Réforme des retraites : le plan de l'exécutif pour faire adopter un texte "avant la fin de l'hiver"
Malgré l'annonce d'une "concertation", l'exécutif n'exclut pas d'utiliser le 49.3, et brandit même la menace d'une dissolution de l'Assemblée nationale.
Passage en force ou concertation ? Entre ces deux approches pour parvenir à réformer le système de retraites, l'exécutif a tranché. Enfin presque. Lors d'un dîner organisé mercredi 28 septembre à l'Elysée avec les principaux responsables de la majorité, Emmanuel Macron a finalement coupé la poire en deux.
Une concertation sur cette réforme à laquelle s'opposent tous les syndicats va s'ouvrir dès cet automne, en vue d'une adoption en début d'année 2023. Mais le gouvernement n'exclut pas d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution en cas de blocage. Le chef de l'Etat a même brandi la menace d'une dissolution de l'Assemblée nationale si les oppositions s'entendaient pour voter une motion de censure contre le gouvernement.
Une "concertation" pour aboutir à un projet de loi
Elisabeth Borne a affirmé jeudi son intention d'ouvrir un nouveau cycle de concertation autour de la réforme des retraites, dans la perspective d'adopter un projet de loi "avant la fin de l'hiver". Avec, pour objectif, "une entrée en vigueur de la réforme à l'été 2023", a-t-elle déclaré à l'Agence France-Presse.
C'est au ministre du Travail, Olivier Dussopt, qu'il incombe "d'engager dès la semaine prochaine [soit la semaine débutant le 3 octobre]" des consultations avec les organisations patronales, syndicales, ainsi qu'avec les "groupes parlementaires". Au menu : l'âge légal de départ à la retraite (Emmanuel Macron souhaite le reculer à 65 ans à l'horizon 2031), les régimes spéciaux, la question des carrières longues ou encore l'épineux dossier de la pénibilité.
Mais ces discussions pourraient rapidement tourner court. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a par exemple assuré que son syndicat n'y resterait "pas longtemps" si la volonté d'allonger l'âge de départ à la retraite n'est pas remise en cause. "Le gouvernement ne veut pas discuter d'autres hypothèses que la sienne", a-t-il fustigé jeudi matin sur France 2. Position similaire pour Force ouvrière, qui "ira écouter la première" réunion de concertation puis "avisera" des suites à donner, comme l'a déclaré sur franceinfo jeudi son secrétaire confédéral, Michel Bongas.
L'option d'un amendement au budget de la Sécu écartée, sauf si...
Exit donc le passage en force via un simple amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ? Le texte doit être examiné en octobre à l'Assemblée, ce qui pouvait convenir au calendrier de l'exécutif. Mais cette hypothèse controversée, critiquée par certaines figures de la majorité comme François Bayrou, n'a finalement pas été retenue par le chef de l'Etat.
"A ce stade, il a clairement écarté l'amendement pour avoir des concertations sincères sur la base de sa proposition pour la campagne présidentielle", souligne auprès de France Télévisions un participant au dîner. Un autre souligne que l'exécutif se réserve encore le droit d'y recourir, notamment si les syndicats refusent la concertation annoncée par Elisabeth Borne.
Projet de loi classique ou PLFSS rectificatif ?
Reste à savoir quelle forme prendra le texte qui sera soumis par au Parlement par le gouvernement. S'agira-t-il d'un projet de loi classique ou d'un projet de loi de financement de la sécurité social rectificatif (PLFSSR) ? Cette question n'aurait aucun intérêt dans une configuration politique ordinaire. Mais elle prend toute son importance quand un gouvernement ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale.
La seconde option permettrait au gouvernement, en cas de difficulté à faire adopter son texte à l'Assemblée nationale, d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution sans griller un joker. En effet, le recours à cet article est limité par la Constitution à un texte par session parlementaire (en l'occurrence, la période qui s'étend d'octobre à juin), sauf pour les textes budgétaires, que sont les projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale.
Une chose est sûre : le gouvernement veut aller relativement vite. "On ne va pas passer un an à débattre sur ce projet à l'Assemblée", tranche-t-on au sein de l'exécutif.
La menace d'une dissolution de l'Assemblée
En cas d'utilisation du 49.3, le texte présenté est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure contre le gouvernement, déposée dans les vingt-quatre heures, est adoptée. Dans ce cas, le texte est rejeté, et le gouvernement est renversé.
Lors du dîner organisé mercredi soir à l'Elysée, Emmanuel Macron a prévenu : "Moi, je ne veux pas la chienlit, si une motion de censure est votée, je dissous dans la minute." L'avertissement s'adresse avant tout au groupe LR à l'Assemblée, dont les voix sont indispensables à l'adoption d'une telle motion de censure.
Si Emmanuel Macron décidait de dissoudre l'Assemblée nationale, des élections législatives seraient immédiatement organisées et les 577 députés devraient remettre leur poste en jeu. De quoi faire réfléchir certains opposants ? En substance, le message consiste à dire aux élus de droite : "Si vous êtes joueurs, nous aussi, on est joueurs", traduit auprès de France Télévisions une source au sein de l'exécutif.
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