Rejet de la fusion Alstom/Siemens : "La menace chinoise reste pour le moment très virtuelle"
Selon Marc Ivaldi, professeur à la Toulouse School of economics, il est prématuré d'affirmer que le rejet de cette fusion va bénéficier à la Chine, comme l'a déclaré le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a affirmé mercredi 6 février que le rejet par la Commission européenne de la fusion du groupe français Alstom et de l'Allemand Siemens allait "servir les intérêts économiques et industriels de la Chine". Sur franceinfo, Marc Ivaldi, professeur à la Toulouse School of economics, a nuancé ces propos. Selon lui, "la menace chinoise reste pour le moment très virtuelle". "Pour pouvoir rentrer sur ces marchés européens qui sont extrêmement désagrégés, il faudra que les Chinois investissent beaucoup", a analysé l'économiste, également directeur d'études à l'EHESS.
franceinfo : Bruno Le Maire parle d'une erreur économique. Vous êtes d'accord ?
Marc Ivaldi : Cette fusion posait problème du point de vue du droit de la concurrence tel que nous l'avons adopté à l'unanimité dans nos traités, c'est difficile de contourner ça. Si les remèdes qui avaient été proposés étaient suffisants, je suis certain que la Commission aurait accepté. C'est très rare que la Commission rejette une fusion, en général à 95% les fusions sont acceptées. Cela posait réellement des problèmes, ne serait-ce qu'une question simple : on garde le TGV français ? On garde le TGV allemand ? On n'en fait qu'un ? Les investissements auraient été importants et la menace chinoise reste pour le moment très virtuelle.
Dire comme le ministre de l'Économie que cela va directement servir les intérêts de la Chine, c'est prématuré ?
Oui, parce que pour pouvoir rentrer sur ces marchés européens qui sont extrêmement désagrégés, avec des technologies très différentes d'un marché à l'autre et d'un territoire à l'autre, il faudra que les Chinois investissent beaucoup. Le mot "TGV" cache une réalité : vous prenez un TGV chinois actuel entre Pékin et Shanghai par exemple, vous le mettez sur des voies françaises, il ne marche pas : il reste à quai parce qu'il n'a pas la technologie, parce qu'il n'a pas les "softwares" [logiciels] qui ont été développés, donc tout ça est très virtuel. Pour le moment, ce qu'on voit, c'est qu'Alstom et Siemens gagnent sur les marchés internationaux et sont eux-mêmes des champions.
Il y a une dizaine d'années, on n'aurait pas imaginé alors que Nokia et Ericsson étaient sur le devant de la scène des télécoms, qu'on téléphonerait aujourd'hui depuis des Samsung ou des équipements Huawei. Cela pourrait-il se passer dans le ferroviaire dans les années à venir ?
Regardez dans le domaine de l'aérien comme c'est extrêmement difficile de rentrer dans la concurrence entre Boeing et Airbus. Sur le ferroviaire, on est dans une structure très complexe avec des technologies beaucoup moins transmissibles que sur le téléphone mobile, donc la menace me paraît extrêmement faible pour le moment. Ce qui ne veut pas dire que cela n'arrivera pas dans un certain nombre d'années, mais à mon avis, ce nombre d'années est très important.
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