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Réforme des retraites : les régimes spéciaux ne concernent-ils que 3% des actifs ?

Le député LFI Adrien Quatennens accuse le gouvernement de pointer du doigt les régimes spéciaux pour promouvoir son projet de réforme des retraites. Selon lui, ces régimes ne concernent que 3% de la population active. Au sens de la loi, c'est même deux fois moins. 

Article rédigé par franceinfo - Olivier Chauve
Radio France
Publié Mis à jour
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Des cheminots de la SNCF à la gare de Lille-Flandres  (FRANÇOIS CORTADE / RADIO FRANCE)

Le gouvernement dénonce des "revendications corporatistes" qui visent à défendre les régimes spéciaux dont bénéficient ces salariés. Pour Adrien Quatennens, député La France insoumise du Nord, , c'est un écran de fumée destiné à détourner l'attention du grand public : "Il n'y aura que des perdants et tout le monde est concerné. On parle beaucoup des régimes spéciaux qui permettent au gouvernement d'attiser les divisions, mais ces régimes spéciaux ne pèsent que trois petits pour cent de la population active", a-t-il déclaré sur Sud Radio, mercredi 27 novembre 2019.

Ces régimes spéciaux ne pèsent que 3% de la population active.

Adrien Quatennens

à Sud Radio

En réalité, c'est deux fois moins si l'on s'en tient aux 10 régimes spéciaux définis par un décret. 

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La définition officielle concerne moins d'un demi-million d'actifs

De l'aveu même de l'entourage du haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, il n'existe pas de définition stricte de ce que l'on qualifie couramment de "régime spécial". Toutefois, un décret établit une liste de 10 régimes "comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité". Dans l'ordre décroissant du nombre d'actifs, cela concerne le régime de retraite des salariés de la SNCF (sous statut), des industries électriques et gazières (EDF, GRDF...), les clercs et les employés de notaires, la RATP, le régime de retraite des marins, les employés de la Banque de France, de l'Opéra de Paris, les personnels des mines et assimilés, de la Comédie française, et ceux du port autonome de Strasbourg.

Plusieurs critères permettent de caractériser un régime de "spécial". Premier point, un dispositif de cotisation différent. Ainsi, la part salariale de la cotisation chez les clercs et les employés de notaires s'élève à 12,98%, près de deux fois le taux des salariés au régime général. Dans le cas des industries électriques et gazières (EDF, GRDF, Enedis...), une taxe payée par le consommateur représente près de la moitié des recettes de la caisse de retraite (CNIEG). 

Deuxième particularité des régimes spéciaux, des conditions de départ parfois plus avantageuses. C'est le cas pour les personnels roulant de la RATP qui peuvent, sous certaines conditions, faire valoir leurs droits à la retraite dès l'âge de 52 ans. 

Enfin, dernier critère d'un régime spécial, des prestations pour les bénéficiaires qui varient par rapport au système général. Ainsi, les conditions de réversion des affiliées à la CNIEG sont plus avantageuses. Cela s'explique historiquement par la forte mobilité des agents, dont les conjointes n'ont pu construire de carrière.  

Au total, selon le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, cela concernait, en 2018, 420 683 personnes, soit 1,42% de la population active. En retenant seulement ces 10 régimes listés par décret, Adrien Quatennens surestime encore la part de ces régimes spéciaux dans la population active.

Un Français sur 5 ne cotise pas au régime général

Mais au-delà de ces 10 régimes listés par décret, d'autres régimes particuliers sont parfois considérés comme des régimes spéciaux dans le débat public. C'est le cas pour les différentes fonctions publiques (d’État, territoriale, hospitalière), en raison du mode de calcul appliqué (les 6 derniers mois au lieu des 25 meilleures années). Ces trois fonctions publiques rassemblaient 4 255 301 fonctionnaires en 2018. Outre le régime général (Caisse national d'assurance vieillesse) et les régimes spéciaux au sens strict du terme, il existe 31 régimes de retraites particuliers.

On parle notamment de régimes autonomes pour les professions libérales. Leurs caisses de retraites sont indépendantes, parfois excédentaires comme celle des Barreaux de France, ce qui explique la colère des avocats à l’idée d’être rattachés au régime général. Les modes de calculs se rapprochent du régime général, mais le fonctionnement peut différer. Pour la CAVIMAC (cultes), dans le cas de certains religieux vivants en communauté, seule celle-ci cotise car ils n’ont pas de revenus personnels. 

Au total, d’après le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, en 2018, 6 477 839 personnes n’étaient pas affiliées au régime général, hors "régimes spéciaux", soit près de 21,9% des actifs. Entre les "régimes spéciaux" au sens de la loi, et les autres régimes particuliers, ce sont 22% des actifs qui cotisent selon des règles différentes du régime "général".  

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