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Economies d'énergie : "Il faut que les services de l'État montrent qu'ils participent aussi à cet effort collectif", selon un spécialiste du groupe NégaWatt

"Cet appel aux mesures de bons sens en disent long sur la manière dont on s'est endormi et sur la manière dont on a oublié ce que voulait dire consommer de l'énergie", estime sur franceinfo Yves Marignac, consultant sur le nucléaire et la transition énergétique au sein du groupe négaWatt.

Article rédigé par franceinfo
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La Première ministre Elisabeth Borne prononce un discours à l'Hôtel de Matignon, à Paris, le 15 juillet 2022. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Elisabeth Borne a adressé mardi 26 juillet une circulaire à ses ministres, appelant à "l'exemplarité" des administrations en matière d'économie d'énergie. La circulaire pointe notamment le fait de fermer la porte lorsqu'une salle est chauffée ou climatisée et d'éteindre les lumières quand elles ne sont pas nécessaires. "On a quand même le sentiment d'enfoncer des portes ouvertes", a réagi sur franceinfo Yves Marignac, consultant sur le nucléaire et la transition énergétique au sein du groupe négaWatt. "Il faut aller plus loin", estime le spécialiste.

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franceinfo : À votre avis, sommes-nous dans du symbolique, de la communication, ou effectivement, il faut savoir montrer l'exemple pour enclencher une politique efficace en la matière ?

Yves Marignac : C'est un peu entre les deux. Nous sommes d'abord dans du symbolique et la circulaire le dit. Il faut que les services de l'Etat montrent qu'ils participent aussi à cet effort collectif. Dans ce sens, cette initiative va dans le bon sens. Cependant, dans le contenu, on a quand même le sentiment d'enfoncer des portes ouvertes. Les mesures qui sont proposées sont un mélange d'application de réglementations qui existent déjà, comme par exemple l'interdiction de chauffer quand il fait plus de 19 degrés, de mesures de bon sens, comme par exemple fermer les portes lorsqu'on chauffe ou qu'on climatise. Cet appel aux mesures de bons sens en disent long sur la manière dont on s'est endormi et sur la manière dont on a oublié ce que voulait dire consommer de l'énergie. Quand nous arrivons au point qu'il faut que le gouvernement nous rappelle de fermer la porte lorsque l'on chauffe... Effectivement, on ne peut que saluer que le gouvernement parle énormément de sobriété. Cependant, il s'agit d'un registre des petits gestes, des actions volontaires, et pas des transformations structurelles dont on a pourtant besoin.

Avez-vous le sentiment que l'Etat prend les choses par le bon bout, que vous avez la même définition de la sobriété énergétique et les mêmes solutions ?

De notre côté, nous avons une ambition beaucoup plus forte. Si le gouvernement veut effectivement atteindre à court terme l'objectif d'une baisse de 10% de baisse de la consommation d'énergie d'ici deux ans, mais surtout les objectifs de baisse de 50% d'ici à 2050, il faut traiter l'urgence climatique et éviter que ce type de crise énergétique ne se répète et s'amplifie. Il faudra aller vers de la sobriété structurelle. Il faudra transformer notre motilité. Il faudra agir sur notre parc de bâtiments. Il faudra envoyer des signaux très clairs aux entreprises pour qu'elles cessent d'encourager à la surconsommation, qu'elles cessent de faire de l'obsolescence programmée et de fonder tout leur modèle sur une destruction de ressources qu'elles ne payent pas. Le gouvernement va devoir aller sur des choses plus structurelles.

Ce que vous dites, c'est que finalement, la sobriété immédiate ne suffit pas et qu'il faut une transition ?

Il faut les deux. À force de ne pas mettre en oeuvre une politique de sobriété et de maîtrise de la demande, nous sommes arrivés à un point de tension sur l'énergie. Effectivement, le seul levier pour passer l'hiver, ce sont ces gestes appelés par le gouvernement. Cependant, il faut d'ores et déjà anticiper, aller plus loin et engager les actions de développement des transports en commun, d'encouragement des mobilités douces, de régulations de la publicité et des activités des entreprises. Il faut transformer profondément et positivement notre économie pour sortir de cette ébriété énergétique dans laquelle nous nous sommes enfoncés toutes ces années.

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