Réforme des retraites : pourquoi les annonces d'Edouard Philippe ne vont pas arrêter la grève
Edouard Philippe a reçu jeudi, pendant plus de deux heures, les principaux syndicats autour du projet de réforme des retraites. Sans parvenir à la moindre évolution majeure.
"La seule chose concrète, c'est que le Premier ministre n'a pas entendu la rue", a regretté, lapidaire, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, à la sortie de Matignon, jeudi 19 décembre. Le Premier ministre a reçu les différentes organisations syndicales pour tenter de trouver une porte de sortie à la crise sociale qui s'est emparée d'une partie du pays depuis l'annonce des mesures du gouvernement pour réformer le système des retraites.
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Voici pourquoi ces négociations ne mettront pas fin au mouvement de grève.
Parce qu'il n'y a "pas d'avancée majeure", selon les principaux syndicats
"[Le Premier ministre] confirme qu'il veut mettre en œuvre un système par points. Après, il n'y a pas eu beaucoup d'annonces si ce n'est de nous dire qu'il fallait qu'on se revoie pour préciser un certain nombre de choses, a regretté Philippe Martinez au sortir de Matignon. C'est beaucoup de promesses, rien de concret." "On a très peu évolué", a déploré Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière. "Nous sommes quasiment au point où nous étions au mois de juillet", a-t-il poursuivi, estimant que les négociations n'avaient pas permis de faire bouger les lignes et qu'aucune des questions posées par les syndicats n'avait trouvé de réponse.
Sur la table des négociations, quatre principaux chantiers que le Premier ministre envisage de rouvrir dès janvier : la pénibilité, les transitions vers le régime unique de retraites, le minimum contributif et les fins de carrière. Insuffisant, selon les syndicats. Edouard Philippe dit vouloir travailler à un système de pénibilité plus généreux et qui pourrait s'ouvrir aux fonctionnaires. Il a également précisé que la retraite progressive pourrait être simplifiée et élargie aux cadres au forfait et à la fonction publique. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a été chargée de travailler à des dispositifs concrets pour les seniors exerçant des "métiers qui usent". Agnès Buzyn, sa collègue de la Santé, doit, elle, se pencher sur l'aménagement des fins de carrière à l'hôpital.
Edouard Philippe a également annoncé la "mise en place de mesures favorisant la progressivité de la mise en œuvre de la réforme et le respect des droits acquis" des agents de la SNCF "au statut". Concernant la RATP, les "avancées sont sur la table". Néanmoins, "le gouvernement ne reviendra pas sur la suppression des régimes spéciaux", a expliqué le Premier ministre.
Parce que l'âge d'équilibre est maintenu mais il y a des "marges de manœuvre"
"Les discussions de ces derniers jours ont permis des avancées concrètes", a donc assuré Edouard Philippe lors de sa conférence de presse. Pourtant, la question de l'âge d'équilibre – cruciale pour les syndicats – n'a pas été l'objet d'un compromis. Le gouvernement souhaite introduire cet "âge pivot" dès 2022 pour inciter à travailler plus longtemps et équilibrer les comptes.
Le Premier ministre a réaffirmé qu'il ne souhaitait pas une "baisse des pensions" ou une "hausse du coût du travail" par une augmentation des cotisations. "Ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait que l'âge d'équilibre" comme mesure budgétaire, a-t-il ajouté. "Il y a des marges de manœuvre, elles ne sont pas immenses, nous le savons tous, mais elles existent ; je propose et je redis ma proposition aux organisations syndicales d'en discuter" en janvier, a-t-il ajouté. "La préoccupation d'équilibre financier est largement partagée par de nombreux partenaires sociaux même si les approches peuvent être différentes, j'ai écouté et entendu les critiques", a-t-il par ailleurs assuré.
Le patron de la CFDT, Laurent Berger, a reconnu, à ce sujet, "une volonté de dialogue" et même "quelques ouvertures" mais sa position est restée ferme sur "la question de l'âge d'équilibre, où il y a un désaccord" entre la CFDT et le gouvernement. "Il y a un désaccord sur la temporalité qui consiste à dire qu'il y aura besoin urgemment de mesures punitives pour les travailleurs et un désaccord sur la méthode elle-même", a déclaré le secrétaire général de la centrale réformiste.
Parce que les négociations doivent reprendre en janvier
Edouard Philippe a donc invité tous les partenaires sociaux à se réunir à nouveau à Matignon "dans les premiers jours de janvier". "Nous consulterons les partenaires sociaux et je proposerai, mi-janvier, une méthode qui nous permettra soit d'atteindre un accord qui pourrait se substituer à la solution que j'ai proposée, soit, à tout le moins, d'améliorer celle-ci en tenant compte des propositions des syndicats", a-t-il déclaré.
Une proposition acceptée par la CFDT. "On ira, on travaillera, mais il y a un point dur qui est cette question de recherche de l'équilibre à court terme, donc on en est là ce soir", a commenté Laurent Berger. Il a néanmoins douté qu'un accord différent puisse être trouvé, compte tenu "du cap fixé et de cet âge d'équilibre".
Des doutes partagés par Yves Veyrier de FO, pour qui le calendrier laisse, de toute façon, peu d'espoir de changement majeur. "Peu de temps reste pour discuter. Il faut appuyer sur le bouton stop, mettre de côté cette très mauvaise idée et alors seulement, on pourra négocier", a-t-il déclaré.
Parce qu'une nouvelle journée de mobilisation est déjà annoncée
"La CGT évidemment ne partage pas ce projet, donc au nom de l'intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU), je peux vous annoncer qu'une prochaine journée interprofessionnelle d'action aura lieu le 9 janvier prochain", a lancé Philippe Martinez dès sa sortie de Matignon. Dans un communiqué, l'intersyndicale prévient que cette date est arrêtée "au-delà des initiatives d'ores et déjà programmées et sans trêve jusqu'à la fin de l'année 2019".
Interrogé sur la participation de la CFDT à cette nouvelle journée d'action, Laurent Berger a répondu : "Nous n'avons pas appelé [à manifester] le 9 janvier". Néanmoins, "la CFDT a très clairement dit aujourd'hui, lors de son bureau national, que si, début janvier, cet âge d'équilibre était toujours dans l'horizon, nous aurions des initiatives".
Du côté des transports, la CGT-Cheminots, premier syndicat à la SNCF, "continue" la grève, tandis que l'Unsa ferroviaire, deuxième syndicat de la branche, "appelle à une pause pour les vacances scolaires". "Deux actions sont programmées : le Noël des grévistes et des rassemblements le 28 décembre", a précisé la CGT-Cheminots.
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