Atos, le géant français de la cybersécurité que des députés veulent nationaliser temporairement
Peu connue du grand public, Atos est pourtant un acteur incontournable du secteur très stratégique de la sécurité sur internet. C'est ainsi le groupe informatique en charge de la cybersécurité des Jeux olympiques de Paris 2024, et qui est aussi essentiel pour l'industrie nucléaire française. Mais Atos connaît des remous ces dernières années. La restructuration de ce joyau hexagonal attire des investisseurs étrangers et inquiète les députés, qui comptent bien le préserver. Franceinfo revient sur cette saga économique qui est en train de prendre une tournure politique.
Des activités sensibles dans les secteurs de l'armée et du nucléaire
Depuis sa création en 1997, la société se positionne comme le spécialiste mondial de la transformation numérique des entreprises. Elle regroupe quelque 107 000 collaborateurs répartis dans 69 pays, pour un chiffre d’affaires estimé à 11 milliards d'euros. Depuis 2001, Atos est le partenaire informatique mondial des Jeux olympiques et paralympiques. Surtout, le groupe a plusieurs activités dans des secteurs aussi pointus que sensibles comme l'armée, le nucléaire et la sécurité informatique.
Il assure, entre autres, la gestion des systèmes sécurisés de l'armée et de gestion des centrales nucléaires, produit des supercalculateurs et développe également des logiciels de gestion informatique de service publics et parapublics comme Linky ou SNCF. Pendant 10 ans, de 2009 à 2019, le groupe a été dirigé par Thierry Breton, jusqu'à ce qu'il devienne commissaire européen au marché intérieur. Sous "l'ère Breton", le géant du secteur voit sa croissance gonfler, avec des acquisitions stratégiques mais coûteuses.
Une évolution décriée
L'entreprise commence à traverser une mauvaise passe après le départ de Thierry Breton. Car selon les analystes, les choix stratégiques du PDG se révèlent peu judicieux. Atos enregistre dès lors de moins bons résultats économiques et vit une valse de dirigeants qui le déstabilisent. En grandes difficultés, Atos décide en juin 2022 de scinder ses activités en deux branches : le conseil en informatique d'une part, et la cybersécurité d'autre part. Une décision vivement critiquée en interne, d'autant que la branche "Tech Foundations", qui regroupe les activités de conseil en informatique, intéresse l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky.
Cet intérêt du milliardaire, qui multiplie les investissements en France, est fustigé par certains actionnaires ainsi que des responsables politiques. Un mécontentement qui coûte son poste au président du conseil d'administration, Bertrand Meunier, qui démissionne le 14 octobre dernier. Le projet de rachat de l'ambitieux Kretinsky est quant à lui maintenu mais reporté au "début du deuxième trimestre 2024".
Une reprise en main politique
La contestation autour de ce projet de rachat d'une branche d'Atos prend aussi une tournure politique. En août dernier, 82 parlementaires LR appellent, dans une tribune publiée par le Figaro, à maintenir l'entreprise "sous le giron français" et à cesser de "vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères". Les signataires soulignent notamment que les supercalculateurs d'Atos sont indispensables aux simulations d'essais nucléaires, et donc à la dissuasion nucléaire française.
"Atos demeure clé pour notre autonomie stratégique actuelle, au travers des capacités de calcul, et de demain, avec les enjeux liés au quantique"
Les parlementaires LR signataires d'une tribunedans Le Figaro
Fin septembre, la Première ministre tente de rassurer les parlementaires LR. "Même si l'opération était menée à son terme, elle n'aurait aucune incidence en termes de contrôle ou de droit de blocage sur les activités sensibles", réplique Élisabeth Borne. Mais cela ne suffit pas à éteindre l'inquiétude d'une partie de l'opposition française.
Vendredi 20 octobre, le chef de file des députés Les Républicains Olivier Marleix a déposé un amendement dans le projet de loi de finances 2024, en débat à l'Assemblée nationale, pour "une nationalisation totale temporaire d'Atos". "Ce choix est motivé par les menaces d'acquisition de la part de Daniel Kretinsky et les changements majeurs envisagés pour le groupe", détaille le député.
Un projet de nationalisation et une action au plus bas
De son côté, le député socialiste Philippe Brun annonce sur X (ex-Twitter) qu'il va proposer ce mercredi à la commission des Finances de l'Assemblée nationale "la nationalisation temporaire des activités 'souveraines' du groupe Atos, actuellement en cours de démantèlement". "Nous ne pouvons laisser une entreprise étrangère prendre le contrôle de ces activités absolument essentielles pour notre indépendance nationale", justifie le député PS.
Pour sa part, le ministère de l'Économie indique qu'"il n'y a aucun projet de nationalisation" d'Atos. Mais après le dépôt de ces deux amendements, l'action du groupe informatique français connaît son plus bas historique lundi à la Bourse de Paris. Le sujet est débattu mercredi 25 octobre à l'Assemblée nationale, l'avenir d'Atos n'est donc pas encore tranché.
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