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Réforme des retraites : est-il normal que le texte soit déjà envoyé au Conseil d'Etat ?

Edouard Philippe a annoncé que le projet serait examiné le vendredi 24 janvier en Conseil des ministres. Le Conseil d’Etat doit obligatoirement être consulté avant.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'entrée du Conseil d'Etat, photographiée le 18 octobre 2018 place du Palais-Royal à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

La réforme des retraites est-elle déjà gravée dans le marbre ? "Un texte est parti au Conseil d'Etat", a révélé lundi 6 janvier le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau. Selon les informations du Parisien, cet envoi s'est "fait en fin de semaine dernière". Cette procédure est-elle normale, alors que de nouvelles rencontres sont programmées depuis mardi 7 janvier entre le gouvernement et les syndicats, déjà passablement échaudés par deux ans de concertation peu fructueuse ?  

"Des ajustements à la marge"

Premier élément à avoir en tête : le chef du gouvernement, Edouard Philippe, a confirmé, mardi 7 janvier, sur RTL, que le projet serait examiné le vendredi 24 janvier en Conseil des ministres. Or "le Conseil d'Etat est toujours consulté avant passage au Conseil des ministres. Le ministère rédige le texte et l'envoie au gouvernement, qui nous le fait parvenir pour avis", précise l'institution. Citant l'article 39 de la Constitution, elle précise sur son site officiel :

La saisine est obligatoire avant adoption par le Conseil des ministres et leur dépôt devant le Parlement.

Le Conseil d'Etat

au sujet des projets de loi

Au Conseil d'Etat, on confirme aussi qu'une fois le texte transmis, la marge de manœuvre est restreinte. "La version du gouvernement est figée puisqu'il a transmis un texte. Si le projet nous est parvenu, il n'y aura pas de modifications énormes. Cela veut dire que le texte est quasi-bouclé, même s'il peut y avoir des ajustements à la marge."

Détecter d'éventuelles failles

Les magistrats du Conseil d'Etat doivent en effet relire de très près le document pour répondre à une triple exigence : "On regarde si le texte est conforme à la Constitution, s'il correspond aux engagements européens et s'il est cohérent avec le reste de la législation", précise l'institution. D'où la nécessité d'obtenir le projet le plus tôt possible : "Le texte est habituellement transmis trois semaines ou un mois avant le Conseil des ministres, et plus tôt encore s'il s'agit du projet de loi de finances, qui prend plus de temps." 

Autant dire que les rapporteurs devront travailler rapidement puisqu'il leur reste moins de trois semaines pour repérer d'éventuelles failles. Selon la procédure habituelle, indique-t-on encore, "le texte sera transmis au gouvernement pour le Conseil des ministres. S'il est prévu le vendredi 24 janvier, le Conseil des ministres aura notre avis pour cette date-là." Que se passe-t-il ensuite ? "Après avis du Conseil d'Etat, soit le gouvernement reprend la version avec modifications, soit il reprend sa version initiale. C'est tout ou rien."

Quelles marges de manœuvre ont donc les syndicats conviés, depuis le 7 janvier, à de nouvelles réunions avec l'exécutif ? Du côté du secrétariat d'Etat aux Retraites, on assure que le projet n'a, en fait, pas encore été transmis officiellement au Conseil d'Etat. 

Six rapporteurs du Conseil d'Etat disposent d'une version qui n'est pas définitive. La saisine officielle aura lieu plus tard, mais cela devrait être pour cette semaine.

Le secrétariat d'Etat aux Retraites

à franceinfo

Au Conseil d'Etat, on se montre quelque peu surpris de cette communication : "Il n'y a pas de différence entre saisine officielle et non officielle. Soit nous avons le texte parce qu'on nous l'a transmis, soit nous ne l'avons pas." A quoi le secrétariat d'Etat rétorque : "Le texte envoyé n'est pas définitif." Toujours au même ministère, on promet que des aménagements demeurent possibles s'il s'agit d'un projet "assez général qui pose un cadre où tout ne sera pas forcément dépeint de façon précise". Enfin, le gouvernement peut toujours "modifier le texte final via des amendements" lors du débat parlementaire, assure l'exécutif.

Un calendrier serré

Tout cela n'est guère de nature à rassurer les syndicats qui bataillent contre la réforme. Pour la CFE-CGC, "le champ des négociations est restreint puisque le projet sur la réforme des retraites passe en Conseil des ministres pendant la semaine du 20 janvier. Je ne vois pas comment avoir un calendrier où l'on pourra discuter des points techniques", a déclaré à franceinfo son secrétaire national chargé des retraites, Pierre Roger.

Un calendrier d'autant plus serré que le gouvernement entend mener la réforme à son terme au pas de charge. L'Assemblée nationale examinera le projet en procédure accélérée pendant deux semaines, à compter du 17 février.

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