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Les indemnités de licenciement, nerf de la guerre des plans sociaux

Comme les Goodyear avant eux, les salariés de Mory Ducros ont obtenu une augmentation de leur prime de départ. Ceux de la Redoute bataillent toujours. Les inégalités sont légion dans ce domaine. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des salariés du transporteur Mory Ducros bloquent l'accès à l'entreprise, à Vénissieux (Rhône), le 29 janvier 2014.  (PHILIPPE DESMAZES / AFP)
A défaut de conserver leur emploi, ils partent avec un chèque, qui compte plus ou moins de zéros. Soutenus par les syndicats, les salariés des entreprises visées par un plan social bataillent généralement pour gonfler leur prime de licenciement, le minimum légal étant relativement bas. Les Mory Ducros ont ainsi accepté de baisser les armes, jeudi 30 janvier, après avoir obtenu une augmentation de leurs indemnités de départ en cas de reprise du transporteur par Arcole Industries. Leur sort doit être examiné par le tribunal de commerce mardi 4 février.
 
D'autres, comme à la Redoute, ne parviennent pas à ce résultat. Car, dans ce domaine, les inégalités sont légion, les montants variant beaucoup d'une entreprise à l'autre. Tour d'horizon des possibilités.   

Le droit : les indemnités légales de licenciement 

 
Chaque licencié économique peut prétendre, en plus du chômage, à une indemnité légale de licenciement, à condition de justifier d'au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise. Elle correspond à 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans, auquel s'ajoutent 2/15e de mois de salaire supplémentaires par année d’ancienneté au-delà de 10 ans. A noter que l'ancienneté des salariés à temps partiel est prise en compte comme du plein temps.
 
Un salarié qui travaille depuis trois ans et six mois dans la même société et qui gagne 1 300 euros brut percevra ainsi une prime autour de 900 euros. Un employé à 1 500 euros brut et 15 ans d'ancienneté peut compter, lui, sur près de 5 500 euros.

Si la convention collective du salarié est plus avantageuse, elle prime sur le minimum légal. Mais selon Nathalie Lallier, avocate en droit du travail jointe par francetv info, sur les quelque 300 conventions collectives répertoriées sur le site de Legifrance, peu sont réellement plus avantageuses. Et les critères d'obtention sont souvent plus sévères, au regard de l'ancienneté.
 
Qu'elles soient légales ou conventionnelles, ces indemnités sont exonérées d'impôts et de cotisations sociales, dans la limite d'un certain plafond précisé sur le site Service-Public.fr

La négociation : les primes supralégales de départ 

 
C'est là où les syndicats entrent dans la danse : en plus des indemnités légales de licenciement, ils tentent de négocier, dans le cadre d'un Plan de sauvegarde de l'emploi, une enveloppe "supralégale" pour assurer l'avenir des futurs anciens salariés. Son montant varie alors selon plusieurs critères, qui vont de la ténacité des équipes aux capacités financières de l'entreprise. 
 
A l'issue de longues négociations chez Mory Ducros, dont l'offre de reprise d'Arcole Industries prévoit de licencier près de 3 000 salariés sur 5 000, cette enveloppe est passée de 21 à 30 millions d'euros, soit quelque 10 000 euros par salarié contre 7 000 prévus initialement. C'était la principale revendication des employés. Commentant la précédente offre, la déléguée CGT Christiane Daunas avait expliqué : "Pour quelqu'un qui a travaillé pendant 16 ans, faites la division : ça ne fait pas grand-chose [437 euros par an]. Les salariés se sentent méprisés." 
 
Un peu plus tôt, le 23 janvier, les syndicats du site Amiens-Nord de Goodyear ont décroché bien plus. Après sept ans de conflit, la CGT a obtenu un triplement de l'enveloppe, qui va de 20 515 euros pour un salarié avec un an d'ancienneté à 102 000 euros pour 31 ans et plus (l'accord est détaillé sur le blog du syndicat).
 
A cela s'ajoute un congé de reclassement (prévu dans les entreprises de plus de 1 000 salariés et cumulable avec les indemnités de licenciement), dont la durée a été négociée (18 à 24 mois). Pendant celui-ci, les salariés continuent à percevoir leur salaire. "S'ils retrouvent un emploi, ils peuvent le transformer en capital", explique à francetv info Mickaël Wamen, leader de la CGT d'Amiens-Nord. Il fait le calcul : "Si on prend l'indemnité globale, soit l'indemnité de fin de conflit plus le congé de reclassement, personne ne part avec moins de 60 000 euros, même avec un an d'ancienneté et au maximum les gens partent avec 120 000 à 130 000 euros." Un accord plus très intéressant pour les salariés. "Un avocat nous a dit que c'était du jamais-vu", s'enorgueillit Mickaël Wamen.
 
Ce n'est pas la même musique à la Redoute, où les salariés se sont vus proposer 300 euros par année d'ancienneté comme indemnité de départ. "Même avec quelqu'un qui a vingt ans d'ancienneté, on fait le calcul, ce n'est pas lourd", confie un salarié interrogé par France 2. Ici, le combat syndical ne fait que commencer. L'intersyndicale CGT-CFDT-Sud-CFE/CGC demande ainsi des primes extralégales de 100 000 euros par salarié. Au total, 1 178 postes sont menacés. 
 
Du côté de La République du centre, les salariés du journal ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. Alors qu'ils réclamaient 62 000 euros de prime supralégale, ils sont descendus à 20 000 euros. Réponse de la direction : elle propose de porter cette prime de 7 000 à 7 500 euros. "On a pris ça pour une vraie provocation", indique un porte-parole des salariés, Christophe Bourdeau. Deux dirigeants du groupe ont été retenus toute une nuit. En vain. Les discussions sont bloquées et la grève contre les 78 suppressions de postes se poursuit. 

Et si l'entreprise n'a pas les moyens de payer ? 

 
Ce cas de figure est fréquent. Quand une entreprise se retrouve en redressement ou en liquidation judiciaire, elle ne peut parfois même pas verser le minimum légal, à savoir un rattrapage de salaire éventuel (si la société ne peut plus payer ses salariés), le préavis de licenciement (payé quand il ne peut être effectué) et l'indemnité de licenciement. Un fond de garanties des salaires, l'AGS, financé par les cotisations des employeurs et des salariés, prend alors le relais. 
 
Peut-on, dans ce cas, espérer des indemnités supralégales de licenciement ? Oui, si elles ont été actées entre les syndicats et la direction plus de dix-huit mois avant "l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire", précise le Code du travail. Un plafond, du reste, est prévu. En 2014, le montant maximum s'élève à 75 096 euros.
 
"Dans la majorité des cas, ce sont des PME qui mettent la clé sous la porte, et les salariés partent de toute façon avec des enveloppes dérisoires", pointe Nathalie Lallier. "On entend beaucoup parler de ces conflits sociaux autour des indemnités mais au final, l'argent va filer et les licenciés économiques se retrouveront à chercher du travail", poursuit-elle. Selon l'avocate, les salariés, tout comme les syndicats, devraient se concentrer sur un reclassement rapide, pour éviter "les trous dans le CV". Quitte à voir les indemnités baisser, malgré les années d'ancienneté. 

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