Est-ce bien raisonnable d'acheter de la nourriture en ligne ?
Alors que Vente-privée.com lance Miam miam, son site dédié à l'alimentation et aux produits dits "du terroir", francetv info répond aux cinq questions que l'on se pose sur les nouvelles tendances du e-commerce alimentaire.
Remplir son frigo, acheter des biens culturels, de la high-tech ou des loisirs : les craintes autrefois exprimées par les Français à l'égard du e-commerce ont disparu. En témoigne la multiplication des "drives". Mais où cliqueriez-vous pour acheter une cagette d'huîtres ? Un filet de bœuf et des carottes bio ? Du fromage garanti fabriqué loin de l'usine ?
Jeudi 24 octobre, la star du commerce en ligne Vente-privée.com lance Miam miam, un site dédié à l'alimentation. Interrogé par Challenges.fr, son fondateur, Jacques-Antoine Granjon, ne cache pas qu'il envisage de vendre du frais à l'avenir, citant notamment les fromages. Amazon, lui, développe déjà son rayon légumes outre-Atlantique. Mais l'e-commerce dispose-t-il d'arguments assez forts pour convaincre le consommateur ?
Est-ce moins cher en ligne ?
Dans la plupart des secteurs, l'e-commerce propose des prix plus attractifs, selon l'Autorité de la concurrence. Sauf en matière d'alimentation. Dans un rapport d’information daté de janvier 2012, le Sénat explique le faible développement de la vente en ligne de produits alimentaires : il pointe "le coût très élevé de la conservation, du ‘picking’ [le fait de collecter en rayon les produits sélectionnés par le consommateur] et surtout de la livraison, rapporté à celui des marchandises achetées". Ses auteurs en concluent qu'à l'exception du "drive", qui pratique les mêmes tarifs que l'hypermarché dont il dépend, les prix de l'alimentaire "demeurent sensiblement plus élevés que dans le commerce physique". Benjamin, qui travaille pour un site de vente de produits bio, confirme que l'achat en ligne revient encore bien plus cher, "mais l'objectif est de lisser les prix magasins et internet".
En revanche, côté légumes comme côté viande, le cyberconsommateur est très à cheval sur le rapport qualité/prix. Surtout depuis que des scandales alimentaires ont éclaboussé la réputation des grandes surfaces.
Morgane et Damien cherchaient "un bon moyen de court-circuiter la grande distribution en mangeant des trucs bons sans aller forcément dans les magasins bio qui vendent des paquets de cookies à 126 euros", explique le couple parisien, qui se fournit chez Paysans.fr, site créé en 2003 dans le Lot-et-Garonne. "Pour un panier à 80 euros (à partir de cette somme, les frais de port sont gratuits), tu as beaucoup de viande, des fruits et légumes, des yaourts, etc. Cela peut rester cher pour les fromages et certains produits, mais dans l'ensemble, j'ai moins l'impression de me faire escroquer qu'au supermarché", estime Damien.
Est-ce vraiment de bonne qualité ?
"Le secteur alimentaire [en ligne] fonctionne surtout pour les produits spécialisés ou de luxe (chocolats, produits du terroir…)", note Gérard Ladoux, ancien secrétaire général de l’Association de l'économie numérique ACSEL, cité sur le site internet du marché de Rungis. Sur ce segment, Vente-privée proposait déjà du vin et du champagne ainsi que des lots d’épicerie fine. Ces nouveaux sites, plus ciblés, misent sur la qualité, au même titre que votre commerçant de quartier.
D'ailleurs, ce dernier est souvent derrière l'initiative : l'e-commerce offre aux producteurs l'opportunité de vendre en ligne directement, s'affranchissant des circuits de distribution classiques. "Les PME sont assez logiquement les mieux représentées en matière d’e-commerce : des offres qualitatives, des spécialités, des difficultés de référencement dans les linéaires des grandes surfaces… relève l'Institut d'études économiques privé Xerfi (lien PDF). Rares sont les industriels à s’être lancés dans la vente en ligne." Pure players (non affiliés à une enseigne existante), artisans, commerçants et acteurs de la vente par correspondance se partagent le secteur.
Est-ce vraiment éthique ?
Selon Philippe Moati, professeur d'économie à l'université Paris-7, spécialiste des nouveaux modes de consommation, "64% [des Français] sont attentifs à l'origine des produits alimentaires". Morgane se félicite par exemple de retrouver dans son assiette de "bons produits non issus de l'agriculture intensive et qui rapportent plus aux agriculteurs". "L'engagement des producteurs auprès du site est une source de garantie pour les internautes (en termes de qualité, d'approvisionnement)", confirme une étude du Crédoc datée de 2009 (lien PDF).
Ainsi, Miam miam "proposera des produits secs et frais et valorisera les produits régionaux français, précise France 3 Bourgogne. Chaque matin, un article du terroir sera en vedette, à commencer par le jus de cassis de Bourgogne jeudi", jour de l'inauguration du site en présence de monsieur made in France, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg.
Est-ce vraiment pratique ?
Si vous êtes citadin, oui. "La vente alimentaire en ligne pourrait être en théorie favorisée par certaines caractéristiques du marché parisien, en particulier celles liées aux contraintes de déplacement", note le Sénat. Ailleurs, sa pertinence reste limitée. A 28 ans et avec deux jeunes enfants, Julie a trouvé son bonheur chez laruchequiditoui.fr. Pour manger mieux à Paris, "difficile de savoir où se tourner", explique-t-elle. Tous les samedis, elle retrouve les producteurs dans un café parisien pour récupérer sa commande : "Il n'y a aucune obligation, tu commandes selon tes besoins et tes envies et tu ne te retrouves pas avec des panais et autres légumes bizarres tout l'hiver, ce qui évite pas mal de gaspillage."
Enfin, pour les produits tels que la viande et le poisson, les sites internet se positionnent sur le segment traiteur couplé à celui de la vente en gros pour les particuliers. Peu pratiques si vous envisagiez de commander un simple steak haché, ils sauront se différencier le jour où vous aurez besoin de 6 kilos de viande pour un barbecue géant.
Dans le cas de la livraison, étant donné les exigences sanitaires liées au frais, les sites assurent systématiquement un délai de réception : moins de 20 heures, promet Le-boucher.fr, entre 24 et 72 heures pour chronoviande.fr, moins de 24 heures pour monpoisson.fr, etc.
Le frais est-il vraiment frais ?
Longtemps, les contraintes du frais ont freiné le développement de cet e-commerce alimentaire. En 2009, le Crédoc ne relevait que trente-deux sites consacrés à la livraison de fruits et légumes, soit 4% de la part totale du e-commerce alimentaire, et douze sites dédiés aux produits de la mer (2%). Ces produits voyagent en colis "Cold Pack" ou en camion réfrigéré. Tous les sites assurent envoyer la pêche du matin ou des légumes fraîchement cueillis. Mon-marché.fr, par exemple, promet "la fraîcheur de produits du jour de Rungis, livrés à partir de 14h30, pour toute commande passée avant minuit".
Du coup, Morgane, qui réceptionne les courses à son domicile, dit ne pas craindre de rupture de la chaîne du froid. Même chose pour Julie, qui va chercher son panier au café sans craindre de rendre malade toute la famille : d'ailleurs, "pour les produits laitiers (le lait cru ou la crème crue), ils te précisent de rentrer vite à la maison".
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