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Réforme des retraites : quatre questions sur les omissions de Jean-Paul Delevoye dans sa déclaration d’intérêts

Selon "Le Monde", le haut-commissaire aux retraites a omis d'indiquer son mandat de président de l'Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France et celui de membre du conseil d'orientation de l'Institut de recherche et débat sur la gouvernance.

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Le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, le 10 décembre 2019 à Paris. (BENOIT TESSIER / REUTERS)

La liste continue de s'alourdir pour Jean-Paul Delevoye. Déjà pointé du doigt pour avoir occupé des postes d'administrateur bénévole à la Fondation SNCF et dans une école de formation aux métiers de l'assurance (Ifpass services), le haut-commissaire aux retraites a également omis de déclarer au moins deux fonctions à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HAVTP), révèle Le Monde, samedi 14 décembre.

Une série de révélations qui ébranle l'une des figures de la réforme des retraites portée par le gouvernement.

1Comment a débuté l'affaire ?

Jean-Paul Delevoye a été mis en cause, lundi par Le Parisien, pour ses activités rémunérées au sein du think tank Parallaxe de HEP Education, qui dépend du groupe IGS (qui a fusionné en 2016 avec l'Ifpass pour donner Ifpass services). Ce poste de président d'honneur lui a notamment assuré des revenus de 64 420 euros net en 2018 et 2019 (5 368 euros net par mois), comme l'a signalé lui-même l'intéressé dans sa déclaration disponible en ligne.

En tant que haut-commissaire à la réforme des retraites depuis 2017, Jean-Paul Delevoye n'avait aucune interdiction d'être rémunéré à ce titre, mais son entrée officielle au gouvernement, le 3 septembre dernier, a changé la donne. L'article 23 de la Constitution prévoit en effet que les fonctions de membre du gouvernement sont "incompatibles avec l'exercice (…) de toute activité professionnelle". Après de premiers articles parus dans la presse, Jean-Paul Delevoye a démissionné de Parallaxe et ajouté qu'il rembourserait l'intégralité des sommes perçues à ce titre depuis 2017, soit 140 000 euros.

2Quelles sont les nouvelles révélations du "Monde" ?

Le quotidien a trouvé la trace d'au moins deux autres activités bénévoles qui auraient mérité de faire l'objet d'une déclaration auprès de la HATVP. Jean-Paul Delevoye est ainsi président de l'Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France, qui a pour but d'améliorer la visibilité et la transparence des marchés publics régionaux. Ce mandat lui offre donc un regard sur les investissements locaux et, à ce titre, il aurait dû figurer dans la déclaration d'intérêts de l'ancien ministre de la Fonction publique (entre 2002 et 2004), déposée le 15 novembre dernier.

Par ailleurs, Jean-Paul Delevoye est membre du conseil d'orientation de l'Institut de recherche et débat sur le gouvernance (IRG), un think tank "peu actif depuis 2018", qui dépend de la Fondation Charles-Léopold-Mayer pour le progrès de l'homme. Celle-ci a pour objet de "financer des recherches et des actions qui concourent au progrès de l'homme par les sciences et le développement social", précise Le Monde, qui ajoute que ces thématiques sont "suffisamment larges pour qu'elles soient signalées".

Le quotidien ajoute que cette liste n'est sans doute pas exhaustive et écrit par exemple que Jean-Paul Delevoye était encore cité en 2018 comme président de la coalition "Divisons les délais administratifs par deux", une structure adossée à une agence de communication, "40 degrés sur la banquise". Contacté par Le Mondel’entourage de Jean-Paul Delevoye a confirmé l'existence de tous ces mandats et reconnaît qu'ils auraient dû être déclarés à la HATVP.

3Jean-Paul Delevoye a-t-il commis d'autres oublis ?

Ces fonctions évoquées par Le Monde s'ajoutent à deux autres activités bénévoles déjà parues dans la presse. Jean-Paul Delevoye a en effet omis de préciser qu'il était membre depuis 2016 du conseil d'administration de la Fondation SNCF, a appris franceinfo, confirmant une information de Capital. La Fondation a toutefois expliqué qu'elle n'avait pas d'influence sur la direction de la compagnie ou la stratégie de l'entreprise, car son périmètre se limite à du mécénat sur des projets associatifs dans les "domaines de l'éducation, la culture et la solidarité".

Mais le haut-commissaire aux retraites n'avait pas non plus mentionné sa fonction d'administrateur bénévole dans un institut de formation de l'assurance (Ifpass), un secteur qui convoite l'épargne retraite des Français. Il avait alors reconnu "une omission par oubli", avant de démissionner de sa fonction pour "clore toute polémique". Malgré cela, l'association anticorruption Anticor a demandé à la HATVP de saisir la justice, et la Haute Autorité pourrait se prononcer sur ce point le 18 décembre, lors d'une réunion de son collège.

Dans leurs déclarations d'intérêts, les membres du gouvernement sont tenus de remplir la case n°6 prévue pour faire apparaître les "fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts". Jean-Paul Delevoye a bien noirci cet espace mais il s'est contenté d'évoquer ses fonctions de président de la Chartreuse de Neuville-en-Montreuil (un monastère du Pas-de-Calais) et de président de l'Association française des orchestres.

4Ces affaires fragilisent-elles sa situation au gouvernement ?

Jean-Paul Delevoye n'exclut pas de démissionner pour préserver la réforme des retraites dont il est l'artisan et qui est contestée de toutes parts. "Oui, j'y ai pensé", a-t-il déclaré à Libération"Ce n'est pas à moi de juger mais si j'estimais, à un moment, que je suis devenu un sujet de fragilité, j'en tirerais les conséquences car (...) le projet est plus important que la personne", a assuré le haut-commissaire.

Pour l'heure, toutefois, cet ancien chiraquien appelé aux côtés d'Emmanuel Macron en septembre 2017 semble encore disposer d'un crédit à Matignon. Défendant "un homme qui a une grande rectitude, une grande droiture" et "n'a jamais tenté de dissimuler quoi que ce soit", la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a notamment souhaité "qu'il reste au gouvernement" pour "mener à son terme" la réforme des retraites. Et le Premier ministre, Edouard Philippe, lui-même, a assuré au Parisien que, de son point de vue, "la bonne foi de Jean-Paul Delevoye est totale".

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