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Crise énergétique : quatre questions sur le "plan de sobriété" annoncé par Emmanuel Macron

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Emmanuel Macron a annoncé, le 14 juillet 2022, un plan de sobriété énergétique sur le gaz et l'électricité. (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

Lors de son interview du 14-Juillet, le président de la République a estimé qu'il fallait "entrer collectivement dans une logique de sobriété" et qu'il faudrait donc "consommer moins" de gaz et d'électricité.

Changement de pied. Après avoir assuré en juin qu'il n'y avait "aucun risque de coupure" d'électricité l'hiver prochain, Emmanuel Macron a annoncé, jeudi 14 juillet, "un plan de sobriété" pour consommer moins de gaz et d'électricité dans un contexte de crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et les problèmes du parc nucléaire français. "On a un discours qui change sous la pression de l'urgence. Dire qu'il n'y avait aucun risque cet hiver était irresponsable", analyse Nicolas Goldberg, expert énergie pour la société Colombus Consulting, au micro de franceinfo. Voici les questions qui se posent après cette annonce.

Qu'a dit exactement le président ?

Guerre en Ukraine ; "Nous devons nous préparer à un scénario où nous devons nous passer totalement du gaz russe", explique Emmanuel Macron.
Guerre en Ukraine ; "Nous devons nous préparer à un scénario où nous devons nous passer totalement du gaz russe", explique Emmanuel Macron. Guerre en Ukraine ; "Nous devons nous préparer à un scénario où nous devons nous passer totalement du gaz russe", explique Emmanuel Macron.

Le président de la République a fait cette annonce après avoir évoqué la probable coupure de l'approvisionnement en gaz de l'Europe par la Russie. "On doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété. On va préparer un plan pour se mettre en situation de consommer moins", a déclaré le chef de l'État, expliquant qu'il demanderait "aux administrations publiques [et] aux grands groupes de préparer un plan" en ce sens.

"On va essayer de faire attention collectivement, le soir aux éclairages quand ils sont inutiles, on va faire un plan pour les administrations publiques, on va faire un plan de sobriété dans lequel on va demander à tous nos compatriotes de s'engager, et on va faire un plan de sobriété et de délestage – c'est de gaz et d'électricité dont on parle là – avec nos entreprises", a-t-il précisé. "La première chose, c'est la sobriété. La deuxième, [c'est] développer le renouvelable", a-t-il poursuivi, en évoquant une "loi d'urgence" pour réduire les délais d'installation.

"Un plan, ça veut dire des contraintes, des choix", a reconnu le chef de l'Etat, soulignant que "évidemment on aurait des objectifs chiffrés". Mais "déjà, on consomme un peu moins que l'année dernière, c'est à la fois bon pour passer ce cap, et c'est très bon pour le climat et l'indépendance" du pays, a-t-il insisté. Emmanuel Macron a aussi relié cette situation au réchauffement climatique, "c'est une urgence et elle est déjà".

Cette déclaration réaffirme l'annonce faite le 23 juin par la Première ministre Elisabeth Borne et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, d'un plan de sobriété. Cette dernière avait précisé que l'objectif de la France était de réduire de 10% de sa consommation d'énergie d'ici 2024.

Qu'est-ce qu'un plan de délestage ?

Le président de la République n'a pas donné beaucoup de détails sur les mesures que contiendra ce plan de sobriété. Les seules mentionnées dans son entretien sont l'extinction de certains éclairages le soir et le délestage pour les entreprises. Si la première est immédiatement compréhensible, la seconde mérite quelques explications. Le principe est le suivant : en cas de tension sur le réseau de gaz ou d'électricité, certaines entreprises peuvent être déconnectées pour diminuer la consommation et passer le pic. 

Sur l'électricité, ce délestage peut prendre plusieurs formes, explique Nicolas Goldberg : coupures pour de grands consommateurs industriels, dédommagés pour l'occasion, diminution de la tension envoyée sur le réseau (210 volts plutôt que 220) ou "délestages tournants". "Vous coupez une zone, particulier compris, pendant 2 heures, puis vous remettez le courant et vous coupez une autre zone si c'est encore nécessaire", expose l'expert en énergie.

"Ce n'est pas techniquement un black-out, parce qu'il n'est pas généralisé, mais ce sera vécu comme tel par les personnes concernées."

Nicolas Goldberg, expert en énergies

sur franceinfo

Selon lui, un tel dispositif n'a pas été activé depuis au moins 40 ans.

Quels secteurs consomment le plus de gaz et d'électricité ?

Emmanuel Macron a annoncé que son plan s'appliquerait surtout à l'Etat et aux entreprises. Ces dernières, avec les secteurs de l'industrie et du tertiaire, sont de grosses consommatrices de gaz et d'électricité. Mais il a également évoqué les particuliers, en appelant "tous nos compatriotes" à "s'engager". Le secteur résidentiel représente en effet le premier secteur consommateur de ces deux énergies.

Quelles sont les mesures possibles ?

Le président n'a pas donné beaucoup de détails, tout comme ses ministres. Selon Le Point, une grande campagne de communication pour inciter les Français à moins consommer est en préparation, pour une diffusion à l'automne, avec un budget de 15 millions d'euros. "Il y aura sans doute de la communication à destination des entreprises et du grand public mais à ce stade c’est prématuré de parler d’un budget précis et d’un calendrier", répond Matignon à franceinfo.

Dans une courte vidéo mise en ligne vendredi soir, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a donné quelques précisions, en invitant par exemple à limiter le chauffage et la climatisation.

Pour Nicolas Goldberg, "nous sommes face à une crise énergétique comparable à celle de 1974 [qui portait sur le pétrole], pour laquelle nous avions pris toute une série de mesures fortes : limitation de la vitesse sur les routes, fin des programmes TV après 23 heures, normes sur la rénovation thermique..." Tout en estimant que l'opinion publique n'est pas encore prête à accepter des mesures aussi fortes sur le gaz et l'électricité, le consultant dresse une liste non-exhaustive de ce que pourrait faire le gouvernement :

Faire appliquer les lois existantes. Nicolas Goldberg déplore qu'une série d'obligations déjà existantes ne soient pas ou très peu appliquées : extinction des enseignes commerciales après une heure du matin, limitation du chauffage à 19 °C l'hiver, de la climatisation à 26 °C l'été – "il suffit d'entrer dans un centre commercial pour constater que ce n'est pas appliqué".

Repenser les tarifs d'électricité et le placement des heures creuses. L'expert regrette la disparition progressive des tarifs horaires comme Tempo, qui découpait le calendrier en jours bleu, blanc ou rouge en fonction de la tension sur le réseau électrique. "C'était très lisible, cela permettait d'identifier les jours où il fallait faire attention à sa consommation", estime-t-il.

Généraliser le dispositif d'alerte Ecowatt. Pour sensibiliser les consommateurs au risque de coupure, RTE a mis en place Ecowatt, une "météo de l'électricité" qui envoie des alertes en cas de tension sur le réseau. "Ils ont envoyé une alerte le 7 avril dernier et cela a permis d'économiser 900 megawatt, c'est pas mal et ce n'est pas cher de juste dire aux gens de faire attention", relève Nicolas Goldberg.

Lancer un plan d'urgence de rénovation énergétique. S'il observe que des progrès ont été fait avec le dispositif Ma Prime Rénov, l'expert appelle à l'étendre, à le généraliser et à le simplifier pour accélérer la rénovation énergétique des logements.

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