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Fin de la trêve hivernale : la fondation Abbé Pierre appelle tous les fournisseurs d’énergie à "imiter EDF" qui ne coupera plus l’électricité en cas d’impayé

Emmanuel Domergue, directeur des études à la fondation et invité de franceinfo mardi, a rappelé que la réduction de puissance "reste une sanction très sévère".

Article rédigé par franceinfo
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Une personne règle son radiateur à Nice (Alpes-Maritimes), le 30 novembre 2020 (illustration). (ERIC OTTINO / MAXPPP)

"On est arrivé, en 2021, à un record historique avec 700 000 interventions pour coupures et réductions de puissance" électrique, a souligné mardi 29 mars sur franceinfo Emmanuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre. Il appelle tous les fournisseurs d’électricité "à imiter EDF", qui s'engage à ne pas couper l'électricité en cas d’impayé et ce même après la fin de la trêve hivernale, qui doit intervenir vendredi. La promesse a été faite en novembre.

franceinfo : Combien de clients sont concernés aujourd'hui par d'éventuelles coupures ?

Emmanuel Domergue : Ces dernières années, on comptait entre 250 et 300 000 coupures d’électricité par an. Ce sont des chiffres énormes. On est même arrivé, en 2021, à un record historique avec 700 000 interventions pour coupure et réduction de puissance. La réduction de puissance est évidemment mieux qu'une coupure mais ce n'est pas grand-chose. Il s'agit de laisser 1 000 watts, ce qui permet d'avoir la lumière, un ordinateur, une télé et un frigo qui marche. C'est indispensable et on s'est battu pour abolir les coupures mais ça reste quand même une sanction très sévère et il ne faut pas s'habituer à ce que les personnes vivent dans ces conditions.

Qui sont les foyers les plus en difficulté ? Est-ce que leur profil a évolué ces dernières années, notamment récemment avec la flambée des prix de l'énergie ?

Les profils en difficulté par rapport aux factures d'électricité et aux risques de coupure sont évidemment les ménages à bas revenus. Ce n'est pas une surprise. Les ménages qui vivent dans des passoires énergétiques et des logements mal isolés sont aussi concernés parce qu'il faut payer cher pour réussir à se chauffer tant bien que mal. Je rappelle qu'il y a cinq millions de passoires énergétiques. Ceux qui les subissent vivent essentiellement dans le parc locatif privé. C'est là où l'effort de rénovation énergétique des passoires a été le moins efficace parce que les bailleurs, souvent, ne veulent pas faire ces rénovations. Il y a donc une attention à porter à ces ménages qui sont particulièrement vulnérables.

Cette question de l'accès à l'électricité devient cruciale dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix. Faut-il aller vers un droit à l'électricité comme il existe un droit au logement ?

Tout à fait. Ça fait partie des droits fondamentaux d'avoir un minimum d'électricité et d'énergie. Évidemment, ça ne veut pas dire que c'est "open bar" et qu'on peut avoir tout ce qu'on veut gratuitement. Cela veut dire que, quel que soit le niveau d'impayé, chacun doit avoir droit à la lumière chez soi, pour soi et ses enfants. Chacun doit pouvoir brancher un frigo, recharger un téléphone ou un ordinateur. Sans ça, on ne peut rien faire aujourd’hui. On ne peut plus vivre, travailler ou chercher un emploi. Les personnes qui ont vécu des coupures d'électricité parlent d'un traumatisme et d'une humiliation. Ce n'est pas normal aujourd'hui en France que ce type de peine de mort sociale perdure. On a parfaitement les moyens d'octroyer un minimum vital pour les personnes. Ce minimum d'un Kilovoltampère reste à payer, même avec cette réduction de puissance.

Que demande la Fondation Abbé-Pierre ?

Il faut que l'État interdise les coupures. Ça ne doit pas simplement reposer sur la bonne volonté d'EDF parce que ce n’est pas juste pour les clients qui ne sont pas chez ce fournisseur. L'entreprise peut aussi changer d'avis un jour. On n'aurait alors aucun recours contre ça. Il faut que l'État aide les ménages à payer leurs factures d'énergie, en particulier les ménages modestes. Il faut donc doubler le montant du chèque énergie pour atteindre 700 euros pour une famille par an. Même ça, ce n'est pas suffisant pour vraiment vaincre la précarité énergétique. Enfin, la solution de long terme est de rénover ces passoires énergétiques et d'avoir plus d'ambition. Changer une chaudière ou les fenêtres, c'est bien mais ce n'est pas ça une vraie rénovation complète.

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