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Impôts : "Élisabeth Borne joue sur les mots quand elle explique qu'elle ne va pas augmenter les impôts", prévient un économiste

Le président de l'Institut Sapiens observe que 2022 a déjà été une année "record" en termes de prélèvements obligatoires, que "les recettes se portent bien" et il prévoit que "d'autres choses vont augmenter".
Article rédigé par franceinfo
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La Première ministre, Élisabeth Borne, le 16 juin 2023. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

"Élisabeth Borne joue sur les mots quand elle explique qu'elle ne va pas augmenter les impôts", estime vendredi 25 août sur franceinfo Olivier Babeau, économiste, président du laborationre d'idées Institut Sapiens, alors que la Première ministre a assuré mercredi sur France Bleu qu'il n'était "pas question [pour le gouvernement] d'augmenter les impôts des ménages" dans le projet de loi de finances pour 2024. L'économiste explique que d'autres formes de prélèvements vont augmenter, citant "les taxes locales" et la taxation sur "les péages d'autoroute et les billets d'avion" envisagée par l'exécutif. "Du point de vue du contribuable, ça ne fait aucune différence", ajoute Olivier Babeau.

franceinfo : La Première ministre a promis qu'il n'y aurait pas de hausse des impôts cette année. Est-ce vraiment possible alors que la dette dépasse les 110% du PIB selon vous ?
Olivier Babeau : Il y a un triangle d'incompatibilité entre les trois objectifs que donne le gouvernement : baisser les impôts, augmenter les dépenses pour faire face aux dépenses de défense et de transition énergétique, et baisser la dette. Il va falloir choisir l'un des trois et celui qui va être probablement sacrifié sera en partie les impôts. Peut-être qu'Élisabeth Borne joue un petit peu sur les mots quand elle explique qu'elle ne va pas baisser les impôts, parce que d'autres choses vont augmenter.

Le gouvernement envisage en effet une nouvelle taxation sur les billets d'avion et sur les concessionnaires d'autoroutes. Cela peut-il s'apparenter à une hausse déguisée ?

Déjà, il faut souligner que 2022 a été l'une des années où les prélèvements obligatoires ont atteint leur record (au-delà des 45%) sous l'effet de l'inflation qui augmente les salaires, les prix et donc les taxes comme la TVA. Les recettes se portent bien. Et derrière, d'autres choses augmentent, comme les taxes locales. Il s'agit par exemple de la taxe foncière si vous êtes propriétaire, la taxe d'habitation si vous avez une résidence secondaire.

"Pour le contribuable, que ce soit local, régional ou national, on voit la même chose, à savoir ce qu'on nous prélève. Du point de vue du contribuable, ça ne fait aucune différence."

Olivier Babeau, économiste

à francenfo

Et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale se profile une forme d'augmentation du reste à charge médical qui revient à une forme de prélèvement. Ce ne sont pas des impôts, mais avec l'augmentation des péages des autoroutes, les taxes sur les billets d'avion, il y a plein de façons de prendre dans votre budget qui vont continuer à augmenter.

Le gouvernement doit rembourser la dette avec les intérêts dont les taux sont remontés en flèche depuis un an et demi. Comment le gouvernement peut-il trouver, au total, 10 milliards d'euros d'ici quatre ans ?

On est à plus de 50 milliards d'euros par an de coût de la dette et ça risque d'augmenter encore puisque les taux vont augmenter, donc ça veut dire que des moyens vont être pris. On prévoit que d'ici quelques années, le remboursement de la dette deviendra le premier poste de l'État. C'est tragique parce que ça compromet nos capacités d'investissement notamment dans la transition énergétique au moment peut-être où on en a le plus besoin. Il va falloir trouver de l'argent et malheureusement le seul vecteur sur lequel ça peut jouer, ce sont les particuliers. Il faut essayer de chasser tous les gâchis. Dans la santé, il y a plein d'actes en doublons, inutiles, donc il faut peut-être mieux les tracer pour les éviter. Naturellement, il y a des fraudes sociales et fiscales. Tout ça il faut essayer de le réduire, mais malheureusement on ne peut pas trop rêver à gagner les montants dont on a besoin qui se chiffrent en dizaines de milliards.

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