Pour "accroître le potentiel de croissance", la commission Attali propose notamment une véritable "cure d'austérité"
Jacques Attali a remis vendredi le 2e rapport de la "Commission pour la libération de la croissance".
Le nouveau rapport, dont Les Echos cite une version préliminaire", fait 25 propositions qui alimenteront le débat alors que s'ouvre lundi à l'Assemblée l'examen du budget 2011.
Parmi ces propositions: faire participer financièrement les malades en affection longue durée (ALD). Actuellement, les ALD sont prises en charge à 100 % par la Sécurité sociale.
Présidée par l'économiste Jacques Attali (qui fut "conseiller spécial" de François Mitterrand à l'Elysée) et composée d'une quarantaine de membres, la commission s'est fixée deux objectifs: répondre aux "urgences" que sont le désendettement et l'emploi; préparer deux "chantiers de long terme", en l'occurrence l'éducation et la "gestion des énergies rares".
La "Commission pour la libération de la croissance" avait déjà rendu un premier document (avec 316 propositions) en janvier 2008.
La moitié des propositions du nouveau rapport porte sur la maîtrise des dépenses publiques avec une priorité: ramener en 2013 le déficit public sous les 3 % du produit intérieur brut (PIB). Il s'agirait de jouer en trois ans "'exclusivement' sur la réduction des dépenses publiques (50 milliards d'euros)" et d'élargir "l'assiette des prélèvements 'sans relèvement de taux' (25 milliards)", rapporte le quotidien économique.
Autres "mesures exceptionnelles" qui permettraient d'économiser 10 milliards d'euros: "geler le point d'indice pour les salaires des fonctionnaires"; "prolonger et élargir" "aux collectivités locales et à la Sécurité sociale" "la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite".
Dans le même temps, le nouveau rapport Attali préconise de "geler certaines prestations sociales et mettre sous conditions de ressources les allocations familiales".
D'une manière générale, le document table sur 40 milliards d'économies grâce à une "meilleure maîtrise des dépenses de chacun des acteurs publics". Il recommande notamment une baisse de 1 % des concours financiers de l'Etat en valeur.
Il plaide "pour le remplacement des services administratifs par des agences autonomes". Il préconise également "la mise en oeuvre d'une 'revue systématique et permanente' des politiques publiques (plus 'ambitieuse' que l'actuelle RGPP [la fameuse révision générale des politiques publiques, NDLR])" "tant au niveau local que national", rapporte Les Echos. Cette revue "systématique et permanente" est également suggérée pour les
organismes publics.
Economiser sur Dame "Sécu"
Le document préconise de poursuivre "le déremboursement de médicaments". Il préconise, aussi et surtout, "une participation financière des malades en affection de longue durée" (cancer, diabète, polyarthrite rhumatoïde etc...), celles que l'on appelle les ALD, actuellement prises en charge à 100 % par la Sécurité sociale sans conditions de ressources. Selon Les Echos, ces ALD
expliquent "l'essentiel de l'accroissement des dépenses". "Les dépenses publiques doivent être ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin", estime le rapport cité par Les Echos.
Dans le même temps, celui-ci préconise "un rôle plus grand confié aux complémentaires santé et l'instauration d'une assurance-dépendance obligatoire".
Autres propositions de la commission: "la fin du 'numerus clausus" limitant le nombre médecins et de pharmaciens; le recentrage de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) "sur les personnes les plus dépendantes".
Du côté des recettes
De ce point de vue, le rapport, comme le préconise le gouvernement, propose de "jouer en priorité sur les niches fiscales et sociales". Il s'agit ainsi d'agir sur celles qui ont "des effets antidistributifs ou favorisant les plus privilégiés". Est notamment visé la TVA à 5,5 % dans la restauration.
Le document suggère de réexaminer la fiscalité sur les plus-values et les patrimoines "pour des raisons d'équité". Il demande aussi que "la contribution des plus favorisés ne soit pas annulée par le bouclier fiscal", sans en dire d'avantage. Il évoque l'idée de taxer "les rentes injustifiées", "telles celles dont bénéficient les propriétaires fonciers".
Dans le même temps, le rapport propose d'alléger les prélèvements sur le travail. Lesquels seraient compensés par une hausse de la TVA (une "TVA sociale") et par un renforcement de la fiscalité écologique avec l'instauration d'une taxe carbone, "si possible au niveau européen".
Et les retraites ?
La commission Attali s'est également penchée sur les retraites. Un passage de son rapport qui "a suscité des tensions avec l'Elysée ces dernières semaines, selon l'un de ses membres", car ce passage a trait à la réforme des retraites", rapporte Les Echos...
"L'augmentation de l'âge légal apparaît comme la solution la plus rapide pour réduire le déficit" du régime des retraites, estime le rapport en citant le diagnostic du Conseil d'orientation des retraites.
Pour autant, "le relèvement de l'âge légal défavorise ceux ayant commencé à travailler très tôt et qui travaillent nettement plus longtemps que la durée légale, alors même que leur espérance de vie à la retraite est inférieure à celle des salariés entrés plus tard sur le marché du travail", selon un extrait du rapport cité par Les Echos. Le document reconnaît cependant que le dispositif des départs anticipés pour carrière longue, maintenu par la réforme Woerth, permettra à ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans de partir à 60 ans.
Le document regrette par ailleurs que "la réforme ne traite du financement des retraites que jusqu'en 2020", échéance qu'il juge trop courte.
Réactions nombreuses, vendredi
Ces mesures ont suscité de nombreuses critiques, à droite comme à gauche. La présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin, y a vu "des coups de sabre qui mettent en péril le lien social et l'avenir de notre pays", le PCF des "bouffées ultralibérales délirantes" et la vice-présidente du Front national Marine Le Pen a même rebaptisé Jacques Attali "Attila"... La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Moraano, a déclaré que le gouvernement n'entendait pas allouer les allocations familiales en fonction des revenus, comme le suggère le rapport. "Les allocations familiales sont universelles et ne sont pas octroyées en fonction des revenus", a-t-elle affirmé en marge d'une cérémonie de remise de médailles, par le président Nicolas Sarkozy, à des mères de famille. "Nous sommes très attachés à cette politique familiale, donc il n'est pas question de prendre en compte cette préconisation", a-t-elle ajouté.
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