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"Au bout d’un an, j’ai l’impression d’un quinquennat gâché" : ces électeurs d'Emmanuel Macron gagnés par le doute après la réforme des retraites

Article rédigé par Marine Cardot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Emmanuel Macron, à l'Elysée, le 26 avril 2023. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)
Sur le fond, ils étaient pour le passage à la retraite à 64 ans, mais certains ont été déçus par la méthode et l'utilisation du 49.3. Un an après le début du second mandat du chef de l'Etat, ils craignent l'immobilisme.

Pour la campagne d'Emmanuel Macron en 2022, Béatrice Vallette n'a pas hésité à envoyer un chèque. Une petite contribution pour le candidat qui l'avait convaincue "dès 2017". Mais depuis trois mois, la magie n'opère plus. "Au départ, je suis une macroniste inconditionnelle, mais actuellement je fais partie de ceux qui sont perplexes", confie la retraitée. Comme elle, 27,85% des votants avaient soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle 2022. Un an plus tard, certains peinent à comprendre l'attitude du chef de l'Etat.

>> #OnVousRépond : que change la réforme des retraites, promulguée par Emmanuel Macron

Après trois mois de contestation sociale, l'adoption de la réforme des retraites grâce à l'utilisation de l'article 49.3 a choqué nombre d'électeurs pourtant partisans d'un rehaussement de l'âge de départ. Victor Fichtner, étudiant à Sciences Po, fait partie de ceux-là. En accord avec le contenu de la loi, il conteste la méthode utilisée par le gouvernement. "J'ai été choqué par la brutalité avec laquelle la réforme a été conduite dans la société et au Parlement", explique ce sympathisant de Renaissance. "Cette réforme est constitutionnelle, elle est légale, c'est vrai, mais il y a eu un tel désintérêt du gouvernement pour le processus démocratique..." 

"Si moi je suis déçu, alors je n'ose même pas imaginer la colère des gens qui de toute façon étaient contre."

Victor Fichtner, 20 ans

franceinfo

Après une carrière à travailler dans les caisses de retraite, Béatrice Vallette est aussi pour une réforme, mais elle estime qu'"Emmanuel Macron s'y est pris tellement maladroitement". "J'étais très fan, j'ai été séduite par son intelligence, il a un pouvoir de séduction mais il n'a pas d'empathie ce garçon, il est complètement à côté de la plaque", tacle désormais la retraitée de 77 ans.

"Un passage en force" 

Au-delà de la critique personnelle contre le président, Béatrice Vallette se dit profondément inquiète pour la démocratie française : "J'ai vécu l'adoption de cette réforme comme un passage en force." Selon elle, faire passer la retraite à 64 ans dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n'était "pas du tout adapté" à une réforme de cette envergure. 

"On a tordu les institutions, c'est grave." 

Béatrice Vallette, 77 ans

à franceinfo

Paul Beyou, jeune salarié d'un grand groupe français, n'a lui pas été choqué par l'utilisation du 49.3. "C'est la responsabilité des Républicains, qui ont joué un double jeu", balaie-t-il. Pour ce macroniste de 24 ans, les outils juridiques utilisés lors de l'examen du texte pour raccourcir les débats étaient une réaction aux blocages de La France insoumise. Il estime qu'Emmanuel Macron a fait preuve de "courage politique" en portant une réforme impopulaire.  

En revanche, Paul Beyou déplore l'abandon de la réforme par points (présentée en 2019, puis abandonnée, au profit de celle proposée en 2023). "C'était une réforme plus ambitieuse et plus juste, qui correspondait à l'innovation politique que portait le macronisme de 2017", regrette celui qui a adhéré dès le début à La République en marche. Une réforme qui, selon lui, n'aurait pas autant braqué les syndicats que le report de l'âge de départ à 64 ans.

"La faute de l'exécutif"

Un temps engagé au groupe local Renaissance du Cantal, Hervé Seguis s'insurge contre l'"entêtement de l'exécutif". Selon cet ancien chef d'entreprise, le problème n'est pas le 49.3, conforme à la Constitution, mais l'absence de compromis avec les syndicats. "Aujourd'hui, le dialogue est rompu, c'est la faute de l'exécutif. Quand on n'arrive plus à discuter, tout ce qu'on obtient, ce sont des gens dans la rue." 

