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Comment décourager un créateur de journal ? Michel Butel, 70 ans, lancera le 5 mai un nouvel hebdo, "L'Impossible"

Le fondateur de feu "L'Autre Journal" (1984-1992), qui figura parmi les candidats à la direction du Monde en janvier 2011, évalue à 150.000 euros la mise de fonds nécessaire pour démarrer.Pour la recueillir, les dons des souscripteurs sont les bienvenus sur le site "L'Impossible".
Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
 

Le fondateur de feu "L'Autre Journal" (1984-1992), qui figura parmi les candidats à la direction du Monde en janvier 2011, évalue à 150.000 euros la mise de fonds nécessaire pour démarrer.

Pour la recueillir, les dons des souscripteurs sont les bienvenus sur le site " L'Impossible".

Qui affiche en page d'accueil sa profession de foi :

« En décembre 1984 j"ai créé L"Autre Journal. Je l"ai inventé. Je n"ai pas “lancé un journal”, je l"ai inventé. J"ai imaginé son titre. J"ai imaginé son format, ses rubriques. Son équipe. Ses rédacteurs qui n"étaient pas tous journalistes. Son sommaire.

En 2011, nous créons L"impossible.
L"époque était triste, moins qu"aujourd"hui. Le monde était féroce, moins qu"aujourd"hui. L"argent était cruel, moins qu"aujourd"hui. La gauche était de droite, moins qu"aujourd"hui."

"La pensée, c'est une singularité, c'est un scoop"
Quelle est la cible de cet incroyable optimiste prétendant lancer un hebdomadaire dans un marché sinistré ? Multigénérationnelle. Avec 80 à 85% de contenu proposant un autre regard sur l'actualité chaude, il veut conquérir les anciens lecteurs qui ont cessé d'acheter Libération. Et aimerait séduire les plus jeunes, la génération Internet "qui n'a jamais pris en main ni Libé ni Charlie Hebdo".

"Tout le monde",
s'emporte Michel Butel, "pleure sur les journaux papiers qui ne peuvent concurrencer l'Internet. Mais le style, c'est une singularité, c'est un scoop. La pensée, c'est une singularité, c'est un scoop, c'est une grille de lecture". Le premier exemplaire publiera d'ailleurs un manifeste pour une presse papier qui soit vecteur d'instruction civique et éveil à la beauté du monde.

"L'Impossible" ressemblera sans doute à son grand frère défunt, "L'Autre journal" (qui frappa un grand coup, dans les années 80, avec son entretien Duras-Mitterrand): une revue élitiste et littéraire.

Y contribueront plusieurs anciens de Libération, de Dominique Conil (romancière qui publie le 2 février "Une fille occupée" chez Actes Sud) à Selim Nassib, mais aussi un critique musical, Francis Marmande, et des auteurs plus jeunes comme Béatrice Leca ("Aux bords des forêts") ou Gaëlle Obiégly ("Le musée des valeurs sentimentales").

"Marivaux, Dostoïevski, Dickens... Les écrivains ont toujours écrit dans les journaux", rappelle Michel Butel ..." Utopie encore ? "A L'Impossible, on ne travaillera que quatre jours par semaine. Pas le week-end et pas le mercredi, jour des enfants".

"Les Inrocks ? A 150 milliards d'années-lumière !"
Avec qui "L'Impossible" sera-t-il en concurrence frontale ? La question fait rire son (virtuel) fondateur : "avec personne ! Le Nouvel Obs ? A 100 milliards d'années lumière ! Les Inrocks ? A 150 milliards d'années-lumière ! On est en concurrence avec le Libé d'il y a 15 ans, avec le Libé tel qu'il devrait être."

Enfin - faut-il le préciser ? -le journal se situera "à gauche de la gauche", même si la question de savoir s'il soutient "Mélenchon, Besancenot ou Aubry" ne "se pose pas". L'essentiel n'est pas là et l'on s'intéressera plutôt aux réflexions d'un Rancière, d'un Zizek ou du romancier britannique John Berger, emblématique d'une littérature engagée autant qu'exigeante.

"L'Impossible" sera en kiosque le 5 mai à 100.000 exemplaires, au prix de 2 euros... si la souscription porte ses fruits. Le défi sera-t-il relevé ? La devise du journal servira de réponse : "A l'impossible nous sommes tenus".

-> Voir aussi le site de "L'Impossible"

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