Propos d’Emmanuel Macron sur le "bordel" : "On n’est pas dans un dérapage, on est totalement dans la communication"
Selon Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences po, les propos d'Emmanuel macron à Egletons (Corrèze) illustrent un "style qu’essaie de se donner" le président.
"Il y en a certains, au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d'aller regarder s'ils peuvent avoir des postes là-bas. Parce que certains ont des qualifications pour le faire", a déclaré Emmanuel Macron mercredi 4 octobre lors de son déplacement à Egletons (Corrèze).
"On est totalement dans la communication" a réagi Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences po et président de MCBG Conseil, jeudi sur franceinfo. Selon lui, Emmanuel Macron veut notamment montrer un profil "un peu moins lisse" et "parler à un électorat de droite."
franceinfo : Qu’entendez-vous dans ces propos ?
Philippe Moreau Chevrolet : Ce sont des propos qui vont dans deux directions. La première direction, c’est le style qu’essaie de se donner Emmanuel Macron qui est un style plus proche de Nicolas Sarkozy. C’est un style direct. Il emploie des mots clairs pour dénoncer des situations précises. Il est vraiment dans une franchise du discours qu’il essaye de développer. On voit bien qu’il y a la construction d’un personnage de quelqu’un d’un peu moins lisse que la personnalité qu’on avait pu percevoir, c’est plus du registre du Sarkozy. Et le deuxième axe, c’est qu’il veut parler à un électorat de droite, ce qu’il fait déjà depuis un moment et ce qui lui vaut un regain de popularité dans les sondages.
On n’est pas là dans de la pure communication politique ?
On est totalement dans la communication. Je ne suis pas le banquier lisse ou l’ancien bon élève de la classe d’Hollande que vous avez connu. Je suis quelqu’un de différent, j’ai une histoire personnelle transgressive à plus d’un égard mais j’ai aussi un parler original auquel vous pouvez vous raccrocher.
Donc, on n’est pas là dans le dérapage ?
On n’est pas dans un dérapage. Son discours est très cohérent avec toute la séquence de communication de rentrée du gouvernement qui est une séquence à droite avec l’annonce de mesures clairement libérales et où l’on cherche à cliver, voir à sur-cliver, pour être le plus fort possible avec La France insoumise car c’est la meilleure opposition du gouvernement. C’est ce que l’on a vu en plateau quand Edouard Philippe a fait une grande émission de télévision et que finalement il s’est retrouvé face à Jean-Luc Mélenchon. C’est une situation rêvée pour le gouvernement de n’avoir plus qu’une opposition avec un destin forcément minoritaire.
Il y a quand même ces accusations de mépris de classe qui reviennent, à chaque fois, mépris conscient ou inconscient d’ailleurs ?
Alors oui, la faiblesse dans l’armure c’est cette accusation de Jean-Luc Mélenchon d’être "le président des riches". Le franc parler peut d’une certaine façon casser cette image en disant : d’accord j’ai une politique libérale, j’ai une politique de droite mais en même temps je vous ressemble, je parle comme vous. Cela peut être une façon d’inventer un personnage différent, plus proche de Sarkozy, plus populiste, plus tribun.
Je parle comme vous, oui et non en fait, car quand il dit "ces gens", "ceux qui", il y a une distance, une trop grande distance dans ces mots ?
Ce qui peut affaiblir le président c’est qu’il tient rarement compte de l’endroit d’où il parle. C’est le problème de Macron depuis le départ. En communication, c’est important d’où on parle. Quand on parle en étant un ancien banquier et bien cela a beaucoup plus violence de dire ce genre de propos que si on est un politique lambda. C’est tout le problème d’Emmanuel Macron, c’est de se mettre au même niveau que les autres hommes politiques, de faire oublier cette figure de banquier. Ce n’est pas évident. Cela peut lui coûter pas mal de points à terme.
Cela veut dire qu’il ne maîtrise pas totalement sa communication ?
Cela veut dire qu’il invente une communication, il improvise, il essaye les choses. Ce n’est pas facile car il n’y a pas vraiment de stratégie à ce niveau-là (…) Emmanuel Macron essaye de créer ce lien avec les Français et c’est vrai que c’est difficile pour lui.
Il y a un effet d’accumulation aussi, cela peut se retourner contre lui ?
Il compte sur l’effet d’accumulation pour créer son personnage à la Sarkozy. Cela peut se retourner contre lui au bout d’un moment, car cela valide tout le temps l’accusation de "président des riches", cela valide ce positionnement élitiste du président. C’est la durée qui va révéler de quel côté va tomber Emmanuel Macron, s’il va se déconnecter complètement des Français et rentrer dans une catégorie vraiment élitiste ou s’il va réussir à se rapprocher d’eux en devenant un peu plus un tribun, en devenant au fond un véritable homme politique.
On a l’impression à chaque fois que l’Elysée sort les rames pour défendre les propos d’Emmanuel Macron ?
Oui l’Elysée sort les rames. C’est un propos qui est pris dans un couloir, qui n’est pas une déclaration officielle, donc forcément l’Elysée découvre ce qui s’est passé. Et puis effectivement c’est inaudible que l’on soit de gauche ou de droite, c’est donc difficile à défendre. Donc c’est vrai que l’Elysée sort les rames et dit "surtout ne sortons pas les propos du contexte", ça c’est la première réaction et puis deuxièmement, "il n’a pas voulu dire ça, il ne visait pas spécialement les ouvriers de GM&S".
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