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Reportage "Venez en juin ou en octobre !" : comment Bonifacio, en Corse, tente de lutter contre le surtourisme

Dans cette citadelle perchée en haut d'impressionnantes falaises de calcaire, les autorités veulent agir avant que la surfréquentation ne fasse fuir les touristes ou ne dégrade trop la nature.
Article rédigé par franceinfo, Agathe Mahuet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Une plage des îles Lavezzi, au sud de la Corse, très fréquentée en période estivale. (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Quand les touristes viennent à Bonifacio, ils se régalent devant ces paysages qui semblent sortis d'un guide de voyage. "C'est magnifique. Moi, je trouve ça spectaculaire", "la nature fait de belles choses", peut-on entendre dans les rues de la ville. Sauf qu'en plein été, les plages se remplissent, les routes s'encombrent, et la carte postale n'a plus la même couleur. Alors, sans attendre la présentation du plan du gouvernement, la mairie de Bonifacio a déjà commencé à réfléchir à un plan de lutte contre la surfréquentation sur la pointe corse.

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À commencer par l'office du tourisme, qui va changer son site internet et ses brochures à la rentrée prochaine, pour convaincre les visiteurs de décaler leur voyage. Inciter au tourisme en demi-saison est aussi une manière de découvrir Bonifacio un peu différemment, selon Roxana Piriottu, la présidente de l’office de la ville.

Les falaises de calcaire de Bonifacio attirent les touristes. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

"Le soleil d'hiver, par exemple, est magnifique et ce n'est pas du tout le même soleil que l'été. Et ça peut être aussi, des images avec un ciel gris où il y a vraiment de la poésie et où ça peut être très joli." Elle l'assure, l'idée n'est pas d'"abîmer l'image de Bonifacio", mais montrer que ce n'est pas "que ça, une image de carte postale".

"Il faut laisser comme c'est" 

Mais le changement se fait à petits pas, par petites touches, car le sujet irrite facilement les professionnels de l'hôtellerie-restauration. Il suffit de poser la question à Alexandre, qui tient depuis 1993 une auberge dans la haute ville de Bonifacio. Son restaurant est plein tous les jours, et il ne souhaite pas du tout avoir moins de clients durant l'été.

"Non, non, non, il faut laisser comme c'est. De toute façon, on est là pour travailler l'été et l'hiver, on se repose. Il faut avoir du monde. Le jour où il n'y aura personne, tout le monde va rouspéter !" D'autant que les touristes eux-mêmes ne sont pas forcément partants pour l'instant à l'idée de revenir avec un petit pull sur le dos."La saison estivale pour la Corse, c'est quand même la chaleur et les plages, avoue une touriste, donc venir ici en février ou en janvier, je pense que ce ne sera pas la même."

Des quotas pour limiter le nombre de visiteurs

Pourtant, certains se rendent bien compte que cela devient difficile ici l'été, en particulier sur les îles Lavezzi, la réserve naturelle de Bonifacio, victime de son succès. Ce visiteur avait loué un bateau pour se rendre sur les îles, mais une fois sur place il a été un peu déçu.

Le port de Bonifacio et ses nombreux nombreux yachts. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

"C'était l'autoroute déjà pour y aller et ensuite c'était un peu surpeuplé là-bas, dans les zones de mouillage. Donc je pense qu'il y a un moment aussi où il faut préserver la nature. Si on peut effectivement étaler et que les gens soient un peu plus respectueux de l'élément naturel, ce serait pas mal aussi."

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Et c'est justement ce qui pousse les autorités locales à préparer des quotas pour accéder à l'archipel Lavezzi à partir de 2024. Jean-Charles Orsucci, le maire de Bonifacio explique : "Sur les îles Lavezzi, on ne peut pas déverser à l'infini. On était à 300 000 visiteurs par an. On est peut-être même déjà monté un peu trop haut. L'idée c'est de revenir à 200 000 ou 250 000. Mais on ne peut pas aller vers 300 000, 400 000 ou 500 000 personnes."

"Venez en juin ou en octobre !"

Jean-Charles Orsucci

à franceinfo

Le surcoût environnemental serait trop important. Mais là encore, le maire ne veut brusquer personne. "Je pense sincèrement qu'il y a des choses, souvent, il faut les faire, mais il ne faut pas forcément les dire. J'ai bien senti que ce qui gênait, c'est que dans cette petite musique, ça voulait peut être dire le touriste n'est pas bienvenu en Corse et je pense qu'il ne faut pas véhiculer cela."

En revanche, "venez en juin ou en octobre", ça "oui, on peut le dire", conclut Jean-Charles Orsucci, qui souhaite communiquer de cette façon à l'avenir.

Corse : Bonifacio confrontée au surtourisme - Reportage d'Agathe Mahuet

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