: Vidéo "Affaires sensibles". Faux espions de Renault : comment la "police" de l'entreprise s'est lancée sur la piste de trois salariés modèles
Dans ce scandale, trois ingénieurs ont été broyés, le numéro 2 du fleuron français de la construction automobile sacrifié, et l’image de son PDG Carlos Ghosn sérieusement écornée. Le 25 avril 2022, "Affaires sensibles" raconte l'invraisemblable histoire des faux espions de Renault, dont les protagonistes attendent encore le procès. Dans cet extrait, la police interne du groupe se lance sur une piste...
C'est l'histoire d'un incroyable fiasco, d'un scandale d'espionnage industriel dont il ne restera peut-être, une fois dégonflé, qu'une vulgaire affaire d'escroquerie. C'est aussi l'histoire de trois salariés soupçonnés de corruption et licenciés sur la base d'une simple lettre anonyme. C'est par elle que tout commence, fin août 2010 : au siège de Renault, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), plusieurs dirigeants la découvrent à leur retour de vacances. Elle accuse notamment un ingénieur de premier plan, Michel Balthazard, et le jeune ingénieur Matthieu Tenenbaum d'être corrompus.
La sécurité de Renault est chargée de mener l'enquête. C'est une sorte de police interne, basée au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), à laquelle il arrive de recruter d'anciens barbouzes… Les investigations sont confiées à un ancien du renseignement militaire, Dominique Gevrey. Dans cet extrait du magazine "Affaires sensibles", il explique s'être tourné vers une source connue sous un sobriquet, "le Belge", un militaire reconverti en détective privé.
"['Le Belge'] se vantait de pouvoir avoir des informations pointues dans le domaine financier. Je savais qu'il était capable de dire si Untel avait un compte sur tel point du globe, quelle banque, quel numéro de compte, et l'avoir qu'il y avait sur ce compte."
Dominique Gevrey, ancien responsable de la sécurité de Renaultdans "Affaires sensibles"
En un temps record, "le Belge" fournit de soi-disant informations explosives, rapportées dans des notes "blanches" barrées d'un tampon confidentiel : les deux premiers accusés auraient un compte à l'étranger, respectivement au Liechtenstein et en Suisse. Un troisième salarié, Bertrand Rochette, aurait lui aussi un compte en Suisse. Sur ces comptes transiteraient des dizaines, voire des centaines de milliers d'euros. En moins de trois mois, "le Belge" serait même remonté jusqu'aux commanditaires de la corruption : deux entreprises chinoises.
Des cadres de Renault auraient-ils vendu à la Chine des renseignements stratégiques ?
Derrière cette affaire d'espionnage se cacherait donc la Chine... Les trois suspects ont en commun d'être impliqués dans le développement des véhicules électriques, un domaine où Renault se flatte d'être en avance sur ses concurrents. Des salariés du constructeur français vendraient-ils à une puissance étrangère des renseignements stratégiques ?
Envers trois salariés modèles, ce sont là de graves accusations. Pourtant, le directeur général de Renault, Patrick Pélata, ne pose aucune question sur l'origine de ces informations à son directeur de la sécurité Rémi Pagnie, le supérieur de Dominique Gevrey.
"Ce que nous dit [Rémi Pagnie], c'est que lui, il a une filière, secrète, évidemment, pour accéder à des comptes bancaires, et il nous donne le nom des banques où l'argent est déposé, pour les trois. On n'a aucun papier qui vienne d'une banque, etc., on n'a rien du tout... On le croit."
Patrick Pélata, directeur général de Renault jusqu'en avril 2011dans "Affaires sensibles"
En quelques mois, les doutes vont s'accumuler et le dossier d'espionnage industriel s'écrouler. Les autorités suisses démentent les informations sur les comptes que détiendraient les salariés ; la justice les blanchit. Pour la direction de Renault, c'est la catastrophe : tout était faux !
Extrait de "Renault : faux espions et vrais barbouzes", un document à voir le 25 avril 2022 dans "Affaires sensibles", un magazine présenté par Fabrice Drouelle et coproduit par France Télévisions, France Inter et l’INA d'après l'émission originale de France Inter.
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