L'Assurance-maladie accusée d'utiliser un algorithme antifraude défavorable aux mères précaires
La Sécurité sociale va-t-elle devoir revoir ses méthodes de lutte contre la fraude ? L'association La Quadrature du net a appelé l'Assurance-maladie, jeudi 5 décembre, à "abandonner" un algorithme destiné à détecter les utilisations abusives de la complémentaire santé solidaire gratuite (C2SG), anciennement appelée CMU. Utilisé depuis 2018, "l'algorithme cible délibérément les mères précaires" et expose davantage leurs familles à des "suspensions abusives de couverture santé", selon une enquête publiée par l'association de défense des droits des citoyens dans l'univers numérique.
S'appuyant sur des documents internes datés de 2020 et 2021, La Quadrature du net révèle que la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) "attribue une note, ou score de suspicion, à chaque foyer" bénéficiaire de la complémentaire santé gratuite, accordée sous conditions de revenus et de composition familiale à près de 6 millions de personnes pauvres. Considérées comme "les plus à risques" en matière de fraude, les mères en couple et âgées de plus de 25 ans "reçoivent un score de suspicion plus élevé", dénonce l'association, y voyant une forme de discrimination.
Dès lors, les mères subiraient "un plus grand nombre de contrôles" et feraient face à un risque accru de "ruptures d'accès aux soins" pour elles et leurs enfants, avance le média, tout en reconnaissant disposer de peu d'éléments sur les conséquences concrètes de l'utilisation de cet algorithme.
L'Assurance-maladie nie toute "discrimination"
Interrogée par Le Monde, l'Assurance-maladie affirme que l'algorithme en question a été utilisé "il y a plusieurs années", mais que sa version actuelle ne comporte plus "aucune variable relative au sexe du demandeur, ni à [son] âge" – ce que conteste l'association. "Aucun assuré détenant la C2SG n'est traité d'une manière moins favorable qu'un autre", assure la Cnam, niant toute "discrimination". L'organisme public assume l'opacité de ses critères de ciblage, destinée à "ne pas aider les fraudeurs à déjouer ses contrôles", rapporte Le Monde.
Ce n'est pas la première fois qu'un organisme de la Sécurité sociale est ainsi accusé de cibler certains profils d'allocataires. En octobre, quinze associations, dont La Quadrature du net, ont saisi le Conseil d'Etat pour demander l'interdiction de l'algorithme antifraude utilisé par la Caisse nationale des allocations familiales, qui pénaliserait notamment les chômeurs et les bénéficiaires du RSA. "Ces algorithmes ne servent qu'un seul objectif : faciliter l'organisation de politiques de harcèlement et de répression des plus précaires", estime La Quadrature du net, rappelant que, loin de frauder, de nombreux bénéficiaires potentiels passent à côté d'aides auxquelles ils ont droit.
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