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Projet de loi sur le "partage de la valeur" : participation, intéressement, actionnariat... De quoi parle-t-on exactement ?

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Des billets et des pièces en euros (illustration). (THIBAUT DURAND / HANS LUCAS / AFP)
Alors que les députés débutent l'examen d'un texte sur le sujet, franceinfo vous explique avec un lexique ce que sont les dispositifs qui feront l'objet de débats.

Alors que l'inflation commence tout juste à ralentir, l'Assemblée nationale se saisit, lundi 26 juin, du projet de loi sur le "partage de la valeur" au sein des entreprises, qui doit permettre d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés. Le texte, issu d'un accord entre les syndicats et le patronat conclu en février, prévoit notamment d'étendre des dispositifs tels que l'intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur ("prime Macron") à toutes les entreprises de plus de 11 salariés.

L'objectif ? Que toutes les entreprises de 11 à 49 employés, si tant est qu'elles soient rentables (dont le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives), mettent en place au moins l'un de ces dispositifs, pour une expérimentation de cinq ans. Un élargissement qui pourrait concerner "1,5 million" de travailleurs supplémentaires d'ici "deux à trois ans", a fait valoir lundi Olivier Dussopt, le ministre du Travail, sur CNews. Connaissez-vous bien ces outils ? Franceinfo vous aide à y voir plus clair.

Le "partage de la valeur"

Le "partage de la valeur" en entreprise désigne un ensemble de dispositifs, obligatoires ou facultatifs, qui "permettent d'associer les salariés à la performance et au capital de leur entreprise", détaille le ministère de l'Economie. Cette appellation regroupe des outils variés comme l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié ou la prime de partage de la valeur.

D'après la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail (Dares), 52,8% des salariés de l'ensemble des entreprises avaient accès, en 2020, à au moins l'un de ces dispositifs. Mais cette proportion était de seulement 18,5% dans les sociétés de moins de 50 salariés.

Pour les entreprises, l'objectif de ces outils est de motiver leurs salariés en leur versant un complément de revenu, tout en bénéficiant d'avantages fiscaux intéressants sur les sommes versées. Pour les salariés, l'intérêt est d'augmenter leur pouvoir d'achat. Mais l'Insee relevait en mars 2023 que le versement de la prime de partage de la valeur en 2022 avait légèrement limité la hausse des salaires cette année-là.

La participation

Il s'agit d'une prime liée aux bénéfices de l'entreprise, actuellement obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Sa mise en place est encadrée par un accord collectif au sein de l'entreprise, après consultation des salariés ou de leurs représentants.

Une formule permet de déterminer le montant minimal à verser aux salariés, mais l'employeur peut décider de compléter ce plancher. Les sommes versées peuvent être identiques pour l'ensemble des salariés ou dépendre des salaires et/ou de l'ancienneté. Dans tous les cas, elles ne peuvent être supérieures à 75% du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 30 852 euros par salarié en 2022.

Le salarié peut demander le versement immédiat de la prime de participation, sans quoi elle est bloquée sur un plan d'épargne salariale pendant cinq ans. Lorsqu'il existe un plan d'épargne retraite dans l'entreprise, la moitié de la prime de participation est bloquée sur ce plan, sauf si le salarié s'y oppose. En contrepartie, chacun peut bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu sur les sommes bloquées, ce qui n'est pas le cas lors d'un versement immédiat. L'employeur bénéficie également d'avantages fiscaux et sociaux sur la participation, notamment l'exonération des cotisations sociales sur l'ensemble des sommes versées.

L'intéressement

Au contraire de la participation, l'intéressement est une prime facultative, liée aux résultats financiers ou aux performances non financières de l'entreprise (réduction des délais de traitement des dossiers, du stock d'invendus, etc.), ouvert à toutes les entreprises. Sa mise en place est aussi encadrée par un accord collectif

Une formule permet là aussi de déterminer le montant minimal à verser aux salariés, tout en permettant à l'employeur de compléter ce plancher. Les sommes versées peuvent être identiques pour l'ensemble des salariés ou dépendre des salaires et/ou de l'ancienneté. Le montant total de la prime ne peut excéder 75% du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 30 852 euros par salarié en 2022. Par ailleurs, le total des primes d'intéressement versées à l'ensemble des salariés ne peut pas dépasser 20% du total des salaires bruts versés.

