Microsoft a-t-il raison de s'offrir les téléphones Nokia ?
Les deux entreprises souffrent depuis de longues années de la concurrence sur le marché des smartphones.
Microsoft et Nokia, pour le meilleur et pour le pire. Mardi 3 septembre, le groupe informatique américain a annoncé le rachat de l'activité "téléphones portables" du finlandais Nokia, pour un montant total de 5,44 milliards d'euros. Les deux entreprises étaient déjà associées, Microsoft fournissant à Nokia le système d'exploitation de son dernier smartphone, le Lumia.
A première vue, cette union ne fait pas rêver, tant Microsoft et Nokia accusent de retard sur leurs concurrents. Windows Phone, le système d'exploitation mobile du géant américain, n'équipait que 3,3% des smartphones vendus dans le monde au deuxième trimestre 2013, selon des chiffres du cabinet de conseil Gartner (article en anglais). Nokia, s'il continue à faire bonne figure sur le marché des téléphones mobiles traditionnels, n'était de son côté plus que le dixième constructeur de smartphones en mai, selon le même cabinet (article en anglais). Loin derrière Samsung et Apple.
Cette union entre éclopés du smartphone peut-elle aider Microsoft à se refaire une santé dans ce secteur très concurrentiel ? Francetv info liste les arguments qui permettent d'espérer... et les autres.
Oui, parce que Microsoft fait plutôt une bonne affaire
Pour s'offrir le cœur d'activité de Nokia, Microsoft va devoir signer un chèque de près de 5 milliards et demi d'euros. Une somme qui n'est pas aussi importante qu'elle en a l'air, puisqu'elle représente environ un quart du chiffre d'affaires de l'entreprise en 2012. Cité par l'agence Reuters, un analyste de la société de consultants finlandaise Alekstra évoque même "un prix bradé".
D'autant que s'il est en difficulté, Nokia garde de beaux restes de l'époque où il revendiquait 40% de part de marché sur les téléphones mobiles, comme l'indique cet article de USA Today (en anglais) de 2008. "Nokia est encore un grand nom dans le secteur des terminaux. C'est un groupe qui possède une marque, des ingénieurs, des réseaux de distribution... En l'achetant, Microsoft compte accélérer sa croissance sur le secteur des terminaux intelligents", explique David Barroux, journaliste aux Echos, dans une vidéo.
L'opération n'est par ailleurs pas des plus douloureuses pour Microsoft, qui a publié de bons résultats en juillet : en douze mois, le bénéfice net du groupe s'élevait à près de 22 milliards de dollars (16,6 milliards d'euros). L'Américain est en outre coutumier des achats importants. En mai 2011, il avait acheté le spécialiste de la téléphonie sur internet, Skype, pour 8,5 milliards de dollars (6,5 milliards d'euros), comme le rapportait alors Le Figaro.
Oui, parce que cela peut rapporter gros
En achetant les téléphones Nokia, Microsoft adopte une stratégie verticale sur le secteur des smartphones. Alors qu'il n'était auparavant présent qu'à travers son système d'exploitation Windows Phone, le géant américain contrôlera désormais aussi bien le volet matériel que logiciel de la production. Un modèle qui a réussi à son concurrent Apple, note Le Monde (article réservé aux abonnés), et vers lequel semble se diriger Google, qui a racheté en mai 2012 le fabricant Motorola.
Microsoft compte par ailleurs sur cette intégration pour augmenter ses marges. Lors de la présentation de ce rachat, le groupe a indiqué (présentation en anglais, diapositive 20) qu'il ne touchait actuellement qu'une marge de moins de 10 dollars à chaque terminal équipé de Windows Phone vendu par Nokia. Le rachat du Finlandais lui permettrait de quadrupler ce montant.
Intéressant, d'autant que ces derniers mois, les chiffres ont été encourageants. "Les ventes des Windows Phones produits par Nokia sont passées de zéro, il y a deux ans, à 7,4 millions de terminaux vendus lors du dernier trimestre", a ainsi expliqué le PDG de Microsoft cité par Techcruch (article en anglais).
Non, car le pari de Microsoft est très risqué
Difficile toutefois de promettre une lune de miel aux deux tourtereaux. D'abord parce que Microsoft s'est déjà essayé au "fait maison", avec sa tablette tacticle Surface, pour un résultat mitigé. Sortie en mai 2013 en France et produite de A à Z par Microsoft, Surface n'a pas convaincu, au point que le groupe a été forcé de baisser drastiquement les prix de son produit, relève le Journal du Net. A noter également l'exemple de BlackBerry, lui aussi adepte de la production verticale, et en pleine déconfiture.
Ensuite, parce que Microsoft attend sans doute trop de cette acquisition. Le groupe espère qu'un succès sur le marché des smartphones entraînera dans la foulée de meilleures ventes de tablettes et d'ordinateurs équipés de Windows 8. Un sacré défi, tant le grand public continue de bouder le dernier système d'exploitation de Microsoft : en août, il n'équipait que 7,41% des ordinateurs de bureaux, selon The Next Web (article en anglais). Plus de quatre fois moins que Windows XP, sorti il y a douze ans.
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