il n'y a pas d'explosion des indépendants. Il n'y a donc pas d'explosion de l'uberisation par l'emploi.
Comment peut-on expliquer ces plans sociaux ?
L'argument premier est le gain de productivité. Globalement, le progrès technique alimente la productivité notamment dans l'industrie. Aujourd'hui, un salarié industriel est beaucoup plus productif qu'il ne l'était il y a dix ans, quinze ans, vingt ans. Cela veut dire qu'on a besoin de moins de personnes pour produire la même chose. Puisque les gains de productivité sont supérieurs à la croissance économique, et donc à la demande, cela veut dire que les pertes d'emplois industriels étaient quasi inévitables.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.