Les investisseurs étrangers partagent-ils l'avis du patron de Titan ?
Maurice Taylor s'est payé Arnaud Montebourg et les "soi-disant ouvriers" de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord. Mais est-il représentatif ?
"Vous ne voulez plus travailler, bientôt vous n'aurez plus l'argent pour vous payer le bon vin français." Maurice Taylor, le PDG de Titan, s'est livré à une séance de french bashing en règle, dans un courrier adressé au ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Attaquant les "soi-disant ouvriers" de Goodyear, qui ne "travaillent que trois heures" par jour, la lettre a été reçue comme une insulte par le ministre VRP du made in France.
"L'hystérie nationale déclenchée par les commentaires d'un seul homme d'affaires américain, surnommé "le grizzli", prouve que Taylor a touché un nerf", analyse le magazine américain The Week. Le nerf de la lassitude peut-être, car la France essuie les critiques et les préjugés venus d'outre-Atlantique depuis 1944, comme l'explique Slate. Francetv info se met à la place des investisseurs et dresse les atouts et les handicaps de la France.
Des salariés "productifs" et "dévoués"
Non, les salariés français ne sont pas des fainéants. C'est The Economist, magazine britannique pourtant rarement tendre avec la France, qui le dit. Le blog Schumpeter, citant les données du forum économique mondial sur la compétitivité, affirme même que "les Français sont bien plus dévoués à leur travail que les Américains, les Britanniques ou les Néerlandais".
Les investisseurs étrangers estiment avoir de bonnes raisons de s'installer en France. Le fabricant américain d'ascenseurs Otis y est implanté depuis longtemps et vante "la productivité" et l'excellence du système éducatif, dont sortent des "diplômés extrêmement talentueux", sur le site de l'Agence française pour les investissements internationaux.
L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) le confirme. La France se classe au septième rang (sur 34) en termes de productivité horaire et les chiffres de l'OCDE tordent le cou à l'idée selon laquelle les Français travailleraient moins que leurs voisins allemands, par exemple, rappelle France info.
Un coût du travail "élevé"
En revanche, ils coûtent plus cher que d'autres à leurs employeurs : 34,20 euros de l'heure contre 30,10 euros en Allemagne ou 20,10 euros au Royaume-Uni, en 2011, selon Eurostat. En cause, des charges élevées, souvent montrées du doigt, comme au dernier sommet du G20, à Moscou. Le coût du travail en France "réduit les possibilités d'emploi, en particulier pour les travailleurs jeunes et peu qualifiés", selon le rapport sur la croissance de l'OCDE, cité par Le Figaro.
Les chefs d'entreprises anglo-saxons, et leurs homologues français aussi par la voix du Medef, font régulièrement le même reproche au marché du travail hexagonal : il est "notoirement rigide". Au mieux, le Code du travail est qualifié de "strict", par le Financial Times (en anglais). La législation française "rend onéreux les licenciements" et "fermer une usine peut entraîner un vilain retour de bâton politique", ajoute le Wall Street Journal (en anglais).
Sur son site, l'hebdomadaire The Week (en anglais) estime d'ailleurs qu'au vu des réactions après la diatribe de Maurice Taylor, François Hollande "aura le plus grand mal" à faire voter une réforme du marché du travail, après l'accord trouvé vendredi 11 janvier.
Un dialogue social "compliqué"
"Je n'ai pas voulu insulter les Français. Ce que j'ai voulu dire, c'est que le syndicat de l'usine d'Amiens est tombé sur la tête", a tenté de rectifier Maurice Taylor, dans un entretien au Figaro, jeudi 21 février. Les syndicats du site Goodyear d'Amiens-Nord ont refusé ce que leurs voisins d'en face, chez Dunlop, ont accepté pour sauver leurs emplois : travailler plus, pour gagner la même chose. Au prix de conditions de travail et de vie très dégradées, comme le racontait francetv info dans cet article.
"Il faut que l'on balaie aussi devant notre porte et que l'on reconnaisse que le dialogue social en France ne fonctionne pas comme il devrait fonctionner", estime Clara Gaymard, PDG de General Electric en France, interrogée par Les Echos. Elle souligne toutefois que cela n'empêche pas les "2 milliards d'euros qui sont échangés chaque jour entre la France et les Etats-Unis" et les "500 000 emplois directs qui existent en France grâce aux entreprises américaines".
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