: Vrai ou faux Réforme des retraites : Laurent Berger a-t-il proposé d'allonger la durée du travail lors du dernier congrès de la CFDT ?
Le baiser de la mort pour Laurent Berger ? Alors que les manifestations se poursuivent contre la réforme des retraites, désormais adoptée, le président Emmanuel Macron a mis en cause le comportement des organisations syndicales, fermement opposées au report de l'âge légal de départ à 64 ans et à l'allongement de la durée de cotisation, lors de son interview à France 2 et TF1, mercredi 22 mars.
Estimant que les syndicats n'avaient pas proposé de "compromis" sur la réforme, il a regretté que "le secrétaire général de la CFDT", qui "était allé devant son congrès en proposant d'augmenter les durées" de travail, n'ait "pas été suivi" par son organisation. Laurent Berger "avait cette volonté de faire travailler davantage. Il nous aurait proposé un compromis", a avancé Emmanuel Macron.
"Déni et mensonge !" a rétorqué Laurent Berger sur Twitter. Interrogé par l'AFP, le patron de la CFDT a précisé que son tweet visait notamment l'affirmation selon laquelle il aurait proposé au congrès d'allonger la durée de cotisation. "C'est faux. La CFDT disait que c'était le levier le plus juste", a-t-il assuré. Alors, qui du chef de l'Etat ou du leader syndical dit vrai ? Ou "fake" ? Franceinfo fait le point.
Une augmentation de la durée de travail "peut" être justifiée
Lors du congrès de la CFDT, à Lyon, en juin 2022, la direction du syndicat a été contrainte, par un vote interne, de durcir le passage de sa résolution générale concernant sa position sur le dossier des retraites. A l'époque, Emmanuel Macron a déjà abandonné son premier projet de réforme, qui voulait créer un système universel, à points, et auquel la CFDT était en grande partie favorable. Mais le président avait fait savoir, durant la campagne présidentielle, qu'il remettrait le sujet d'une réforme sur la table. D'où la nécessité, pour la CFDT, de déterminer sa position, à l'aube de nouvelles concertations avec l'exécutif.
"De 2003 à 2013, la CFDT a assumé ses responsabilités" sur les retraites, rappelle Laurent Berger au début du congrès (PDF, page 9). Le syndicat a fait "le choix d'agir sur la durée d'activité", c'est-à-dire d'accepter un allongement de la durée du travail, en contrepartie de "mesures de justice sociale, notamment en matière de pénibilité, de carrières longues, de droits pour les plus précaires". Historiquement, le syndicat a toujours négocié avec les gouvernements successifs depuis vingt ans sur les différentes réformes des retraites, comme le résume Le HuffPost.
En 2022, le projet de résolution initiale du syndicat (PDF, page 76) mentionne donc que "l'allongement de l'espérance de vie peut justifier une augmentation de l'âge moyen de liquidation" des droits à la retraite. Une position en accord avec celle du syndicat ces dernières années. Si la durée de travail doit être allongée, la CFDT "privilégie l'allongement progressif de la durée de cotisation, comme dans la loi Touraine de 2014".
Le texte détaille en revanche l'opposition du syndicat au report de l'âge légal, considéré comme "une mesure injuste et inacceptable, car elle ne tient pas compte de ceux qui ont commencé à travailler tôt". Il ajoute que l'allongement de la durée de travail doit s'accompagner de droits nouveaux, sur "la réparation de la pénibilité", "en premier lieu les droits au temps partiel et au départ anticipé". Il demande également un engagement accru des entreprises pour améliorer "l'emploi des seniors".
Une position durcie par les participants au congrès de la CFDT
Cette formulation provoque néanmoins des remous lors du congrès. Après un débat, les délégués adoptent un amendement (PDF, page 142) affirmant que "l'allongement de l'espérance de vie ne peut justifier une augmentation de l'âge moyen de liquidation", prenant le contre-pied de la formulation initiale.
En clair, la position de la CFDT sur les retraites a effectivement évolué après le congrès de juin 2022, comme le laisse entendre Emmanuel Macron. Néanmoins, la direction du syndicat ne défendait pas la nécessité d'allonger la durée de travail, elle y voyait une option à considérer au regard de l'évolution de l'espérance de vie. Aujourd'hui, l'intersyndicale la refuse. Côté méthode, la CFDT se prononçait pour un allongement progressif de la durée de cotisation, et non un recul de l'âge légal de départ à la retraite, comme le rappelle Laurent Berger aujourd'hui. Dans la réforme actuelle, les deux leviers ont été mobilisés.
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