La haute couture fait de la résistance
Chaque saison, on prédit la mort de ce label exclusivement parisien, accusé de coûter trop cher aux grandes maisons. Mais c'est sans compter sur les retombées médiatiques que génèrent les défilés.
Dimanche 1er juillet, la griffe italienne Versace a ouvert le bal des défilés parisiens de haute couture, qui s'achève ce jeudi par les collections de joaillerie. Pendant cinq jours, la planète mode a eu les yeux rivés sur cette Fashion Week exclusivement parisienne qui, deux fois par an, défie les logiques économiques.
Loin de l'affluence du prêt-à-porter, seule une poignée de créateurs obtiennent le droit d'y présenter leurs collections, pour des défilés qui coûtent très cher aux maisons de couture. Pièces sur mesure, nécessitant des centaines d'heures de travail… La rentabilité de ce savoir-faire est régulièrement mis en question.
Et pourtant, chaque année, la haute couture est encore là. FTVi vous explique pourquoi.
Un club fermé qui s’ouvre aux nouvelles générations
N'est pas labellisé haute couture qui veut. Bien que de nombreux stylistes profitent de la médiatisation de l'événement pour présenter leurs collections, à l'image de l'ancienne escort-girl Zahia, comme le montre cet article du Parisien, les critères pour obtenir la sacro-sainte appellation sont stricts.
C'est la Chambre syndicale de la haute couture, par le biais d'une commission spécifique, qui les détermine : les pièces sont réalisées à la main, dans les ateliers de la maison de haute couture qui emploient au moins 20 personnes ; les créateurs utilisent une surface définie de tissu et s'engager à réalisent du sur-mesure...
De quoi décourager de nombreux candidats. Selon L'Express.fr, "ils étaient 24 en 1987 : la haute couture a perdu plus de la moitié de ses acteurs en une vingtaine d'années, avec parmi les plus symboliques Christian Lacroix, qui a fermé en 2009, et Yves Saint Laurent, qui a choisi en 2002 de se consacrer au prêt-à-porter."
Ces chiffres ont poussé la Fédération française de la couture et son directeur, Didier Grumbach, à assouplir la sélection. Depuis 2002, les créateurs peuvent être acceptés dans le club très fermé de la haute couture par décision de leurs pairs. Aux 15 membres permanents inscrits s'ajoutent chaque année quelques membres invités, le plus souvent des jeunes créateurs qui peuvent ensuite intégrer le label, sur avis de la commission puis sur décision finale du ministère de l'Industrie. Depuis 2011, les Français Alexandre Vauthier et Julien Fournié ont ainsi intégré le calendrier des défilés.
Des retombées médiatiques incomparables
Sur le site spécialisé Fashion Daily News, le consultant mode et luxe Jean-JacquesPicart est catégorique : "Aucune haute couture, même Chanel qui est la plus commerciale, n'est rentable." "Dans le meilleur des cas, on arrive à l'équilibre sur certaines saisons", ajoute le cofondateur de la maison de haute couture Christian Lacroix.
Un constat que Jimmy Pihet, directeur de la communication à la Fédération française de la couture, balaye d'un revers de main : "Chaque année, on trouve des gens pour prédire la mort de la haute couture. Si la haute couture ne devait plus exister, elle n'existerait déjà plus."
Pour lui, le savoir-faire artisanal affiché pendant un défilé permet de donner une visibilité hors normes à une marque : "Si l'on prend les retombées médiatiques d'un défilé d'une grande maison, qui va faire des centaines de couvertures de journaux et de magazines, et qu'on le rapporte à ce qu'aurait coûté à la marque le même espace publicitaire, il est évident que l'investissement est rentable."
L'engouement des médias pour le défilé Dior, dopé par les premiers pas du directeur artistique Raf Simons, abonde dans ce sens. Même s'il est impossible de chiffrer le coût de production d'une collection, ni même d'obtenir les chiffres d'affaires des grandes maisons...
Les petits créateurs ont bien compris les enjeux de cette soudaine visibilité et sont nombreux à tenter l'aventure haute couture sans passer par la case prêt-à-porter. "D'un côté, vous avez 25 marques parmi lesquelles vous parviendrez peut-être à vous démarquer ; de l'autre, vous êtes noyés au milieu d'une centaine de maisons. Le choix est vite fait", souligne Jimmy Pihet.
Une locomotive de prestige pour les marques
Sur les podiums de haute couture, les prix des tenues brodées ou des robes de mariées atteignent parfois des niveaux astronomiques, "jusqu’à 100 000 euros" la pièce, s’exclame Didier Grumbach. Les clientes ne sont évidement pas nombreuses à pouvoir se tourner vers un tel marché. Mais, selon le directeur, c’est dans son rôle de locomotive de prestige que ce savoir-faire participe à l'économie d'une griffe.
"Les créateurs ne font pas de bénéfices en haute couture, avoue-t-il, mais le rêve que véhiculent ces collections est primordial. Une femme qui n’a pas les moyens d’acheter des vêtements de luxe va se tourner vers les parfums ou les accessoires d’une marque renommée, et vers le prêt-à-porter qui, lui, rapporte beaucoup."
La haute couture est ainsi devenue "la partie supérieure" du prêt-à-porter, selon les mots de Didier Grumbach, et elle ne peut exister sans lui.
Le Français Stéphane Rolland représentait l’une des rares exceptions. Avec sa gamme uniquement haute couture, il a été l’un des premiers à s’adapter à une nouvelle clientèle très fortunée venue de Chine, de Russie, de Malaisie et surtout du Moyen-Orient, en allant présenter ses collections directement à l’étranger. Le créateur se tourne désormais vers le prêt-à-porter. Sa première boutique devrait voir le jour en janvier 2013 à Abou Dhabi (Emirats arabes unis).
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