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Wolinski, dessinateur de presse mythique, assassiné dans les locaux de "Charlie Hebdo"

Ce grand nom du dessin de presse a été tué mercredi dans l'attentat contre l'hebdomadaire satirique. Georges Wolinski avait 80 ans.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Georges Wolinski lors du festival de Cannes, le 16 mai 2008. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Il est mort aux côtés de l'un de ses plus anciens compagnons de route : Cabu. Wolinski a été tué avec au moins onze autres personnes dans l'attaque contre Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier à Paris. A 80 ans, Georges Wolinski était un dessinateur de presse mythique pour toute une génération, père du célèbre "Roi des cons" et pilier de la bande de Hara-Kiri dans les années 1960, puis de Charlie Hebdo.

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Wolinski est né en 1934 à Tunis, d'un père d'origine polonaise, assassiné quand il avait 2 ans, et d'une mère italienne, originaire de Livourne, en Toscane. C'est en Tunisie, en 1943, que le petit "Georgie", comme l'appelle sa grand-mère, découvre les comics grâce aux Américains débarqués en Afrique du Nord. "Les autres enfants demandaient du chocolat et des chewing-gums aux GI, moi, je leur disais : 'Have you comics ?', et ils me donnaient des comics, mais aussi du chocolat et des chewing-gums !"

"Plus enclin à dessiner qu'à réviser"

Arrivé à Paris en 1945 et "plus enclin à mater ses petites camarades et à dessiner qu'à réviser", il se passionne pour la BD et illustre le journal de son lycée : Le Potache Libéré. Il propose ses premiers dessins au journal Hara-Kiri en 1961 sous l'égide de Cavanna et du professeur Choron.

Après la courte expérience de L'Enragé au côté de Siné, il devient, après Mai-68, un des piliers de Hara-Kiri Hebdo. L'hebdomadaire satirique est interdit et devient Charlie Hebdo après la polémique provoquée par le titre de une "Bal tragique à Colombey, un mort", lors de la disparition de Charles de Gaulle, en 1970. C'est aussi lui qui caricature Michel Debré, alors ministre de la Défense, avec un entonnoir sur la tête.

Un style grinçant et cynique

Dans Charlie, "le seul journal de bandes dessinées lu par des gens capables de lire autre chose que des bandes dessinées", Wolinski met en scène, chaque semaine, deux personnages, un maigre timide et un gros, dominateur et péremptoire, qui enchaîne les propos de comptoir : "Monsieur, je suis pour la liberté de la presse, à condition que la presse n'en profite pas pour dire n'importe quoi !" Il participe également à l'aventure de Charlie Mensuel, dont il est le rédacteur en chef de 1970 à 1981. 

Le dessinateur Wolinski en août 1970, à La Havane (Cuba). (PRENSA LATINA / AFP)

A partir des années 1980, il travaille pour différents quotidiens ou magazines comme L'Humanité, Libération, Le Nouvel Observateur. Il abandonne petit à petit sa marque de fabrique, le côté grinçant et cynique, et adopte un style plus "bon enfant". En 1990, il entre au Journal du Dimanche puis à Paris Match et revient à Charlie Hebdo, qui renaît de ses cendres en juillet 1992 sous la houlette de Philippe Val.

Irrévérencieux et grivois

En 2005, il est couronné par le Grand prix au festival d'Angoulême et, en 2012, la très digne Bibliothèque nationale de France lui consacre une rétrospective pour ses 50 ans de dessins. Il prend ces honneurs avec le sourire, comme il accepte la Légion d'honneur, épinglée par le président Jacques Chirac. 

Le dessinateur a quelque 80 albums à son actif, des compilations de dessins d'actu et de vraies BD, comme les célèbres aventures érotico-farfelues de Paulette. Outre son autobiographie, cet infatigable graphomane a aussi écrit pour le théâtre et la télévision, en privilégiant son sujet favori : les relations hommes-femmes et, bien sûr, le sexe.

"Je suis un dessinateur de presse avant tout"

Wolinski expliquait son approche et celle de ses grands copains, Reiser, Gébé, Cabu, Choron, ceux des années 1960 et 1970, de la fin du gaullisme et de l'ère Pompidou : "Nous avons adapté la BD au dessin de presse. On en était encore à Jean Effel, des caricatures d'hommes politiques. Nous, nous avons utilisé la BD pour parler de l'air du temps, de la société, des femmes."

Wolinski à son bureau, le 23 avril 1991, à Paris. (AFP)

"Je suis un dessinateur de presse avant tout, un chroniqueur de l'actualité, de la politique, du temps qui passe", disait-il. Amateur de Jaguar et habitant du très chic quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés, il savait aussi se moquer de lui-même : "On a fait Mai-68 pour ne pas devenir ce qu'on est devenu !" 

Dans le style de Hara-Kiri, "journal bête et méchant", il imaginait, en 2012, qu'on pourrait graver sur sa tombe ce mot de Cavanna, vieux compère : "Wolinski, on croit qu'il est con parce qu'il fait le con, mais en réalité, il est vraiment con". L'humour toujours grinçant.

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