Le salarié peut demander le versement immédiat de la prime d'intéressement, sans quoi elle est bloquée sur un plan d'épargne salariale pendant cinq ans. Il bénéficie alors d'une exonération d'impôt sur le revenu sur les sommes bloquées, ce qui n'est pas le cas lors d'un versement immédiat. L'employeur bénéficie également d'avantages fiscaux et sociaux, notamment l'exonération des cotisations sociales sur l'ensemble des sommes versées et, pour les entreprises de moins de 250 salariés, l'exonération de forfait social.

La prime de partage de la valeur

Anciennement appelée "prime Macron", la prime de partage de la valeur (PPV) est une prime facultative lancée le 1er juillet 2022, en période de forte inflation. Près de 5,5 millions de salariés l'ont touchée l'année dernière, pour un montant moyen de 789 euros, a annoncé en février Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des Comptes publics, cité par La Tribune.

La PPV peut être mise en place sur décision unilatérale de l'employeur, sans accord collectif. Elle ne peut excéder 3 000 euros par an (6 000 euros si l'entreprise dispose déjà d'un dispositif d'intéressement ou de participation). Son montant peut être fonction de la rémunération et de la présence effective du salarié dans l'entreprise, mais aussi de l'ancienneté ou de la durée de travail. Le projet de loi "partage de la valeur" prévoit que cette prime puisse, elle aussi, être placée sur un plan d'épargne salariale.

Pour les salariés rémunérés moins de trois fois le smic, cette prime est jusqu'à présent exonérée d'impôt sur le revenu, du forfait social et de toutes les cotisations et contributions sociales patronales et salariales, dont la CSG et la CRDS. Pour les autres salariés, la prime de partage de la valeur est assujettie à l'impôt sur le revenu et à la CSG-CRDS, tandis que les entreprises de plus de 250 salariés doivent s'acquitter du forfait social. Ces conditions doivent normalement s'étendre à l'ensemble des salariés, à partir du 1er janvier 2024. Mais le projet de loi prévoit que ceux rémunérés moins de trois fois le smic, et travaillant dans des entreprises de moins de 50 salariés, conservent ces exonérations jusqu'à fin 2026.

L'actionnariat salarié

Il permet aux travailleurs de sociétés par actions de souscrire à des actions de leur entreprise à prix préférentiel, que celle-ci soit cotée en Bourse ou non. Ce dispositif est mis en place via une augmentation de capital ou une cession de titres réservée aux salariés, une attribution gratuite d'actions ou par des options d'achat d'actions (qu'on appelle aussi "stock-options").

Les salariés actionnaires peuvent détenir leurs actions directement, ou indirectement, en détenant des parts d'un fonds commun de placement d'entreprise (FCPE). Le projet de loi "partage de la valeur" prévoit d'encourager l'actionnariat salarié en autorisant les entreprises à donner davantage d'actions à leurs salariés.

Le régime fiscal et social applicable est le même que pour les sommes bloquées sur un plan d'épargne d'entreprise, dans le cadre de l'intéressement et de la participation.

Les "bénéfices exceptionnels"

Dans la lignée du débat sur les "superprofits" des entreprises, le texte "partage de la valeur" prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés négocient la définition et le partage des "bénéfices exceptionnels". La prise en compte de ces bénéfices pourra donner lieu à un supplément d'intéressement ou de participation, ou à une nouvelle discussion sur un dispositif de "partage de la valeur".

La majorité présidentielle a prévu dans l'Hémicycle de repréciser que "la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice" devra prendre en compte la taille de l'entreprise, son secteur, etc. Mais les oppositions veulent davantage de cadrage et prônent, à l'instar des élus de La France insoumise, des primes systématiques en cas de "superprofits".

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