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Réforme des retraites : pourquoi le Conseil d'Etat veut-il que l'exécutif revoie sa copie ?

Saisie le 3 janvier, la plus haute juridiction administrative française a notamment critiqué le choix de recourir à 29 ordonnances et déploré des projections financières "lacunaires". 

Article rédigé par franceinfo
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Le Conseil d'Etat a rendu un avis critique du projet de loi de réforme des retraites, vendredi 24 janvier 2020.  (BERTRAND GUAY / AFP)

Le projet de réforme des retraites n'a pas pas convaincu le Conseil d'Etat. Vendredi 24 janvier, la plus haute juridiction administrative française a vivement critiqué dans un avis plusieurs points essentiels de ce texte, adopté le matin même en Conseil des ministres. 

Saisi le 3 janvier, le Conseil d'Etat a disposé de trois semaines pour étudier le texte sur la forme et s'assurer qu'il ne contenait ni contradictions, ni mesures illégales ou anticonstitutionnelles. Son jugement est sans appel : le gouvernement doit, au moins en partie, revoir sa copie. Voici les principales critiques formulées par les membres de cette institution chargée, entre autres, de conseiller le gouvernement.  

Trop de modifications de dernière minute

Il n'est pas rare que le Conseil d'Etat doive se saisir d'un texte législatif dans des délais courts. Mais cette fois, il regrette de n'avoir disposé que de trois semaines pour rendre son avis sur les deux avant-projets de loi (organique et ordinaire). Surtout, il déplore les nombreuses modifications (pas moins de six) apportées au texte initial. 

"Le Conseil d'Etat souligne qu'eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu'aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu'il les examinait, la volonté du gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l'a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l'examen auquel il a procédé", déclare la juridiction dans son avis.

Des projections financières "lacunaires" 

Outre les deux textes de loi, une étude d'impact financier de cette réforme lui a aussi été transmise. Et cette étude n'a pas non plus, en l'état, satisfait les juristes. La première mouture était "insuffisante", et même une fois le texte complété, "les projections financières restent lacunaires", en particulier sur la hausse de l'âge de départ à la retraite, le taux d'emploi des seniors, les dépenses d'assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux, arguent-ils. 

Dans certains cas, l'étude d'impact "reste en deçà de ce qu'elle devrait être, de sorte qu'il incombe au gouvernement de l'améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement", relève le Conseil d'Etat.

Trop d'ordonnances 

L'avis du Conseil d'Etat critique également le choix de recourir à 29 ordonnances. Ainsi, il souligne le fait, "pour le législateur, de s'en remettre à des ordonnances pour la définition d'éléments structurants du nouveau système de retraite". Selon les juristes, cela "fait perdre la visibilité d'ensemble qui est nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme".

Cette critique fait écho à l'explosion du nombre d'ordonnances, autrefois exceptionnelles. "La nouveauté avec le gouvernement Philippe est l'utilisation des ordonnances pour des réformes très politiques comme le droit du travail et la réforme ferroviaire, relevait déjà le site juridique Dalloz-actualité, en mars 2018. L'objet des ordonnances n'est alors pas tant de permettre une mise en application plus rapide, que d'éviter un enlisement des débats parlementaires : les lois d'habilitation peuvent être adoptées sans attendre la finalisation d'un texte précis." Une méthode dont le Conseil d'Etat pointe aujourd'hui la limite. 

Des engagements voués à disparaître du texte

Dans le sillage de la contestation, le gouvernement a garanti aux enseignants et aux chercheurs que leurs pensions ne baisseraient pas. "Cet engagement figurera dans la loi", assure le ministère de l'Education nationale. De même, les navigants aériens ont obtenu la sauvegarde de leur caisse complémentaire pour financer des départs anticipés.

Or, selon le Conseil d'Etat, "ces dispositions renvoient à une loi de programmation, dont le gouvernement entend soumettre un projet au Parlement dans les prochains mois". Cela représente donc, selon la juridiction, "une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi", ce qui est "contraire à la Constitution". L'engagement de revalorisation des salaires des enseignants et des chercheurs est donc amené à disparaître du texte.

La fausse promesse d'un "régime universel de retraite"

Par ailleurs, le Conseil d'Etat relève que le projet de réforme n'instaure pas "un régime universel qui serait caractérisé, comme tout régime de sécurité sociale, par un ensemble constitué d'une population éligible unique, de règles uniformes et d'une caisse unique". Et pour cause, le texte crée "cinq régimes", avec "à l'intérieur de chacun de ces régimes" des "règles dérogatoires à celles du système universel".

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