La future loi sur les stages marque-t-elle vraiment une avancée ?
La proposition de loi, qui devrait être adoptée le 12 juin, prévoit une meilleure rémunération et davantage de droits sociaux pour les stagiaires. Francetv info revient sur ce texte qui pourrait être appliqué dès septembre.
Bientôt la fin de la galère pour les stagiaires ? Après l'Assemblée nationale, le Sénat a adopté, dans la nuit du 14 au 15 mai, la proposition de loi socialiste sur le renforcement de l'encadrement des stages. De nombreux jeunes sont concernés : près de 1,6 million d'étudiants découvrent chaque année le monde de l'entreprise par le biais d'un stage. Ils n'étaient que 600 000 en 2006.
Lutter contre les abus en la matière, c'était l'un des engagements de campagne du candidat François Hollande. Le gouvernement a engagé la procédure accélérée (une seule lecture par chambre), et la proposition de loi doit, à présent, faire l'objet d'une commission mixte paritaire, qui se réunira le 3 juin (7 députés et 7 sénateurs). L'instance sera chargée de trouver une version commune. Le texte devrait être adopté définitivement le 12 juin et mis en œuvre, dès septembre, sur les nouvelles conventions de stage. Francetv info revient sur cette proposition de loi qui constitue pour beaucoup un progrès.
Des avancées indéniables
Les stagiaires vont gagner plus ! Le montant minimal de l'indemnité accordée aux stagiaires passe de 436,05 euros à 523,26 euros par mois. Cette gratification pourra être touchée dès le début du deuxième mois (contre le troisième actuellement). Les stagiaires pourront, en plus des indemnités, avoir accès aux restaurants d'entreprise, percevoir des tickets repas et des aides au transport, y compris pour ceux qui sont depuis moins de deux mois dans l'entreprise. Ils pourront également bénéficier de congés maternité ou paternité. Enfin, leur temps de présence ne pourra plus être supérieur à celui des salariés.
Pour lutter contre le recours abusif aux stagiaires, la proposition de loi prévoit aussi de limiter leur nombre dans l'entreprise. Ce plafonnement sera fixé par décret en Conseil d'Etat. La secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a fait savoir que ce seuil devrait s'établir sur la base d'un quota d'environ 10% du personnel, pour les entreprises de plus de 30 salariés, et de trois stagiaires pour les plus petites.
Reste à la faire appliquer
Ce texte n'est pas la première tentative d'encadrement des stages. Depuis 2006, de nombreuses lois se sont succédé. Pour Dominique Glaymann, maître de conférences en sociologie à l'université Paris-Est-Créteil, cette dernière reprend beaucoup d’éléments déjà présents, notamment dans la loi Cherpion de 2011 et dans la loi Fioraso de 2013. "A partir du moment où l'on a besoin de légiférer tous les deux ans, c'est que l'on a du mal à faire appliquer la loi", relève le sociologue, qui reconnaît tout de même les avancées en terme de droits sociaux que représente cette loi.
Pour Patrick, membre de Génération Précaire, "c'est inespéré. Toutes nos revendications sont dans cette proposition de loi, c'est un combat de 9 ans qui aboutit." Mais le collectif reste très prudent : "On espère que la loi sera votée en l'état, avec le quota et les avancées apportées par le Sénat. Nous veillerons à ce que les décrets d'application soient les moins flous possibles et surtout qu'ils soient publiés rapidement pour être applicables dès la rentrée."
Une façon de rendre la précarité plus acceptable ?
Augmenter la gratification de 87 euros, est-ce réellement une avancée alors que de nombreux jeunes sont dans la précarité ? Patrick, membre du collectif Génération précaire, se félicite en tout cas, de voir que les dispositions relatives au stagiaire ont été refondues dans le seul Code de l'éducation et non plus dans le Code du travail. La distinction est ainsi faite entre le salarié et le stagiaire, et "cela renforce le cadre pédagogique du stage".
Dominique Glaymann ne voit pas, lui, dans cette hausse de la gratification un "smic jeune déguisé" même si les stages peuvent faire office de "CPE de Villepin". Pour lui, le niveau de gratification doit rester inférieur au smic, et c'est sur les bourses qu'il faut agir, car trop d'étudiants sont en difficultés financières. "Un étudiant de province qui vient à Paris pour effectuer un stage va avoir de nombreux frais. Le problème n’est pas la gratification, mais le niveau des bourses, qui ne suit pas la démocratisation des études."
Et le sociologue, qui a codirigé avec Vincent de Briant l'ouvrage Le stage. Formation ou exploitation ?, insiste : "Le vrai problème, c'est que bon nombre d'employeurs considèrent les stagiaires comme de la main-d'œuvre pas chère." "L'urgence aujourd’hui, c’est de limiter les stages plutôt que de les développer, car il y a eu un triplement des stages en moins de dix ans," poursuit Dominique Glaymann, qui déplore justement que la loi se dénomme "loi sur le développement et l'encadrement des stages".
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