Journée de mobilisation interprofessionnelle : on vous explique la notion de "grève préventive"
Alors que la CGT fait front dans les raffineries TotalEnergies et dans la rue, mardi, pour réclamer une hausse des salaires, de nombreuses voix dénoncent "une grève préventive" avant même l'ouverture des négociations salariales. Ce concept ne s'appuie pourtant sur aucun cadre légal ou juridique.
C'est devenu un élement de langage, presque un concept. Du gouvernement à la CFDT, de nombreuses voix ont appelé, ces derniers jours, la CGT à cesser une "grève préventive". Cette expression est utilisée pour qualifier le mouvement social qui se poursuit chez TotalEnergies dans les équipes de raffinage et de dépôt de carburant, celui qui gagne du terrain dans les centrales nucléaires, mais aussi la journée de mobilisation du mardi 18 octobre à l'initiative de plusieurs syndicats, dont la CGT et FO, pour une hausse des salaires et la défense du droit de grève.
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"La CFDT n'est pas tellement pour les grèves préventives. Elle est pour agir au moment où l'on discute sur le sujet", a ainsi déploré le 8 octobre sur France Inter son secrétaire national, Laurent Berger. De son côté, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, sur BFMTV le 9 octobre, a trouvé "normal que les salariés de TotalEnergies réclament de tirer parti" des bénéfices de l'entreprise, mais "inacceptable que ces mêmes salariés, sous la demande et la contrainte de la CGT, fassent des grèves préventives qui ont un impact sur les Français".
En grève avant l'ouverture des négociations salariales
Au JT de 20 heures de TF1, dimanche, Elisabeth Borne a de son côté déploré le mouvement de grève dans des centrales nucléaires d'EDF. "Aujourd'hui, rien ne justifie une grève préventive alors que des négociations salariales s'ouvrent mercredi [19 octobre]." Que faut-il lire derrière ce concept de "grève préventive" ? Celles et ceux qui répétent cette expression sur les plateaux de télévision regrettent, en réalité, que les syndicats se mettent en grève avant l'ouverture des négociations salariales, prévues pour la fin d'année.
La CGT, qui réfute le concept, évoque pour justifier la mobilisation de mardi une manifestation pour "l'augmentation des salaires et la défense du droit de grève", selon son communiqué, alors que plusieurs salariés ont été réquisitionnés par l'Etat pour faire fonctionner les raffineries dans le contexte de pénurie de carburant. Pour le mouvement social chez TotalEnergies qui dure depuis fin septembre, la CGT estime qu'elle n'anticipe pas les négociations salariales pour 2023, mais qu'elle réclame l'ouverture de "négociations de rattrapage" sur l'année 2022 et une hausse des salaires de 10%.
La loi ne mentionne pas la "grève préventive". "Elle n'est pas reconnue dans le droit du travail, c'est plutôt une notion politique, journalistique", avance Xavier Aumeran, professeur de droit privé et spécialiste du droit du travail à l'université des Antilles. "D'un point de vue du droit, il n'y a pas de lien entre la temporalité des négociations salariales et le droit de grève", ajoute-t-il.
"Une arnaque sémantique"
"La grève est l'exercice d'une liberté. Ce sont les salariés qui décident à quel moment ils l'exercent et selon quelles modalités. Le concept de 'grève préventive' est une restriction à la liberté de grève : il induit que le moment de celle-ci serait encadré et qu'elle ne serait légitime qu'en cas d'échec d'une négociation préalable alors que la grève est également un outil de construction du rapport de force en vue de négocier", écrivait de son côté le syndicat des avocats de France, classé à gauche, dans un communiqué le 13 octobre.
Savine Bernard, avocate spécialiste du droit du travail qui défend la CGT dans le dossier des réquisitions de salariés, fustige elle "une arnaque sémantique, un concept dangereux". "C'est l'idée qu'il y a un moment où la grève devait être déclenchée. Ce n'est pas aux patrons ou au gouvernement de dire quand il y a grève, cela sous-entendrait qu'il faudrait leur bénédiction."
Le droit de grève, inscrit dans la Constitution, doit seulement réunir certaines conditions pour être constitué : un arrêt total et collectif du travail et des revendications professionnelles. Ces doléances peuvent porter sur le salaire, les conditions de travail ou les droits des salariés, et s'inscrivent dans un cadre légal et strict comme l'explique le site vie-publique, notamment dans le public (préavis de grève de cinq jours, interdiction d'une grève tournante ou politique, etc.).
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