Grève des éboueurs à Paris : on vous explique le bras de fer entre le gouvernement et la maire Anne Hidalgo
Bientôt la fin de la bataille des ordures ? Depuis plusieurs jours, la mairie de Paris et le gouvernement se renvoient le sac-poubelle : chacun accuse l'autre d'être responsable des monticules d'ordures qui grossissent à vue d'œil dans la capitale. Les grévistes de la CGT ont voté mardi la poursuite du mouvement "au moins jusqu'au 20 mars".
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait demandé à Anne Hidalgo de procéder à des réquisitions. Hors de question pour la maire socialiste de Paris, qui s'est dit "solidaire" du mouvement de grève.
Alors que 7 600 tonnes de déchets n'avaient pas été ramassées, le gouvernement a donc décidé de passer en force mercredi. Le préfet de police de Paris, sur ordre du ministre de l'Intérieur, a ordonné la réquisition des personnels. Au 11e jour de grève des éboueurs contre la réforme des retraites, Franceinfo revient sur le bras de fer qui oppose la mairie de Paris et le gouvernement.
1 Le gouvernement critique l'élue
Face aux déchets qui s'accumulent, les opposants à la maire de Paris, dont les agents gèrent le ramassage des ordures ménagères dans la moitié des arrondissements, ont les premiers multiplié les critiques. La maire du 7e arrondissement, Rachida Dati (LR), a par exemple accusé la maire socialiste de laisser "les déchets s'entasser et les rats proliférer dans les rues".
Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a de son côté reproché à Anne Hidalgo d'"imposer" aux Parisiens "les conséquences" de son soutien au mouvement de grève contre la réforme des retraites. "Ce n'est pas la grève des éboueurs qui me pose tellement problème, c'est que c'est Anne Hidalgo qui fait grève elle-même. Elle ne fait rien", a également critiqué Clément Beaune, le ministre des Transports, lui aussi élu à Paris, sur France 2. Selon lui, l'élue socialiste aurait dû prendre "des mesures concrètes comme la mutualisation du ramassage et du stockage entre arrondissements, voire la réquisition".
Ce à quoi le premier adjoint d'Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire, a répondu en assurant que la ville "met en place des mesures palliatives", reconnaissant au passage avoir recours à des agents privés "sur des urgences absolues". "Sur 30 000 tonnes [déposées dans les rues en dix jours] , nous en avons ramassé 23 000. C'est beaucoup plus qu'un service minimum", a-t-il fait valoir.
"Simplement, tous les jours, parce qu'il y a des grévistes, cela s'accumule. Et plus le gouvernement s'entête, plus les conséquences sont graves."
Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la maire de Parisen conférence de presse
Alors que la situation exaspère certains commerçants, le gouvernement aurait aimé régler la situation, sans procéder lui-même à des réquisitions, qui risqueraient d'être mal vues. Gérald Darmanin a donc demandé au préfet de police de Paris de faire pression sur la mairie pour "réquisitionner" des personnels. Une décision saluée par Rachida Dati. "Il faut mettre un terme au mépris et à l'inaction coupable d'Anne Hidalgo", a-t-elle lancé mercredi sur Twitter.
2 Anne Hidalgo renvoie la balle
La réplique d'Anne Hidalgo a été immédiate. La maire socialiste "ne donnera pas suite" à la demande de la préfecture de police de réquisitionner les éboueurs de la ville pour limiter les effets de leur grève contre la réforme des retraites, écrit-elle dans un courrier.
Ma réponse au gouvernement sur la demande des réquisitions. ⤵️ pic.twitter.com/iazgOD0aDk
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) March 15, 2023
L'élue a donc renvoyé la balle à l'Etat, d'autant qu'elle avait affiché son soutien au mouvement social contre la réforme des retraites. "Il est paradoxal que l'Etat demande aux collectivités territoriales de régler un problème qu'il a lui-même créé", estime-t-elle dans sa lettre.
"Que l'Etat assume ses responsabilités", avait martelé mardi le premier adjoint Emmanuel Grégoire. L'élu avait estimé que la demande avait un caractère politique : "Demandent-ils à tous les maires de réquisitionner ? A Edouard Philippe ?", s'était-il interrogé alors que Le Havre, ville dirigée par l'ancien Premier ministre, est également touchée par la grève des éboueurs.
"La revendication des éboueurs de la ville de Paris, qui souhaitent légitimement ne pas travailler deux ans de plus, est juste. La seule réponse susceptible d'apaiser le climat actuel est d'engager le dialogue social."
Anne Hidalgo, maire de Parisdans son courrier au préfet
Quant à l'emploi d'agents privés, il ne constitue "pas du tout du travail de substitution", a assuré Emmanuel Grégoire. "Jamais Anne Hidalgo et les élus de cette majorité ne s'engageraient à briser un mouvement de grève", a assuré le premier adjoint.
3 L'Etat ordonne les réquisitions
Face au refus de la maire de Paris, le gouvernement a décidé mercredi de passer en force. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur ordre du ministre de l'Intérieur, a informé Anne Hidalgo qu'il allait réquisitionner des éboueurs.
Dans son courrier à la mairie mardi, le préfet expliquait qu'il était de la compétence de la mairie d'agir car elle "détient la police de la salubrité sur la voie publique". Mais il avait également prévenu qu'en cas de refus, il procéderait lui-même à des réquisitions, "en cas d'urgence lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité publique l'exige".
Jeudi, la mairie de Paris a donc transmis la liste de 4 000 agents de la propreté chargés du ramassage des poubelles à la préfecture de police, a appris franceinfo auprès de la municipalité. Se pose désormais la question de la faisabilité. "Vous faites comment pour réquisitionner les gens ?, s'est interrogé Laurent Berger, le patron de la CFDT. Vous allez les chercher un par un ? Il en faut 3 000 pour faire le ramassage des déchets à Paris."
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