Budget 2023 : ce qu'il faut savoir sur le 49.3, cet article de la Constitution qui permet au gouvernement de passer en force à l'Assemblée
Le camp d'Emmanuel Macron a perdu, en juin, la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Conséquence : le 49.3, qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, va faire son grand retour sur le devant de la scène politique.
"Les oppositions savent qu'elles pourront tout donner quand on va dégainer le 49.3", soupire une parlementaire de la majorité. Le 49.3. C'est peut-être l'article le plus cité de la Constitution française, celui dont la simple mention suffit à déclencher des débats enflammés entre responsables politiques. La perte de la majorité absolue, lors des élections législatives de juin, pour le camp d'Emmanuel Macron remet sur le devant de la scène cet outil constitutionnel. Il permet au gouvernement de passer en force à l'Assemblée nationale. Pas de vote, le texte est directement adopté. Mais son recours est désormais encadré et non sans risque politique. Franceinfo vous livre tout ce que vous devez savoir sur le 49.3.
C'est quoi, le 49.3 ?
Le 49.3 fait référence à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Ve République, qui permet au "Premier ministre, après délibération du conseil des ministres" d'engager "la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale". Dans ce présent cas, le "projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent". Il est précisé que "le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session".
La rédaction de l'article 49.3 telle qu'on la connaît est en réalité relativement récente. Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le recours au 49.3 est limité alors qu'auparavant le gouvernement pouvait y avoir recours aussi souvent qu'il le souhaitait et sur n'importe quel texte. Désormais, l'exécutif doit se contenter d'y avoir recours seulement sur les textes budgétaires et sur un texte par session, ce qui limite drastiquement son utilisation.
Pourquoi cet outil est risqué politiquement ?
En utilisant le 49.3, le gouvernement risque une motion de censure. Les députés ont vingt-quatre heures pour répliquer en rassemblant 58 signatures, afin que le texte soit débattu dans un délai de quarante-huit heures après son dépôt. Deux possibilités s'ouvrent alors : si la motion de censure ne parvient pas à obtenir la majorité absolue, fixée à 289 votes, le texte du gouvernement est adopté sans vote. Si la motion de censure est adoptée, elle entraîne la démission du Premier ministre et de son gouvernement.
Cela n'est encore jamais arrivé sous la Ve République. Du moins pas sous cette forme-là. Une seule motion de censure a été adoptée depuis 1958 mais il s'agissait d'une motion de censure dite spontanée, pas consécutive à l'utilisation d'un 49.3. Le 5 octobre 1962, les députés avaient renversé le gouvernement Pompidou pour s'opposer à la décision du Général de Gaulle d'instaurer, via le référendum, l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Ce dernier avait dissous l'Assemblée nationale dans la foulée.
Si l'utilisation du 49.3 n'a encore jamais conduit au renversement d'un gouvernement, il est devenu un symbole pour les oppositions de muselage du débat démocratique. Chaque fois qu'il est agité par un gouvernement, les critiques fusent sur les bancs d'en face. "Le 49.3 est une brutalité. Le 49.3 est un déni de démocratie. Le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire", avait dénoncé François Hollande en 2006 lors des débats sur le Contrat première embauche (CPE). Avant de l'utiliser à son tour une fois au pouvoir.
Comment le 49.3 a-t-il été utilisé ?
Michel Rocard est le Premier ministre à avoir le plus utilisé le 49.3 sous la Ve République. Entre 1988 et 1991, sous le septennat de François Mitterrand, le socialiste y a eu recours à 28 reprises, rappelle le site de l'Assemblée nationale, sur un total de 89 utilisations depuis 1958. A l'époque, Michel Rocard ne disposait pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale mais seulement d'une majorité relative.
Depuis qu'Emmanuel Macron est au pouvoir, le gouvernement n'a utilisé qu'une fois le 49.3. Fin février, Edouard Philippe avait dégainé cet outil constitutionnel pour faire passer la réforme des retraites, qui avait finalement été abandonnée à cause de la crise sanitaire.
Pourquoi va-t-on beaucoup en entendre parler dans cette législature ?
La majorité relative remet le 49.3 au centre du jeu parlementaire. Emmanuel Macron, ayant perdu en juin sa majorité absolue au Palais Bourbon, devrait recourir beaucoup plus à cet outil que sous la précédente législature. Mais contrairement à l'époque de Michel Rocard, le président de la République va devoir faire des choix puisque le recours au 49.3 est désormais encadré. Même si sur les textes budgétaires, il n'y a pas de limite.
Le projet de loi de finances pour 2023 (PLF) devrait être l'occasion pour Elisabeth Borne de dégainer, pour la première fois de la législature, le 49.3. Les oppositions ont en effet annoncé qu'elles ne voteraient pas le budget, texte éminemment politique qui détermine les priorités du gouvernement en matière de politiques publiques. "La question n'est pas de savoir si on utilise le 49.3 sur le PLF mais quand puisqu'il n'est pas question de ne pas avoir de budget pour la France", résume une cadre de la majorité.
Un autre texte pourrait lui aussi faire l'objet d'un 49.3 : la réforme des retraites. La Nupes et le RN voteront contre à coup sûr, mais la position de LR est encore incertaine. Une abstention du groupe Les Républicains pourrait permettre l'adoption du texte, mais un vote contre de leur part entraînerait son rejet. C'est pour cela que le gouvernement n'écarte pas la possibilité de faire passer sa réforme via un projet de loi de finances de la sécurité sociale rectificative (PLFSSR). Un texte dont la nature budgétaire permettrait à l'exécutif de ne pas "griller" son 49.3.
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