Grève dans le secteur aérien : "On arrive à la limite du modèle" low cost, affirme un spécialiste
Pour Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d’études et de prospectives stratégiques, c'est l'écosystème du transport aérien qui se joue en cette période estivale, alors que les grèves se multiplient dans le secteur un peu partout en Europe.
"On arrive à la limite du modèle" des compagnies low cost, a affirmé vendredi 24 juin sur franceinfo Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d’études et de prospectives stratégiques (CEPS), alors que le transport aérien est touché par des grèves ce week-end dans plusieurs pays européens, notamment chez Ryanair. Les représentants des personnels réclament de meilleures conditions de travail et une rémunération plus importante.
franceinfo : Les grèves se multiplient en Europe, notamment en Espagne chez Ryanair. Est-ce le modèle low cost qui est sur la sellette ?
Loïc Tribot La Spière : C'est aussi le modèle de l'ensemble des compagnies aériennes. Ryanair a toujours été ce qu'on peut appeler un corsaire de l'aérien pratiquant les bas coûts. Pour avoir de bas coûts, il faut avoir des structures souples et être extrêmement fermes sur les acquisitions d'avions et le traitement des personnels. On arrive à la limite du modèle. Ryanair a toujours été intangible, voulant tout simplement faire fructifier son modèle. Et ça se faisait au détriment, notamment, il faut le souligner, des personnels. C'est une tentative très intéressante, ce qui se passe en Espagne pourrait finalement resurgir dans un certain nombre d'États. C'est la crainte notamment de Ryanair de se dire : si je cède aussi facilement en Espagne, je pourrai avoir un phénomène de jeu de dominos. C'est vraiment la pérennité du modèle qui est posé pour le low cost.
C'est le modèle low cost ou le modèle du transport aérien qui est mis en cause ?
Lufthansa a décidé d'annuler pour la période estivale 600 vols. Air France, de son côté, annule 400 vols. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas les clients, mais tout simplement, vous avez des grèves perlées et on voit partir un certain nombre de personnels, aussi bien dans les aéroports que dans les compagnies. C'est le problème d'assurer des flux forts. Ce qui se passe à l'heure actuelle, que ce soit pour les grandes compagnies et pour le low cost est très important puisque la période estivale est la période de plus grande rentabilité. Donc, c'est vraiment l'écosystème du transport aérien qui se joue, et particulièrement pour l'activité low cost.
Le transport aérien rencontre-t-il des problèmes de recrutement ?
La période que nous avons connue, qui était le télétravail, le chômage partiel, la période de confinement, a amené une prise de conscience d'un certain nombre de salariés, que ce soit dans le BTP, dans la sécurité, dans la restauration, l'hôtellerie et dans d'autres domaines. Il y a dans certains segments d'activité des fuites de personnel et certains secteurs n'arrivent plus à embaucher. Nous voulons de meilleurs salaires et nous voulons tout simplement une autre condition de travail. C'est une véritable révolution qui s'opère et le secteur du transport aérien va aussi connaître ceci de manière très tendue.
Avec l'augmentation du prix des carburants, les billets d'avion vont-ils mécaniquement grimper ?
Ça, c'est l'artifice ! Bientôt, la guerre en Ukraine va être un justificatif pour faire exploser les prix dans différents domaines. Il se peut qu'effectivement, il y ait une augmentation des prix. Une compagnie aérienne, ce n'est pas une entreprise de bienfaisance. Et la période estivale peut être une occasion de prendre en otage finalement les vacanciers en leur disant : "On augmente parce que vous n'aviez pas le choix." Cela peut être une tentative, mais ça aura des conséquences, car les clients n'oublieront pas si effectivement, il y avait une sorte de racket sur les prix.
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