Celui qui a voté pour Emmanuel Macron dès le premier tour se dit aujourd'hui "déçu" : "Bien sûr, j'ai cru au projet politique de 2022, mais cette loi n'aurait pas dû passer coûte que coûte, contre l'avis de l'opinion publique." Le retraité juge également que la réforme a été "mal comprise parce que mal expliquée", et qu'elle est arrivée au mauvais moment.

"Juste après la sortie du Covid, en pleine période de grosse inflation, est-ce qu'on ne pouvait pas attendre un peu ?"

Hervé Seguis, 62 ans

à franceinfo

Paul Beyou pointe aussi les conséquences de la crise sanitaire : "La pandémie a engendré des difficultés profondes pour notre jeunesse, là, on demande encore des efforts à ceux qui sont sur le marché du travail, sans contrepartie." S'il reste convaincu de la nécessité de cette réforme du système des retraites, il aurait aimé des mesures compensatoires à destination des jeunes, pour permettre un meilleur accès au logement par exemple.

"Un quinquennat d'équilibriste" 

Dans un contexte social tendu, et sans majorité absolue au Parlement, la suite du quinquennat s'annonce ardue, conviennent les électeurs macronistes interrogés par franceinfo. "Il reste quatre ans à Emmanuel Macron, et je ne sais pas comment il va pouvoir diriger dans cette situation, lâche Victor Fichtner. Au bout d'un an seulement, j'ai l'impression d'un quinquennat gâché." Que ce soit sur l'écologie, ou la refonte des institutions démocratiques, l'étudiant ne voit pas quel projet pourrait être porté. 

"Il y a quelques mois, il y avait un élan, une légitimité qui permettait de tout faire, mais la réforme nous a emmenés dans une impasse, c'est ce que je trouve le plus tragique." 

Victor Fichtner, 20 ans

à franceinfo

Paul Beyou partage ces inquiétudes. "La suite va être un quinquennat d'équilibriste pour continuer à réformer, anticipe-t-il. Il faudra au moins six mois à un an pour avoir un climat social davantage apaisé."  Ce macroniste de la première heure s'inquiète tout de même de la difficulté à trouver des majorités pour faire voter les textes. Et pour ne rien arranger, il n'est pas vraiment satisfait de l'équipe de ministres qui entoure Emmanuel Macron, estimant que certains ont du mal à incarner leur politique. 

"Je m'attendais à ce qu'on aille plus loin sur l'élargissement du gouvernement, avec des figures de la droite ou de la gauche. Il faudrait envoyer des signaux d'ouverture lors d'un remaniement."

Paul Beyou, 24 ans

à franceinfo

Pour Hervé Seguis aussi, un remaniement est nécessaire, mais il ne croit plus à un changement profond. "Je croyais qu'on allait changer les choses, faire de la politique autrement, de manière plus ouverte, mais rien ne change", explique celui qui a désormais pris ses distances avec le parti Renaissance. 

"Tout est géré au coup par coup"

Au milieu du marasme, Paul Beyou veut rester optimiste. "Globalement, je suis satisfait parce que c'était la principale réforme structurelle qu'on pouvait mener, et elle va engendrer des économies importantes", explique-t-il. Le jeune homme se réjouit aussi d'un certain retour du politique, depuis que le parti présidentiel a perdu sa majorité absolue à l'Assemblée lors des dernières élections législatives. "On est obligé d'échanger, ça permet aussi de faire renaître des idées, de la discussion."

"Maintenant, il faut revenir vers les Français et leur proposer un projet politique", estime Paul Beyou. Mais sur ce point, pour la première fois, le sympathisant a des doutes. "Macron a toujours été bon dans ses prises de parole, il redonnait un cap, mais lors de sa dernière allocution mi-avril, on a senti un manque d'incarnation." Et ils sont plusieurs à ne plus savoir où veut aller le chef de l'Etat. "On n'y comprend plus rien, tacle Hervé Seguis. J'ai l'impression que tout est géré au coup par coup." 

Béatrice Vallette aussi a du mal à se projeter. Ce qui a changé pour elle entre 2022 et maintenant ? "Je n'adhère plus aux discours d'Emmanuel Macron, j'ai tout le temps l'impression qu'il répète les mêmes choses, je ne vois vraiment pas ce qu'il nous propose à l'horizon, ni si ça suffira à éviter Marine Le Pen." Comme elle, Victor Fichtner en veut au chef de l'Etat. "En 2017, il nous disait que grâce à son action, les gens n'auraient plus à voter à l'extrême droite, se souvient l'étudiant. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle est à son apogée."

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