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"ONPC" : Charles Consigny, "le réac le plus sympa de Paris" que la France a découvert chez Laurent Ruquier

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
L'écrivain et chroniqueur Charles Consigny à la Closerie des Lilas, le 8 mai 2017 à Paris. (PASCAL VILA/SIPA)

A moins de 30 ans, le jeune juriste, habitué des "Grandes Gueules" de RMC,  remplace l'écrivain Yann Moix sur le plateau d'"On n'est pas couché", l'émission-phare de Laurent Ruquier le samedi soir sur France 2.

Les agences de presse n'ont quasiment aucune photo de lui, le grand public ne le connaît pas, mais ça ne saurait tarder. Jusque là chroniqueur au Point et aux "Grandes Gueules" sur RMC, le jeune écrivain Charles Consigny a fait ses débuts sur le plateau d'On n'est pas couché, samedi 1er septembre sur France 2, où il a la lourde tâche de remplacer Yann Moix, parti vers d'autres cieux.

Fils et petit-fils d'énarques parisiens, ce touche-à-tout de 29 ans s'est déjà essayé à l'écriture (chez Lattès et Laffont), aux éditos (pour Le Point), et aux polémiques (pour "Les Grandes Gueules" sur RMC). Avec un certain succès. De son père publicitaire, Thierry Consigny, il a appris l'art de vendre sa meilleure marque : lui-même. Mais qui est ce futur avocat, décrit par Laurent Ruquier comme "le réac le plus sympa de Paris" ?

"On l'invite, le lendemain on a un petit mot"

L'enfant prodige est né le 14 juillet 1989, jour du bicentenaire de la Révolution française, sous une bonne étoile. Ce qui lui vaudra – ou plutôt à ses parents – de recevoir une lettre de félicitations du président de la République. François Mitterrand devient ainsi la première des bonnes fées – en fait, souvent des messieurs d'un certain âge – à se pencher sur le berceau du jeune Charles. Son éditeur chez Robert Laffont, Jean-Luc Barré, 61 ans, en est un autre exemple : comme bien d'autres, le voilà qui s'extasie, pour franceinfo, sur ce "dandy intelligent, brillant, cultivé, qui ne suit pas la mode et s'habille d'une façon assez classique, en chemise blanche et costume noir". Last but not least, ce garçon est "très bien élevé", ajoute l'avocat et écrivain François Gibault, 86 ans : "On l'invite, le lendemain on a un petit mot".

Cette pratique oubliée de la "lettre de château" trahit un art de cultiver ses réseaux que seuls dispensent les beaux quartiers. "Du côté maternel [Marie Monnier], il y a l'un des fondateurs de L'Express [Bruno Monnier] et des particules qui traînent",  relève Christian Chattey, administrateur du cabinet d'audit Deloitte et "fan absolu" de cet ami de son fils.

Le côté paternel est plus bohême : une de ses tantes est actrice [Anne Consigny], et son père [Thierry Consigny] est publicitaire.

Christian Chattey

à franceinfo

Bohême ? Le saltimbanque Thierry Consigny, avant de fonder une agence de pub spécialisée dans le luxe, puis de se tourner vers le marché de l'art, avait tout de même coché la case ENA. Comme d'ailleurs son père, Pierre, avant lui. 

"Il plonge dans un milieu de drogues, où il a failli se perdre"

Autant dire que le jeune homme a grandi dans un milieu aisé. Elevé dans le Marais, au cœur du Paris historique, Charles "a beaucoup aimé son enfance", remarque Jean-Luc Barré. "J'ai passé depuis toujours mes vacances dans des châteaux. Pas des palais, plutôt des bâtisses fragiles où tout est sans cesse à refaire (...). Mais des châteaux quand même", écrit le jeune homme dans son troisième livre publié en 2017, Je m'évade, je m'explique (un titre emprunté à Rimbaud, pour 7 000 exemplaires écoulés, selon son éditeur, Robert Laffont). Un paradis sans nuages, jusqu'à cette journée d'été de cauchemar, le 27 juillet 1997 : sa sœur Lara, 4 ans, est retrouvée morte, noyée dans une piscine. Les parents se séparent peu après. C'est la première cassure de l'enfance.

