Cet article date de plus de dix ans.

Comment "Le Journal de Mickey" réussit à rester à la page depuis 80 ans

Le magazine, fondé en 1934 par Paul Winkler, continue de connaître un grand succès auprès des jeunes lecteurs. A l'occasion d'un numéro anniversaire, qui sort mercredi, francetv info se penche sur cette longévité exceptionnelle.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
"Le Journal de Mickey" consacré à la 100e édition du Tour de France, le 30 juin 2013.  (JOEL SAGET / AFP)

Il transmet le goût de la lecture de génération en génération depuis 1934. Le Journal de Mickey célèbre cette année ses 80 ans d'existence. Bien plus qu'une simple publication à la gloire de la souris de Walt Disney, le titre a traversé les âges pour s'adresser, tour à tour, à des petits Français de l'avant-guerre, à des futurs soixante-huitards, à des enfants de la télé ou encore aux "digital natives", la première génération connectée. En 2013, le magazine s'est vendu, en moyenne, à 120 600 exemplaires par semaine. Autrefois capable de dépasser la barre des 500 000 exemplaires, le titre reste aujourd'hui encore le leader des hebdos destinés aux jeunes. 

A l'occasion de cet anniversaire, fêté mercredi 15 octobre dans les kiosques avec un numéro spécial de 100 pages, francetv info se penche sur les secrets de longévité de l'octogénaire préféré des 7-12 ans.  

Miser sur des valeurs sûres 

La bande dessinée occupe la moitié des pages de l'hebdomadaire. Or, ces contenus sont largement dominés par les aventures des héros de Disney. Pour la rédactrice en chef du magazine, Edith Rieubon, la longévité du titre doit beaucoup à la richesse de cette galaxie, peuplée de valeurs sûres aux noms connus de tous les petits Français. "Les personnages de Disney ont une identité forte qui traverse le temps", explique-t-elle à francetv info. Elle cite, bien sûr, Mickey, le héros bien sous tous rapports, mais aussi l'oncle "indigne", Picsou, ses petits-neveux Riri, Fifi et Loulou (des petits gars "malins et écolos"), ou encore Donald, "colérique et attachant".

 

Un exemplaire du "Journal de Mickey" exposé à la galerie Artcurial, à Paris, le 29 mars 2008.  (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Des personnalités multiples plongées dans des aventures incroyables : une recette indémodable. Loin d'être ringards, ces héros octogénaires constituent encore des repères hors du temps pour les enfants d'aujourd'hui. "Les personnages de Disney restent dans leur propre univers, note Edith Rieubon. On pourra voir ça et là un personnage utiliser un téléphone portable par exemple, mais dans l'ensemble, ils ne se démodent pas."

Permettre aux lecteurs de s'identifier 

Pour ce qui est de coller au quotidien des jeunes lecteurs, Le Journal de Mickey mise davantage sur les personnages nés hors de la bulle Disney. Dans Sisters, Les Profs, Kid Paddle, ou encore l'incontournable Titeuf, les enfants retrouvent des héros qui leur ressemblent plus qu'un canard milliardaire. Déjà en 1964, Thierry La Fronde, fort de son succès sur le petit écran, avait intégré les pages du Journal de Mickey, rappelle l'historien de la BD et scénariste Henri Filippini dans BDZoom. Plus tard, on peut découvrir dans l'hebdo des adaptations des aventures du Club des 5 ou encore des épisodes de la vie de Yannick Noah, l'année qui suit son sacre à Roland-Garros. 

"Le journal évolue avec son temps, assure la rédactrice en chef. Dans les pages gags [les histoires courtes], on retrouve un ton et un humour bien dans son époque." D'ailleurs, "LeJournal de Mickey des années 1930 est illisible pour des enfants d'aujourd'hui", abonde l'historien des médias Patrick Eveno, contacté par francetv info. Selon lui, le magazine n'a cessé de se moderniser, lentement mais sûrement, sur le fond comme sur la forme. "Ils ont su faire évoluer leurs formules, leurs personnages, leurs dessins..., en faisant le choix de s'adapter aux nouvelles générations au lieu de vouloir grandir avec elles, détaille-t-il. Cette stratégie a permis au Journal de Mickey de perdurer, tandis que des poids lourds de la presse jeunesse, comme Pilote ou Le Journal de Tintin, se sont figés et ont donc fini par disparaître."

