Réforme des retraites : comment la pénibilité d'une profession est-elle évaluée ?
La riposte commence. Au lendemain de la présentation de la réforme des retraites, les syndicats appellent unanimement à manifester contre les mesures du gouvernement jeudi 19 janvier. Ils rejettent tous d'une même voix le report de l'âge de départ de 62 à 64 ans. Elisabeth Borne défend elle des "avancées" sur l'emploi des seniors, les "carrières longues" et la prise en compte de la pénibilité. La Première ministre a notamment annoncé une modification du fonctionnement du compte professionnel de prévention. Mais comment ce système de prise en compte des risques au travail fonctionne-t-il actuellement ?
Six critères de pénibilité
Depuis le 1er octobre 2017, le compte professionnel de prévention (C2P) prend en compte six facteurs de risque, répartis en deux grandes catégories. La première catégorie concerne les environnements "physiques agressifs" et désigne les métiers exercés dans un contexte de haute pression (hyperbare), tels que les pompiers ou salariés des centrales nucléaires, de températures extrêmes (celles liées à l'activité elle-même et non la température extérieure) ou de bruit très intense. La deuxième catégorie répertorie les risques liés aux "rythmes de travail" : le travail de nuit, le travail "en équipes successives alternantes" (comme les 3×8), et le travail répétitif.
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Initialement, le C2P, créé en 2015, prévoyait 10 critères de risque mais deux ans plus tard, une réforme décidée par le gouvernement d'Edouard Philippe a conduit à en supprimer quatre. Il s'agit de la manutention manuelle de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques ou encore les risques chimiques.
Lors des concertations préalables à la réforme des retraites, les syndicats avaient demandé à ce que ces risques soient réintégrés au compte de professionnel de prévention. Le gouvernement a refusé et propose plutôt que les salariés qui portent des charges lourdes ou qui travaillent avec des postures pénibles bénéficient d'un suivi médical renforcé et personnalisé. L'objectif étant de leur permettre d'aménager leur poste si besoin, de suivre une formation ou de bénéficier d'un départ à la retraite anticipé.
A noter : c'est l'employeur, et non pas le salarié, qui évalue les facteurs de risque. " Ils font l'objet d'une déclaration en fin d'année ou au terme du contrat de travail s'il s'achève en cours d'année civile", précise le site du C2P. Le compte n'est par ailleurs pas rétroactif et ne prend donc pas en compte les périodes d'exposition antérieures à 2015.
Des seuils minimaux requis
Pour que la pénibilité soit reconnue, il faut atteindre un seuil minimal en terme d'intensité et de durée d'exposition à un risque. Pour les températures extrêmes par exemple, il faut une température inférieure ou égale à cinq degrés ou au moins égale à 30 degrés et durant un total de 900 heures minimum par an. Pour le bruit, le seuil est de 600 heures par an d'exposition à un son d'au moins 81 décibels, ou de 120 expositions à "un niveau de pression acoustique de crête" au moins égal à 135 décibels.
En terme de rythme de travail, le travail de nuit est considéré comme un risque lorsqu'au moins une heure d'activité a été réalisé entre minuit et 5 heures du matin sur un total minimal de 120 nuits par an. Le travail répétitif est lui considéré comme pénible lorsque 15 actions techniques ou plus sont effectuées dans un "temps de cycle" inférieur ou égal à 30 secondes.
Avec sa réforme, le gouvernement souhaite abaisser certains seuils d'exposition afin que davantage de salariés puissent bénéficier du C2P. Pour le travail de nuit, par exemple, les 120 heures par an seront abaissées à 100 heures. La mesure doit bénéficier à 60 000 personnes supplémentaires.
Des mois de pénibilité transformés en points
Lorsque le seuil de pénibilité est dépassé, le salarié exposé obtient des points C2P. Le mode de calcul (avant la réforme) est le suivant : trois mois d'exposition à un facteur de risque (consécutifs ou non) donnent droit à deux points pour les salariés nés avant le 7 juillet 1956 et à un point pour ceux nés après le 30 juin 1956. En cas d'exposition à plusieurs facteurs, les points sont doublés. Les points acquis et déclarés par l'employeur durant l'année sont reportés une fois par an sur le compte professionnel de prévention.
Dix points permettent de financer un trimestre "de majoration de durée d'assurance" retraite. Un salarié peut ainsi cumuler jusqu'à huit trimestres de majoration et obtenir le droit de prendre sa retraite jusqu'à deux ans avant l'âge légal de départ (62 ans actuellement). Le site du C2P précise toutefois que même si ces trimestres majorés sont pris en compte dans le dispositif de carrières longues, ils ne permettent pas de partir avant l'âge de 60 ans.
Ces points peuvent aussi servir à financer un projet de formation professionnelle, pour envisager par exemple une réorientation vers un métier moins pénible. Troisième option : utiliser ces points pour financer un aménagement du temps de travail.
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