Plan d'économies : "Ce gouvernement continue à s'enferrer dans une logique contraire à l'intérêt économique du pays et dont vont pâtir énormément de nos concitoyens", dénonce Éric Coquerel
"Ce gouvernement continue à s'enferrer dans une logique contraire à l'intérêt économique du pays et dont vont pâtir énormément de nos concitoyens", dénonce, mercredi 6 mars, sur franceinfo Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Et ce, alors que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave ont défendu devant l'Assemblée nationale leur plan d'économies de 10 milliards d'euros en 2024. Ils ont aussi annoncé 20 milliards d'euros de coupes supplémentaires en 2025.
Franceinfo : Qu'avez-vous retenu de l'audition des deux ministres ?
Eric Coquerel : Ce gouvernement, en tout cas le ministre de l'Economie, continue à s'enferrer dans une logique contraire à l'intérêt économique du pays et dont vont pâtir énormément de nos concitoyens, puisqu'énormément de ministères touchés sont des ministères d'avenir, ceux qui concernent la recherche, l'enseignement supérieur, l'éducation, la transition écologique mais aussi le logement, le sport, la culture... Ce sont des services dont seront privés beaucoup de nos concitoyens. Actuellement, des enseignants réclament dans un mouvement très fort plus de moyens en Seine-Saint-Denis : avec plus de 700 millions en moins dans l'Education, dont la moitié en moins dans les effectifs, la situation va encore s'aggraver. Ça va être de l'austérité, et d'un point de vue économique, quand vous avez une activité économique qui se réduit, vous ne réduisez pas les dépenses publiques, parce que vous augmentez l'aspect récessif de cette baisse de l'activité. C'est quelque chose de connu en économie et ce gouvernement va faire exactement l'inverse.
Selon vous, il ne faut pas réduire les dépenses publiques dans la mesure où les prévisions de croissance ont été revues à la baisse ?
D'abord, on le savait. Cet après-midi, les deux ministres n'ont pas arrêté de nous dire que les choses ont évolué depuis que la loi de finances est passée à l'Assemblée : ce n'est pas vrai, à l'époque on savait déjà qu'il n'y aurait pas 1,4% de croissance. Soit ils se trompent et dans ce cas on peut considérer qu'ils se trompent aussi aujourd'hui dans leur politique économique, soit ils ont bâti un budget pour éviter certains débats qui permettaient de laisser croire qu'on faisait toujours plus pour la transition écologique, pour l'éducation, la culture etc., en sachant qu'ils allaient revenir sur ce budget quelques mois après, et c'est exactement ce qui s'est passé. Je considère qu'il y a d'autres manières d'aborder une activité économique quand l'activité se réduit : les Etats-Unis ont décidé de laisser filer le déficit en considérant que le plus important, c'était la croissance. Bilan : il y a un décrochage de croissance entre les Etats-Unis et l'Europe aujourd'hui, qui continue ses politiques de rigueur. Quand vous baissez les dépenses publiques, vous baissez un des feux sur lesquels repose l'économie. C'est une constante qui s'est toujours vérifiée, et ce gouvernement prend des risques en faisant ça. La deuxième chose, c'est que si on veut vraiment réduire le déficit, il y a peut-être une autre manière que de baisser les dépenses publiques. On pourrait reprendre une partie des cadeaux fiscaux faits à certains de nos concitoyens, je pense à ceux qui voient leurs dividendes exploser depuis quelques années et qui pourraient largement contribuer à l'effort : rien ne leur est demandé, avec un enrichissement qui devient vraiment indécent par rapport à ce dont souffre la plus grande partie de notre population.
Comment peut-on faire lorsque les caisses sont vides ?
Est-ce raisonnable quand on sait qu'il y a le dérèglement climatique qui nous menace de baisser de près de 3 milliards d'euros la transition écologique ? Par rapport aux générations à venir, nous prenons des responsabilités bien plus fortes que de décider si on va avoir 0,1 ou 0,2% de déficit en plus. Est-ce raisonnable quand partout l'Education nationale craque de baisser les effectifs des enseignants ou des personnes qui s'occupent des élèves en situation de handicap ? Ça dépend d'où vous fixez le curseur. Ce pays a trop de besoins qui ne sont pas résolus pour avant tout se concentrer sur des déficits, surtout qu'en réalité ça nous est imposé par Bruxelles et non par une logique économique. On pourrait reprendre une partie des impôts distribués à ceux qui n'en ont pas besoin dans ce pays. Les 5 personnes les plus riches en France ont vu leurs recettes doubler depuis 2017 grâce aux cadeaux fiscaux ou aux avantages faits sur les revenus du patrimoine. Il y a matière là à récupérer les quelques dizaines de milliards qui manquent au budget de l'Etat plutôt que d'aller les prendre sur l'éducation, la transition écologique ou le logement. C'est une question de choix et ce gouvernement compte toujours faire en sorte que les politiques de rigueur soient sur le dos des gens qui travaillent, des services publics, de la dépense publique, de la cohésion sociale, et non pas sur le dos de ceux qui s'enrichissent depuis quelques années de manière indécente. Ils ont annoncé 20 milliards d'euros de dépenses publiques de moins l'an prochain, 20+10 ça fera 30 milliards : on a une politique d'austérité qui va avoir des conséquences dans la vie de tout le monde.
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