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Réformes des retraites : comment Les Républicains essayent de "repositionner le parti"

Article rédigé par Lola Scandella
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Olivier Marleix, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, photographié dans l'hémicycle le 7 février 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Le parti, présidé par Eric Ciotti, peine à parler d'une seule voix et à se décider sur la ligne à adopter face au projet du gouvernement. Derrière ces débats, différentes visions de ce que doit incarner la droite s'affrontent au sein des Républicains.

Comment faire preuve de cohérence et respecter son histoire, sans faire preuve d'allégeance à un exécutif dont il entend se distinguer ? Voilà la question existentielle qui travaille ces derniers jours le parti Les Républicains, théâtre d'une lutte interne pour retrouver son unité. Alors que la bataille des retraites s'est engagée à l'Assemblée, lundi 6 février, la majorité compte sur les élus du parti de droite pour faire adopter son texte. Le Rassemblement national ne se prive pas de dénoncer ce soutien, accusant LR d'être "une béquille" du gouvernement. Le couloir politique est donc étroit pour une droite qui veut à la fois montrer qu'elle est capable de trouver des compromis avec le parti présidentiel, tout en restant dans l'opposition.

"Il faut savoir faire preuve d'adaptation" 

A plusieurs reprises, ces dernières semaines, Eric Ciotti, le patron des Républicains, a déploré "la brutalité" du projet de loi du gouvernement, se félicitant que la droite ait "atténué" la réforme en réclamant le report de l'âge légal de départ à 64 ans plutôt qu'à 65 ans mais aussi la revalorisation des petites pensions pour les retraités actuels et des petits gestes en faveur des carrières longues. Un positionnement qui a pu surprendre dans l'Hémicycle.

"C'est amusant d'avoir l'impression que Monsieur Ciotti est devenu l'aile gauche de la macronie."

Clémentine Autain, députée de La France insoumise

citée par l'AFP

Il n'y a pas si longtemps, certains portaient en effet au sein de LR un tout autre discours sur le sujet. "Je défendrai la retraite à 65 ans", écrivait Eric Ciotti, sur Twitter, en novembre 2021, se voulant le défenseur de la "valeur travail" chère à la droite depuis longtemps. Lors des deux dernières élections présidentielles, les candidats de la droite, François Fillon en 2017, puis Valérie Pécresse en 2022, revendiquaient eux aussi un report de l'âge légal de départ à 65 ans. Cette dernière avait d'ailleurs Aurélien Pradié pour porte-parole. Le député du Lot, qui affirmait en 2019 être favorable à la retraite à 64 ans, est aujourd'hui engagé dans un bras de fer avec Elisabeth Borne sur la question des carrières longues. Il assure qu'il ne votera pas la réforme en l'état.

Déboussolée, la droite ? Dans les rangs des Républicains, on veut au contraire prouver que le parti fait preuve de cohérence. "Nous sommes très attachés au système par répartition", souligne la députée Véronique Louwagie, insistant sur la nécessité de réformer le système de retraite. "Pour autant, nous sortons d'une crise sanitaire, nous vivons une crise énergétique importante, il faut savoir faire preuve d'adaptation", estime-t-elle, jugeant le seuil de 64 ans "plus acceptable" que les 65 ans initialement envisagés par le gouvernement et, il y a encore peu de temps, par une partie de la droite.

"On se retrouve à la remorque du macronisme"

D'autres députés LR soulignent par ailleurs la volonté d'harmonisation de la ligne du groupe à l'Assemblée avec celle des sénateurs LR, qui réclament de leur côté un départ à 64 ans depuis plusieurs années, alors que la loi fixe actuellement le seuil à 62 ans. "Le vrai sujet, c'est d'arriver à être cohérents aujourd'hui. Il y a eu une négociation au sein du groupe, puis avec le gouvernement. Je pense que nous sommes arrivés à un point d'atterrissage qui doit être respecté", appuie le député Alexandre Vincendet. 

"Ce qui se joue aussi, c'est notre capacité à rester un parti de gouvernement, c'est notre crédibilité."

Alexandre Vincendet, député LR du Rhône

à franceinfo

"On se retrouve à être la remorque du macronisme, grince de son côté un parlementaire LR. On s'est fait imposer le tempo et les conditions de la réforme." La question du vote LR risque d'en amener une autre concernant "l'identité même du parti", expose le politologue Olivier Rouquan, chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa). "Le parti apporte son soutien au gouvernement, et indirectement à Emmanuel Macron, sur un dossier important. Il y aura sans doute ensuite une volonté de se démarquer", estime-t-il.

"La gauche n'a pas le monopole des questions sociales"

Mais pour le moment, ce sont surtout les divisions entre les députés LR qui émergent. D'un côté, se dessine une ligne plutôt satisfaite des avancées obtenues, portée par Eric Ciotti et Olivier Marleix, le respectivement président du parti et président du groupe LR à l'Assemblée. De l'autre, des députés "frondeurs", rassemblés autour d'Aurélien Pradié, qui font planer le doute sur leur intention de voter ou non le texte.

Ces derniers réclament que les personnes ayant cotisé un trimestre avant 21 ans puissent partir à 64 ans alors que le dispositif "carrière longue" impose pour le moment cinq trimestres. De quoi agacer plus d'un de leurs collègues. "A force de réclamer toujours plus de compromis, on va finir par ne plus être crédibles", craint un député, faisant référence à la concession d'Elisabeth Borne sur l'élargissement du dispositif de carrière longue à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans.

"Certains dans nos rangs défendent des idées du PS !"

Jean-François Copé, maire de Meaux

dans "Le Parisien"

"La gauche n'a pas le monopole des questions sociales, répond le député Xavier Breton. Il y a un courant majoritaire à droite qui porte à la fois ses responsabilités, ce qui implique de ne pas être dans la surenchère au niveau de la contestation de la réforme, mais qui a une composante sociale importante", expose-t-il. 

"La droite, ce n'est pas défendre les riches. Et ceux qui le pensent n'ont qu'à rejoindre Emmanuel Macron."

Xavier Breton, député LR de l'Ain

à franceinfo

Derrière ces divisions, "il y a aussi une prise de conscience du rétrécissement de la base électorale de LR", analyse Olivier Rouquan. Le score des Républicains au premier tour de la présidentielle (4,78%), peut en témoigner. En 2017, malgré l'affaire des emplois fictifs de son épouse, François Fillon avait récolté 20,01% des suffrages. Depuis, une partie des voix de la droite s'est déportée vers Emmanuel Macron ou Marine Le Pen. La gauche, notamment La France insoumise, est également parvenue à attirer à elle le vote d'une partie des classes populaires. Autant d'électeurs perdus qu'il s'agit de reconquérir pour LR.

"Il y a eu, du temps du gaullisme, du chiraquisme, une droite qui parvenait à toucher des jeunes, et surtout une partie des classes moyennes, moins fortunées. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, poursuit le politologue. On voit bien, avec la réforme des retraites, que les propositions trop libérales ne sont pas acceptées par cet électorat des classes moyennes et populaires. Et même par une grande partie des Français." Et un député des Républicains d'admettre l'enjeu sous-jacent : "On essaie de repositionner le parti."

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