Trouver son positionnement (et s'y tenir)

"Le Journal de Mickey, ce n'est pas que de la BD", insiste Edith Rieubon. Depuis que la première édition a consacré, en octobre 1934, quelques lignes à l'aviatrice Hélène Boucher, les contenus de la rédaction côtoient les aventures de Mickey et consorts. Des reportages dans les coulisses d'évènements, des infos insolites, des sujets concernant les animaux ou la science... "Il n'y a pas d'autre hebdo du même genre, assure la rédactrice en chef. Sur ce credo, on retrouve plutôt des mensuels. Les autres hebdos [comme Spirou] sont davantage tournés vers la BD, tandis que d'autres ciblent, en particulier, les petites filles ou les petits garçons, voire une tranche d'âge différente." Ainsi, "il existe encore une forte demande de la part des jeunes élèves de primaire et collège", continue Patrick Eveno. Selon lui, les 7-12 ans, pas peu fiers de maîtriser la lecture, veulent lire leur propre presse. 
 
Pour combler les petits lecteurs, le magazine peut faire sa une sur un Donald déguisé en Pharrell Williams, laisser Franck Dubosc piloter un numéro, ou fournir des informations sur l'actualité de stars comme Omar Sy, Jamel Debbouze, Violetta ou Stromae.

 

Capture d'écran de la une du "Journal de Mickey" du 16 avril 2014.   (LE JOURNAL DE MICKEY / DISNEY HACHETTE PRESSE )

Gagner la confiance des parents 

Pour que des jeunes en CM1 s'abonnent, encore faut-il convaincre les parents. De ce point de vue-là, Le Journal de Mickey peut compter sur sa marque. "Dans certaines familles, on s'abonne de génération en génération", note Edith Rieubon. Surtout, la BD jeunesse, jadis dénigrée par les aînés, a fini par gagner la confiance des parents, eux-mêmes anciens lecteurs. C'est d'ailleurs à eux que s'adresse une campagne publicitaire, relayée par L'Express en septembre. En parodiant des titres "pour les grands", la rédaction du Journal de Mickey s'est permis des clins d'œil à l'actualité people ou politique. Un faux Journal du dimanche a ainsi fait sa une sur le très médiatique retour de Pat Hibulaire, au moment où revenait Nicolas Sarkozy.
Pour fêter ses 80 ans, en septembre 2014, "Le Journal de Mickey" parodie des titres de presse français.  (DR / LE JOURNAL DE MICKEY )
   
Enfin, "les parents sont bien contents de mettre un journal entre les mains de leurs enfants. C'est une bonne façon de les décoller des écrans", poursuit la rédactrice en chef du Journal de Mickey. D'ailleurs, si elle note qu'il est primordial pour le titre de s'adapter à l'ère du numérique, elle constate que les fans du magazine utilisent davantage la tablette pour jouer que pour lire. Ainsi, le titre enregistre peu de ventes en PDF. "A cet âge, les enfants ont une âme de collectionneur et aiment encore l'objet, le papier. Ils gardent les numéros, les prêtent, les relisent... Enfin, pour l'instant." 

Savoir s'adapter aux révolutions technologiques

A l'heure de souffler ses 80 bougies, le journal s'offre un nouveau site internet et une nouvelle formule. De la maquette au contenu, les relookings sont fréquents, assure Edith Rieubon. Ainsi, depuis 2003, le magazine avance lentement vers plus d'interactivité. Dotée d'un site web depuis 2009, la rédaction sollicite de plus en plus son lectorat : enquête sur les personnalités préférées des enfants, publication du courrier des lecteurs, création en 2003 du Grand prix des lecteurs du Journal de Mickey, qui récompense chaque année un roman et un album de BD...
 
"Dans la presse jeunesse aussi, il faut trouver un nouveau modèle rédactionnel, au même titre qu'un modèle économique", explique Patrick Eveno. Chez Mickey, la transition s'opère en douceur. Cela tombe bien. Pour le spécialiste des médias, "c'est en évoluant lentement que l'hebdomadaire a su garder sa place." 
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.