Quand la seconde est-elle intervenue ? "A 17 ans, il passe son bac en candidat libre, décrit l'un de ses proches, quitte ses parents et vit en coloc' ou dans de petites chambres de bonnes. C'est à cet âge-là qu'il fonde un magazine de mode [Spring], se déclare homosexuel et plonge dans un milieu de drogues où il a failli se perdre".  Dans un livre cosigné avec son père Thierry, Charles Consigny écrit : 

Mon père était venu un jeudi matin me cueillir à l'hôpital après un bad trip de cocaïne, après que je lui ai expliqué méthodiquement l'ampleur de mon désastre affectif, le manque, la souffrance d'être homo, le dégoût des hommes.

Charles Consigny

dans "Le soleil, l'herbe, et une vie à gagner" (éd. Lattès)

Interrogé par franceinfo sur cet épisode, l'écrivain corrige : "C'est un roman inspiré de faits réels, décrivant une certaine jeunesse déjantée. Ça raconte un morceau de ma vie, mais ce n'est pas un témoignage pur et dur".

A 25 ans, découvrir "la brutalité de l'existence"

A 20 ans, lesté de dettes (son magazine a sombré), il décide de devenir avocat. Mais le dilettante multitâche peine à se concentrer sur ses études de droit. Il s'y prend d'ailleurs à trois fois avant de réussir en 2016 l'examen du barreau, coaché par son ami Jérémie Assous, une des stars des avocats parisiens. "J'étais d'autant plus content que j'avais vraiment un pistolet sur la tempe, sourit-il aujourd'hui. On n'a droit qu'à trois tentatives." 

Est-il un "gros bosseur", comme le disent ses amis, et comme il se décrit lui-même ? S'il s'est fait, sans rire, le héraut, sur RMC, de "gens qui bossent quinze heures par jour pour aller [vivre sans mixité sociale] dans le 16e", lui-même s'étonne, dans son livre, qu'on puisse "aliéner sa liberté pendant une douzaine d'heures chaque jour au minimum, dans des open spaces""on ne peut même pas passer un coup de fil ".  Et il constate tristement : "Les gens, moi compris, acceptent de reparamétrer toutes leurs habitudes pour les besoins d'un employeur, lequel ne les gratifie, en moyenne, que de 2 000 à 3 000 euros mensuels en échange, à tout casser (...). L'exigence est d'être efficace, alors qu'on n'a qu'une vie, alors qu'on meurt un peu chaque jour". Conclusion :

C'est donc à 25 ans que l'on prend conscience de l'invraisemblable brutalité de l'existence.

Charles Consigny

dans "Je m'évade, je m'explique"

 Zemmour "doit avoir voix au chapitre dans le débat intellectuel français"

On comprend mieux ses tours et détours avant de rejoindre ce purgatoire. Charles Consigny minore aujourd'hui son activité, en 2011-2012, de conseiller en communication de Christine Boutin, alors candidate à l'Elysée. "Je suis juste passé à deux ou trois réunions pour voir comment l'équipe bossait", recadre-t-il. Mais l'épisode sert sa notoriété : le site Rue89 brosse son portrait en "gay flamboyant" déclamant du Renaud Camus, écrivain devenu idole de l'extrême droite identitaire. Si le jeune Consigny affirme, à l'époque, partager l'opposition au mariage gay de la présidente du Parti-chrétien démocrate, il changera d'avis en 2013 dans Le Point, dont il devient chroniqueur. 

En quête de nouvelles plumes "pour doper l'offre éditoriale du site lepoint.fr" , le directeur adjoint de l'hebdomadaire, Jérôme Béglé, a repéré ce jeune réac susceptible de rajeunir le vivier des éditorialistes : "J'avais vu son blog pendant la campagne électorale de 2012. On s'est rencontrés, il m'a dit 'Je veux parler politique'." Séduit par "l'écriture, les idées et l'énergie" de l'apprenti polémiste, Jérôme Béglé lui tend la perche... "Ça a très bien marché, il a fait 200 billets." Consigny fait ce pour quoi il a été recruté, et éparpille façon puzzle François Hollande, qui "laisse le pays s'enfoncer dans [une] espèce d'agonie lente et silencieuse". 

