"Libéral, conservateur et patriote" : qui est Pierre-Édouard Stérin, le milliardaire controversé qui veut racheter "Marianne" ?

L'homme d'affaires normand, exilé fiscal en Belgique depuis 2012, veut acquérir son premier grand média, après avoir échoué à racheter "Valeurs actuelles".
Article rédigé par franceinfo
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Le groupe CMI France, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, a annoncé mardi 14 mai être entré en "négociation exclusive" avec le groupe Otium de Pierre-Édouard Stérin pour la vente de l'hebdomadaire Marianne. (JOEL SAGET / AFP)

L'hebdomadaire Marianne devrait changer de mains avant l'été. Le groupe CMI France, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, a choisi de vendre à un inconnu du grand public, qui s'immisce discrètement dans le monde des médias : Pierre-Édouard Stérin. Cet entrepreneur normand de 50 ans, 104e fortune de France dans le classement du magazine Challenges, est exilé fiscal en Belgique depuis l'élection de François Hollande en 2012. Il l'assure : il ne veut rien laisser à ses cinq enfants à sa mort, préférant donner son argent à une structure philanthropique.

Il est avant tout un redoutable homme d'affaires : les coffrets cadeaux Smartbox, c'est lui. Il avait également développé le site de réservation de restaurants "La Fourchette" (ex "The Fork", qu'il a revendu depuis). Et, plus récemment, il est en train de devenir un partenaire financier du club de rugby du Biarritz Olympique.

Un mois pour un accord

Depuis un an et demi, il enchaîne les incursions dans le secteur des médias : s'il a tenté de racheter Valeurs actuelles il y a 10 ans et récemment la maison d'édition Editis, en vain, Pierre-Edouard Stérin a des parts dans "Neo", une plateforme de vidéos créée par Bernard de La Villardière, a financé le site d'investigation "Factuel" (qui risque de fermer bientôt), est entré au capital du "Crayon", une chaîne YouTube de débats. Et s'il s'empare de Marianne, ce sera son plus gros coup dans le monde de la presse. Il a un mois pour que les "négociations exclusives" avec Daniel Kretinsky aboutissent.

Or, cette éventualité effraie la rédaction de l'hebdomadaire, dont Natacha Polony est directrice de la rédaction. Le profil de Pierre-Edouard Stérin ne correspond en effet pas vraiment à la ligne éditoriale du magazine. Quand le candidat se définit comme "libéral, conservateur et patriote", d'autres le jugent plutôt catholique traditionaliste et d'extrême droite. Alors que vient-il faire à Marianne, un titre de gauche qui défend le souverainisme et la laïcité ? Si l'homme d'affaires reconnaît des divergences de points de vue, il affirme que le magazine fait entendre une voix trop peu présente dans le champ médiatique.

Il promet l'indépendance éditoriale

S'il partage tout de même la tendance "antiwokiste" et anti-Macron voulue par Marianne, Pierre-Edouard Stérin espère voir rester Natacha Polony à la tête de la rédaction. Pour la convaincre, il a promis de préserver la ligne éditoriale et l'indépendance de ses journalistes. Des garanties n'étaient pas gagnées d'avance : le milliardaire est du genre à penser que le propriétaire d'un journal fait ce qu'il veut chez lui. C'est ce qu'il avait expliqué au moment de la grève au JDD, racheté par Vincent Bolloré. 

Créé en 1997 par les journalistes Jean-François Kahn et Maurice Szafran, Marianne compte 55 cartes de presse. À l'initiative de la direction de la rédaction, une nouvelle formule a été lancée en mars, avec une pagination réduite de moitié et un prix passant de 4,40 euros à 3,50 euros. Ce lancement a été un succès, avec des ventes au numéro en forte augmentation et des abonnements papier et numérique repartant à la hausse, d'après CMI France. Avec 129 000 exemplaires vendus en 2023, Marianne a vu sa diffusion baisser de 1,3% par rapport à 2022. Il se maintient derrière ses concurrents Le Point, L'Obs et L'Express. Marianne a perdu l'année dernière 3 millions d'euros, pour 12 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Quant au prix du rachat, Pierre-Edouard Stérin a évoqué la somme de 10 millions d'euros. Ce qui représenterait une belle plus-value pour le vendeur Daniel Kretinsky, qui en avait déboursé la moitié il y a cinq ans pour faire l'acquisition de Marianne. Mais entre-temps, il a investi 15 millions dans le magazine, lequel n'est toujours pas rentable.

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