Bridgestone : quatre questions sur la fermeture de l'usine de Béthune annoncée par le fabricant de pneus
Plus de 850 salariés sont concernés par le projet de fermeture de l'usine Bridgestone, située dans le Pas-de-Calais, et même 5 000 si on compte les sous-traitants, selon les syndicats.
La décision fait l'effet d'un coup de tonnerre. Le fabricant de pneus japonais Bridgestone a annoncé dans la matinée du mercredi 16 septembre le projet de fermeture de son usine de Béthune, dans le Pas-de-Calais, à horizon de l'année 2021.
L’usine de Béthune, ouverte en 1961, emploie 863 salariés, sans compter les intérimaires. Le gouvernement et la région Hauts-de-France dénoncent la brutalité de cette annonce, dans un communiqué commun et exigent que des scénarios alternatifs à la fermeture soient étudiés.
Comment Bridgestone justifie-t-il son projet de fermeture ?
Pour le fabricant japonais la principale raison vient de la concurrence accrue sur les pneus à bas coût produits en Chine et en Corée du Sud, dont les parts de marché ont grimpé en flèche, notamment en Europe, depuis le début des années 2000. Des pneus de moins bonne qualité selon les experts mais vendus beaucoup moins cher que les pneus des grands manufacturiers comme Bridgestone, Goodyear ou Michelin. Le groupe français avait d'ailleurs avancé, peu ou prou, les mêmes explications que Bridgestone pour justifier la fermeture de son usine de La Roche-sur-Yon (Vendée) en octobre 2019.
Des ventes en baisse et une surcapacité de production : à Béthune, les volumes de production avaient déjà baissé depuis plusieurs années, suscitant l'inquiétude des syndicats et des élus locaux, qui avaient d'ailleurs interpellé le gouvernement fin 2019.
Comment réagissent les syndicats ?
"Ils ont tout fait pour nous mettre dans cette situation", a dénoncé un élu du personnel devant l’usine de Béthune. Pour les syndicats, la direction de Bridgestone a en réalité sciemment sacrifié le site, en lui confiant les productions de modèle les moins rentables et en réduisant les investissements de manière drastique, notamment de nouvelles machines au bénéfice d'autres usines du groupe, comme celle de Poznan en Pologne. Une stratégie que confirme le maire de Béthune Olivier Gacquerre, sur franceinfo : "Pendant qu'à Béthune, on avait du mal à sortir nos tickets de production journaliers, en Hongrie ou en Pologne les chaînes se développaient."
Il n'y a pas de respect du salarié.
Christian Przemyski, syndicat Unsa
"Il n'y a aucune considération, s'indigne Christian Przemyski, représentant de la section Unsa, le premier syndicat chez Bridgestone. On n'a pas mis de gants, l'annonce a été faites en direct aux salariés sur le lieu de travail." Avec cette fermeture ce sont près de 900 familles qui peuvent se retrouver sur le carreau, 5 000 si on compte les sous-traitants a dénoncé un délégué syndical de l’usine de Béthune.
Comment les pouvoirs publics ont-ils accueilli la nouvelle ?
Que ce soit l'État ou la région, l’annonce a été très mal reçue. Le fait est suffisamment rare pour être souligné : un communiqué commun au ton très ferme a été rédigé dès mercredi matin par le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, la ministre du Travail Élisabeth Borne et celle de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher. Ils expriment leur "désaccord total" avec la direction de Bridgestone, que ce soit sur le fondement de sa décision ou la brutalité de son annonce et ils l'appellent à proposer des scénarios alternatifs à la fermeture du site.
Par la voix de son porte-parole, le gouvernement a dénoncé une trahison de la confiance que l’État et la Région ont placé en Bridgestone en aidant l’usine depuis des années. Pour Gabriel Attal, "Bridgestone doit assumer ses responsabilité plutôt que chercher des prétextes. L’entreprise a sous-investi dans le site de Béthune au profit d’autres sites. C’est cette entreprise qui a été incapable d’installer les conditions d’un dialogue sain."
C’est un choc mais c’est aussi une décision brutale sur la forme et incompréhensible sur le fond.
Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement
"On apprend ça brutalement mercredi matin et franchement c'est violent, a précisé le maire de Béthune Olivier Gacquerre. On se sent humiliés vraiment, parce que depuis plusieurs années nous avions des contacts avec le groupe, avec la direction. On cherchait des solutions, on cherchait un projet industriel, tout allait bien."
Quelles suites à cette annonce de fermeture ?
La ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher a annoncé jeudi sur France Bleu Nord qu'une réunion "pourrait se tenir lundi" avec les dirigeants européens de Bridgestone. Cette réunion se tiendra "avec les dirigeants européens de Bridgestone, les élus locaux et les représentants du personnel". "Je veux d'abord un projet industriel" avant de mettre de l'argent public, souligne la ministre qui précise que, pour le moment, l'industriel n'a pas fait de proposition. Elle compte bien faire pression pour trouver une solution.
Si la perspective de la fermeture devient très difficile et très coûteuse pour Bridgestone, en tout état de cause, ils reviendront à la table des négociations.
Agnès Pannier-Runacherà franceinfo
Agnès Pannier-Runacher attend donc que le groupe revoit sa copie. "La première phase est de reposer la question de l'avenir industriel à Bridgestone et de lui demander de nous présenter des scénarios alternatifs." Le maire de Béthune demande, lui, "une contre-expertise".
Les patrons nous disent que, dans les différents scénarios qui ont été analysés, la fermeture est le scénario le plus probable. Sauf qu'on n'en a jamais discuté avec eux.
Olivier Gacquerre, maire de Béthuneà franceinfo
Si la fermeture de l’usine devait avoir lieu, on évoque devant l’usine de Béthune, quatre mois pour mettre en place les mesures d’accompagnement et des lettres de licenciement qui pourraient partir dès le mois d’avril 2021.
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