"Respect, esprit de dialogue, mais détermination" : face à la forte mobilisation contre la réforme des retraites, l’exécutif va-t-il revoir sa stratégie ?
Comment l’exécutif peut-il réagir à la rue ? Au lendemain d'une première journée d'action réussie, les syndicats se projettent vers une nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites, le mardi 31 janvier, avec l'espoir que les manifestations et les grèves feront reculer l'exécutif.
Silencieux depuis ses vœux aux Français, Emmanuel Macron a réagi aussi, depuis Barcelone, où il était en déplacement, à l’occasion d’un sommet franco-espagnol. Le chef de l’Etat a ainsi jugé "bon et légitime que toutes les opinions puissent s’exprimer (…) évidemment, sans violence, ni dégradations". Un avis partagé également par Élisabeth Borne : la Première ministre a salué les "bonnes conditions" dans lesquelles se sont déroulées les manifestations. "Permettre que les opinions s'expriment est essentiel pour la démocratie. Continuons à débattre et à convaincre", a-t-elle exhorté.
L'élection présidentielle comme caution
Reste que cette première journée de mobilisation ressemble avant tout à un premier grand test du second quinquennat d'Emmanuel Macron. Car, s'il y a des manifestations, de la contestation, "Tout est normal", observe un conseiller. Et un ministre d'embrayer : "On ne s’attendait pas à être accueilli avec des fleurs", embraye un ministre.
Depuis Barcelone, la consigne a bien été passée au gouvernement de ne surtout pas minimiser l’ampleur de la mobilisation. "Ce n’est pas inédit, c’est une réforme des retraites", balaye laconiquement un proche d’Élisabeth Borne. Une stratégie assumée pour ne surtout pas donner l’impression de reculer face à la rue, alors que l’exécutif ne dispose que de peu de marge de manœuvre. Loin des cortèges, loin des manifestations : Emmanuel Macron envoie ce message de fermeté ; qu'importe la mobilisation, la réforme des retraites – mesure phare de son programme de campagne – est parfaitement légitime.
Le chef de l'Etat le dit : les Français ont déjà tranché. "A l'élection présidentielle qui s'est tenue somme toute il n'y a que quelques mois, et aux élections législatives qui se sont tenues il y a quelques mois, les choses ont été dites clairement : il faut procéder à cette réforme. Et donc, nous le ferons avec respect, esprit de dialogue, mais détermination et esprit de responsabilité". Le chef de l’Etat fait en effet de sa réélection en avril dernier le seul juge de paix. Une déclaration, à rebours de celle formulée au soir du second tour de la présidentielle, quand il se disait "obligé" par le vote de ceux qui ont choisi de faire barrage à Marine Le Pen, sans adhérer à son projet. "Cela a pu exister", confirme en privé le chef de l’Etat, au risque de verser de l’huile sur le feu - ce qu’il voulait pourtant éviter - et de raviver les critiques sur son style arrogant, marotte de la gauche et des syndicats.
Lâcher du lest, oui, mais les négociations sont très réduites
Jeudi soir, avant de quitter Barcelone, le chef de l'Etat n’a d’ailleurs pas dit un mot de la réforme des retraites devant la communauté française. Pourtant, au fond de la salle, un jeune homme est exfiltré. Sur son t-shirt, il y a écrit "Non à votre réforme des retraites", comme une preuve que, même à 1 000 km de Paris, la "mère de toutes les batailles" rattrape aussi Emmanuel Macron, qui joue probablement là son image de président réformateur.
Mais derrière ce message de fermeté, le gouvernement réfléchit à sa stratégie et aux marges de manœuvre dont il dispose. Si, à terme, l’exécutif pourrait bien être obligé de lâcher du lest, les négociations sont très réduites. Les fameux 1 200 euros brut à transformer en net ? Ce n’est pas gagné du tout. Autre point de crispation : les 44 années de cotisation pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans. L’index sur l’emploi des seniors, sans parler de l’emblématique recul de l’âge légal à 64 ans, irritent y compris chez les macronistes : "Continuons à débattre et convaincre", tweetait ainsi jeudi soir Élisabeth Borne. D'autant que le calendrier va s’accélérer : Conseil des ministres, lundi, puis début de la bataille au Parlement, en commission, le 30 janvier. Le lendemain, les syndicats seront de nouveau dans la rue pour leur deuxième grande journée d’action.
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