Grève du 5 décembre : dans le cortège parisien, des manifestants se disent prêts à tenir "jusqu'aux vacances"
Des manifestants ont affirmé, jeudi, leur volonté de prolonger la grève "jusqu'à faire plier le gouvernement". Reportage.
C'est une tache rouge au milieu d'une marée noire. Vêtu d'une chasuble FO et d'une écharpe aux couleurs de son syndicat, Gérard Brunot assiste aux premiers affrontements entre les "black blocs" et les forces de l'ordre, jeudi 5 décembre, à l'avant de la manifestation parisienne contre la réforme des retraites. "C'est désolant", lâche-t-il, perché sur un banc, tandis que des casseurs détruisent une vitrine à quelques mètres de lui. "On ne va encore parler que de ça aux infos."
L'homme en rouge n'est pas venu pour ce spectacle. Ce formateur à la Sécurité sociale du Val-de-Marne a rejoint le cortège pour dénoncer "une réforme qui touche tout le monde, pas seulement les régimes spéciaux". Entendant "défendre un acquis social" collectif, ce militant de 61 ans s'est mis en grève pour deux jours. "On va voir ce que donne la mobilisation et comment le gouvernement y répond ce week-end, dit-il, au milieu des détonations. Et on verra lundi pour la suite."
Avec mon épouse, on est prêts à faire grève jusqu'aux vacances.
Gérard Brunot, militant FOà franceinfo
Un premier nuage de gaz lacrymogène approche - pas de quoi déloger Gérard Brunot de son poste d'observation. "Faire une grève en décembre, c'est plus facile qu'à une autre période de l'année, car il y a le 13e mois, poursuit-il. De toute façon, mieux vaut perdre un peu d'argent maintenant que beaucoup pendant toute sa retraite."
"On n'a rien sans sacrifices"
Tenir pendant des semaines ? Pourquoi pas, abonde Julien Hardy, 34 ans, plus haut dans le cortège. "Des collègues d'un autre dépôt ont dit qu'ils tiendraient jusqu'à l'année prochaine, assure ce représentant Sud dans un entrepôt Lidl en Seine-et-Marne. Chez nous, c'est plus compliqué, certains n'ont pas les moyens de faire grève, d'autres ont peur d'une chasse aux sorcières."
Lui attend de voir les appels syndicaux des prochains jours et la réponse de l'exécutif. "Je garde en tête qu'en 1995, le mouvement contre la réforme des retraites a duré 23 jours. On n'a rien sans sacrifices." A côté de lui, d'autres militants, dont sa compagne, voient plus loin - du moins sur leurs pancartes. "En grève jusqu'à la retraite", promet un slogan.
Dans la manifestation, bloquée par les affrontements, Grégoire Lacombled piétine sur un trottoir. Ce pompier de 38 ans a pris le bus depuis l'Aisne pour défiler dans la capitale. Lui aussi sera en grève vendredi. "Cela fait des mois qu'on se mobilise chez les pompiers, rappelle-t-il. Les retraites font partie de nos revendications, pour conserver notre régime particulier, qui n'est pas un régime cadeau. On surcotise pour pouvoir partir à 57 ans. Après, on n'est plus en état de faire nos missions convenablement."
"Jusqu'à faire plier le gouvernement"
Les grévistes de longue date se mêlent aux néophytes. Un fonctionnaire territorial parisien (qui souhaite rester anonyme) affirme s'être mis en grève "pour la première fois, aujourd'hui, demain et peut-être après". Sous une pancarte "On veut la même retraite que Giscard", ce trentenaire espère voir la mobilisation durer, "jusqu'à faire plier le gouvernement". Mais il ne se fait guère d'illusions sur son influence de fonctionnaire gréviste. "Mon activité n'est pas très 'blocante', déplore-t-il. Je compte plus sur les cheminots, la RATP, les routiers, les pétroliers, pour tout bloquer."
Dans l'après-midi, l'annonce tombe : la grève à la RATP est reconduite "jusqu'à lundi" inclus. Le réseau de transports en commun francilien a été quasiment paralysé, jeudi, et les grévistes ont garni les rangs du cortège parisien. Parmi eux, Thierry Izzy, Charly Lerebourg et Gilles Salaün, trois conducteurs de métro, pour qui le combat va durer. "On sait tous que le mouvement se poursuivra bien après lundi", assurent-ils.
Les trois hommes ont déjà reçu leur 13e mois et se disent prêts à l'engloutir pour la grève, jusqu'aux vacances de Noël. "Le pognon est le nerf de la guerre, pour nous mais aussi pour le gouvernement, lancent-ils. Une semaine de grève, ça passe, mais deux semaines ça va être chaud pour eux. On a des chances de gagner."
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