Charles Consigny, au premier rang des chroniqueurs (en bas à droite), participe à "L'Emission pour tous" sur France 2, le 30 juin 2014. Il n'a alors que 23 ans. (CHARLOTTE SCHOUSBOE / FRANCE TELEVISIONS)

L'écrit a ses charmes, l'écran garde son pouvoir d'attraction. L'écrivain, qui partage volontiers sur Instagram les photos de ses vacances de rêve à l'île de Ré, a le goût des sunlights. Laurent Ruquier (déjà) lui met le pied à l'étrier à la télé en 2014, dans "L'Emission pour tous", sur France 2. Celle-ci dure juste assez (moins de deux mois, faute d'audience !) pour que les animateurs des "Grandes Gueules" de RMC, soucieux, eux aussi, de rafraîchir leur cheptel, l'engagent comme chroniqueur au café du commerce le plus écouté de France. On attend que le "réac sympa" fasse du "buzz" ? "Gourmand de castagne", comme il se décrit dans Vanity Fair, il y va franco. "Se moque des couleurs de peau" mais "pense que le racisme anti-blanc existe". Balance qu'avoir nommé Najat Vallaud-Belkacem à l'Education, "c'est comme si on nommait Nabila directrice de la Nasa". Et "défend Zemmour", qui "doit avoir voix au chapitre dans le débat intellectuel français".

 "Il y a un côté vertigineux à faire 'ONPC'" 

Le jeune homme a-t-il évolué ? "On étouffait dans le politiquement correct et Zemmour a tout envoyé valdinguer, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine", maintient-il, avant de prendre subtilement ses distances : "Il correspond à une époque". L'élève stagiaire d'Hervé Témime, autre star du barreau qui l'a pris sous sa protection, n'enfourche pas ou plus tous les combats chers à la droite. Il se dit ainsi plutôt proche, sur la justice et les prisons, d'une "ligne Taubira" : "Rendre les villes plus sûres ne justifie pas d'entasser les prisonniers en France comme ça se passe dans des pays peu démocratiques", précise-t-il à franceinfo.

Je suis old school, mais pas réactionnaire.

Charles Consigny

à franceinfo

Dans son dernier livre, Charles Consigny s'affiche surtout très "Macron compatible". "J'aimais beaucoup le programme libéral de François Fillon, mais tout ce que véhiculait Fillon, à mes yeux, avait beaucoup moins de dynamisme et de fraîcheur que Macron", glisse-t-il. Avant de préciser : "Je ne suis ni fanatique ni mandataire de personne". Payé à partir de septembre par l'argent de la redevance, il devrait donc entonner chaque samedi soir la rengaine de la nécessaire baisse des impôts chère aux libéraux. 

Le voilà désormais promis aux empoignades nocturnes du week-end, aux côtés d'une Christine Angot qu'il traitait en 2017 de "Donald Trump des bobos". Et à la place d'un Yann Moix qui, voilà un an, semblait le critiquer pour mieux l'encenser... justement sur le plateau d'"On n'est pas couché""Vous êtes très étrange comme type, attaquait-il. Vous semblez revenir de tout sans être allé nulle part. Vous mélangez l'immaturité avec le flegme. Vous parlez avec un sérieux, on ne sait même pas d'où vous sortez... Vous vous arrogez le droit de nous donner des leçons alors que vous êtes encore en cours ! Et c'est précisément ce que j'aime chez vous : vous vous autorisez une chose que plus personne ne s'autorise dans ce pays, être soi-même sans la moindre terreur de paraître pour ce qu'on est." 

Ses amis, eux, craignent qu'il ne se brûle les ailes dans l'arène de Laurent Ruquier. "J'espère qu'il ne va pas se perdre dans cette émission qui n'est pas ma tasse de thé", redoute Christian Chattey. Et Jérôme Béglé : "Après "Les Grandes Gueules", il faudra qu'il montre une seconde couche, une autre face de lui-même". Même pas peur, répond l'intéressé : "Il y a un côté vertigineux à faire ONPC ! C'est une chance surtout si on veut faire avocat, s'émerveille Charles Consigny, qui devrait prêter serment en décembre. Je ne pouvais pas refuser." 

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