Réforme des retraites, conditions de travail, inflation... De quoi les syndicats et Elisabeth Borne vont-ils discuter à partir de ce mardi à Matignon ?
C'est l'heure des retrouvailles. Plus d'un mois après sa dernière rencontre avec l'intersyndicale, la Première ministre, Elisabeth Borne, doit rencontrer, mardi 16 et mercredi 17 mai, les responsables des cinq principaux syndicats lors d'entretiens bilatéraux à Matignon. FO ouvrira le bal à 18h15, suivie de la CFDT à 19h30. Le lendemain, la cheffe du gouvernement recevra la CFE-CGC à 10h45, puis la CFTC à midi et la CGT à 17 heures.
L'exécutif souhaite "renouer un dialogue apaisé et constructif" avec les partenaires sociaux, sans leur imposer d'"ordre du jour précis". Les syndicats, eux, entendent maintenir la pression contre la réforme des retraites et veulent des "gages" du gouvernement. Voici ce qui s'annonce au menu des discussions.
La réforme des retraites
Pour ces premières rencontres avec Elisabeth Borne depuis la promulgation de la loi, le sujet reste la priorité des organisations syndicales. Dès qu'elle a accepté l'invitation de Matignon, le 6 mai, la CGT a prévenu qu'elle entendait "réaffirmer [son] exigence de retrait de la réforme". "On va continuer à dire que la page n'est pas tournée", confirme la CFTC. "Le match n'est pas totalement fini", veut croire le leader de la CFDT, Laurent Berger, dans un entretien publié mercredi par L'Obs (article réservé aux abonnés).
Les syndicats préparent une 14e journée de grève et de manifestations, qui aura lieu le 6 juin, deux jours avant l'examen à l'Assemblée d'un texte du groupe Liot visant à abroger la réforme. "Cette proposition de loi nous offre un temps additionnel", estime Laurent Berger. L'intersyndicale a déjà écrit aux parlementaires pour les enjoindre à voter le texte. Elle doit de nouveau publier, lundi, un communiqué reformulant son opposition déterminée à la réforme des retraites. La Première ministre sait donc à quoi s'en tenir.
L'organisation du travail
Il y a "beaucoup de sujets à aborder" sur "la qualité de vie au travail, sur les fins de carrière, sur la prévention de la pénibilité", avait déploré Elisabeth Borne, le 5 avril, après que sa rencontre avec l'intersyndicale a tourné court faute d'avancées sur les retraites. Cette fois, les syndicats apparaissent plus ouverts à la discussion. Ils élaborent même des "revendications communes", qui ne seront toutefois finalisées que "dans les prochaines semaines", selon la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Pour cet échange, la CFDT a déjà un épais "cahier revendicatif", selon sa numéro deux, Marylise Léon.
Pensant avoir "des choses à obtenir", Laurent Berger appelle dans L'Obs l'exécutif à "ouvrir la discussion sur la semaine de quatre jours dans les entreprises". Il y voit une réponse à "une aspiration" des Français à "réarticuler les temps professionnel et personnel", ce que permet en partie le télétravail, mais seulement pour "30% des travailleurs". Parmi les autres sujets que les syndicats souhaitent évoquer, figurent l'emploi des seniors, la pénibilité et la réforme du RSA. "Nous refuserons toute discussion sur des sujets régressifs" en matière de droits sociaux, a mis en garde Sophie Binet, dimanche dans l'émission "Le Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro".
"Chacun a parfaitement conscience de l'importance des enjeux : la prévention de l'usure professionnelle, l'emploi des seniors, la reconversion, le compte épargne temps universel... Sur tous ces champs, je ne doute pas que les organisations syndicales et patronales souhaiteront prendre leurs responsabilités", avance la Première ministre, dans un entretien au Journal du dimanche (article réservé aux abonnés). Sur la question de la semaine de quatre jours, "le gouvernement regarde cela avec intérêt", assure le ministre du Travail. Olivier Dussopt y voit surtout "une solution pour des métiers qui manquent d'attractivité".
Les salaires à l'heure de l'inflation
Face à une hausse des prix de 5,9% sur un an, et même de 15% pour l'alimentaire, "on ne peut pas ne pas parler de l'inflation, du pouvoir d'achat", prévient le président de la CFTC, Cyril Chabanier, pour qui les syndicats sont "en position de force grâce au mouvement social".
La discussion pourrait ainsi se tourner sur le terrain salarial, source d'optimisme du côté de la CFDT. Sur cette question salariale, elle cite le problème des minima "au-dessous du smic" dans la plupart des branches professionnelles.
"Certaines victoires sont possibles, notamment sur les salaires."
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDTà "L'Obs"
La leader de la CGT, Sophie Binet, milite, elle, pour que les salaires "soient indexés sur les prix", comme elle l'a fait savoir sur franceinfo, vendredi. Par ailleurs, elle a avancé dimanche l'idée que les aides publiques accordées aux entreprises puissent être soumises à de nouvelles conditions "sociales et environnementales", comme l'atteinte d'objectifs d'augmentation des salaires.
Une nouvelle "méthode" de dialogue social ?
Au-delà du fond, la forme de ces rencontres s'annonce déterminante. "Il faut beaucoup de tact dans la reprise du dialogue", a confié Elisabeth Borne, lundi, à franceinfo. La Première ministre entend "veiller" à donner aux syndicats "des signaux positifs sur la méthode qu'on veut mettre en place". "Même après ces mois agités, je reste convaincue qu'il faut donner plus de place à la négociation et au dialogue social", a-t-elle défendu dans Le Journal du dimanche.
"Il va falloir qu'on ait des gages" afin de "réinstaurer un climat de confiance", prévenait, fin avril, le président de la CFE-CGC, François Hommeril.
"On va avoir cette difficulté de retourner, discuter, travailler et faire des propositions avec des gens qui nous ont trahi et nous ont mal considérés."
François Hommeril, président de la CFE-CGCà franceinfo, le 26 avril
La CFDT a aussi des exigences concernant la méthode. "On retourne discuter, mais pas à n'importe quelles conditions", prévient le syndicat, émettant des doutes sur la volonté de l'exécutif de changer de manière de procéder. "Si des choses ne sont pas étudiées parce que tout est décidé à l'avance, ça ne nous convient pas." De son côté, la CGT rappelle ses conditions pour un dialogue social apaisé : "Il n'y aura pas de retour à la normale si cette réforme [des retraites] n'est pas abandonnée."
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