: Vidéo Une riche héritière explique à "Pièces à conviction" comment cacher 25 millions de dollars au fisc
Comment échapper au fisc français quand on hérite d'un compte à l'étranger ? "Pièces à conviction" a enquêté sur un réseau international suspecté de fraude fiscale. Parmi ses clients, "Béatrice". A visage caché, cette riche héritière décrit le système qui aurait été mis en place par le prince Henri de Croÿ pour contourner l'impôt…
Un cercle très particulier est aujourd'hui dans le viseur de la justice, en France et en Suisse : un réseau international suspecté de fraude fiscale. L'existence de ce réseau opaque a été révélé par un disque dur auquel "Pièces à conviction a eu accès. Il contient plus de 160 000 documents, dont des listings mentionnant les noms d'un millier de clients. Parmi eux, 200 Français.
Il s'agit d'abord d'héritiers qui ont reçu de la part de leurs aïeux des comptes bancaires à l’étranger non déclarés au fisc français. Comme "Béatrice" (il s'agit d'un nom d'emprunt) qui, au début des années 2000, hérite de 25 millions de dollars dissimulés dans une banque suisse. La jeune femme, qui témoigne visage caché, se retrouve à la tête d'une considérable fortune, mais on lui dit "qu'elle ne peut pas l'utiliser". Pour "en profiter un peu", elle cherche donc "quelqu'un qui gère les fortunes" et se renseigne autour d'elle. Elle rencontre le prince belge Henri de Croÿ, aujourd'hui soupçonné d'être à la tête de ce réseau très privé.
Paradis fiscaux, sociétés écrans… des montages financiers particuliers
"J'ai rencontré Henri de Croÿ par mon beau-frère… explique-t-elle. C'est quelqu'un qui est aimable, il trouvait qu'on avait des similitudes dans la manière dont on avait été élevés". Le prince lui assure qu'il a l'habitude de gérer ce genre de situation, qu'en aucun cas elle ne mettra sa famille en danger, et l'invite aux fêtes "grandioses" dit-elle, qu'il organise dans son château d'Azy (Nièvre). En créant un lien personnel, il parvient à gagner sa confiance.
Quel montage financier Henri de Croÿ lui aurait-il proposé ? Béatrice dit avoir confié ses 25 millions de dollars à une société baptisée Helin International. Afin de placer cet argent, Helin aurait créé une société aux îles Marshall, un paradis fiscal dans l'océan Pacifique, sans que le nom de Béatrice n'apparaisse. Cette société écran aurait ensuite ouvert un compte bancaire dans un autre paradis fiscal, les Bahamas.
"Ils passaient, ils donnaient et ils s'en allaient" : de mystérieux livreurs de billets
Comment Béatrice aurait-elle pu disposer de sa fortune sans éveiller les soupçons du fisc français ? Elle raconte à "Pièces à conviction" avoir récupéré de l'argent liquide lors de rendez-vous assez particuliers : "Une enveloppe arrivait, c'était au Bristol, dans des hôtels que je ne connaissais pas. On venait avec un sac… Par exemple, une fois j'ai eu un sac Nespresso". Sous les cartouches de café se seraient trouvés des billets. Béatrice dit ne pas connaître les noms des personnes qui lui ont remis ces sacs. "Je ne sais même pas comment ils me reconnaissaient. Ils passaient, ils donnaient et puis ils s'en allaient." Elle était prévenue à l'avance du passage de cet étrange messager.
Ce système de distribution d'argent en cash aurait duré une dizaine d'années. Toujours selon les dires de Béatrice, à partir de 2013, le prince aurait proposé à ses clients un moyen encore plus pratique pour dépenser leur argent : une carte bancaire. "On nous donne une carte de débit pour tirer de l'argent aux distributeurs." Sur ces cartes Visa, le nom du client n'apparaît pas, ce sont des cartes "prepaid", prépayées, avec lesquelles il pourra disposer d'une partie de son argent placé à l'étranger. Au total, plusieurs centaines de millions d'euros auraient ainsi échappé au fisc français…
Extrait de "Le prince et la banquière : enquête sur un club financier très privé", à voir dans "Pièces à conviction" le 29 mai sur France 3.
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