Crash en Colombie : comment d'autres équipes de sportifs se sont reconstruites après une catastrophe aérienne
Avant le crash de l'avion transportant l'équipe brésilienne de Chapecoense, d'autres équipes, de Manchester United au Torino, ont dû surmonter une catastrophe aérienne.
L'avion, qui transportait 77 personnes, s'est écrasé à 50 kilomètres de Medellin, en Colombie, mardi 29 novembre. Seuls six occupants de l'appareil ont survécu au crash, dont trois joueurs de l'équipe brésilienne de football de Chapecoense, qui faisait le déplacement pour disputer la finale aller de la Copa Sudamericana, l'équivalent de la Ligue Europa dans le continent sud-américain. Par le passé, d'autres équipes ont été décimées par des catastrophes aériennes. Franceinfo vous raconte comment elles ont tenté de se reconstruire.
1993 : le foot zambien est brisé pour une génération
Le crash. Le 27 avril 1993, l'avion de l'équipe de Zambie s'écrase au large du Gabon. Aucun survivant n'est retrouvé près des débris de l'appareil, un zinc de l'armée loué à moindre coût par une fédération fauchée. Le pilote, aux commandes depuis près de vingt heures, avec des escales interminables au Malawi, aurait coupé le mauvais moteur à l'approche de l'aéroport. C'est la conclusion d'un rapport sur le crash, publié en 2003. L'équipe la plus prometteuse du continent africain, qui fonçait vers une victoire à la Coupe d'Afrique des nations (CAN), est disloquée. "Nous étions prêts pour la Coupe du monde", raconte à The Independent (en anglais) Kalusha Bwalya, un attaquant qui a échappé au crash parce qu'il avait été obligé de prendre un autre avion.
Après le crash. Le pouvoir politique zambien a été prompt à surfer sur l'émotion suscitée par la mort des "héros". D'abord la colère contre le Gabon, puisque c'est un arbitre gabonais qui prive de Mondial une équipe constituée de rescapés. Ajoutez à cela des manifestations à Libreville contre les Zambiens qui squattent les morgues au détriment des morts gabonais (si, si...), et les relations entre les deux pays se tendent. Le mot "Gabon" devient pratiquement une insulte en Zambie. Les enfants gabonais apprennent même une chanson aux paroles délicates, rappelle The National (en anglais) : "Papa Omar [Bongo] a eu les Zambiens, maintenant fais attention, sinon il t'attrapera à ton tour."
Une levée de fonds permet de rassembler 500 000 dollars pour indemniser les veuves et bâtir un mémorial aux héros. Un an plus tard, les tombes, installées en demi-cercle devant le stade national, sont battues par les vents, les pots de roses en plastique sont renversés, et la grande affiche représentant les victimes est délavée par le soleil, raconte le New York Times (en anglais). D'après une enquête, les sommes récoltées ont surtout fini dans les poches des hiérarques locaux. Pire : le gouvernement refusera d'avancer un centime pour commémorer les dix ans de la catastrophe, indiquait la BBC (en anglais) en 2003.
Le système zambien permet pourtant d'aligner immédiatement une équipe compétitive. Dans un pays grandement dépendant de l'industrie du cuivre, les compagnies minières sont obligées de sponsoriser des équipes de foot, et de former des jeunes joueurs. Le pays atteint, à la surprise générale, la finale de la Coupe d'Afrique 1994, mais le redressement est fugace. La chute du cours du cuivre réduit les moyens alloués au sport et entraîne dans son sillage le niveau du championnat. La Zambie redevient durablement une nation de seconde zone. Il faudra attendre la CAN 2012, organisée au... Gabon, pour que la Zambie décroche le premier trophée de son histoire.
1958 : le foot européen tend la main à Manchester United
Le crash. De retour d'un match européen à Belgrade, l'avion qui transporte l'équipe de Manchester United fait escale à Munich. Ce soir de février 1958, il fait très froid et le sol de la piste est enneigé. Des conditions fatales à l'appareil, qui s'écrase sur le tarmac. Une poignée de passagers s'en sortent : le coach, Matt Busby, la star de l'équipe, Bobby Charlton, mais pas huit des 11 titulaires.
L'après-crash. L'émotion est immense dans toute l'Europe du football et les propositions d'aide affluent. L'ennemi juré, Liverpool, est le premier à offrir gratuitement aux Red Devils cinq joueurs de son équipe première, dont le club de la Mersey payait intégralement les salaires. Le manager d'Aston Villa pousse littéralement un de ses joueurs, Stan Crowther, chez les Mancuniens. "Une heure avant le coup d'envoi, il signait", se souvient Jimmy Murphy, l'assistant de Matt Busby, devenu entraîneur par intérim. Treize jours après le crash, ce dernier parvient à monter une équipe de bric et de broc qui, surmotivée, remporte son match face Sheffield Wednedsay : 3-0.
Même le puissant Real Madrid déploie ses considérables moyens. Le président du club, Santiago Bernabéu, a apprécié l'ambiance du stade d'Old Trafford. Il demande que la Coupe des champions soit attribuée au club anglais et invite les joueurs blessés à venir se soigner dans les installations cinq étoiles madrilènes, raconte John Ludden dans son livre A Tale of Two Cities: Manchester and Madrid 1957-1968. Il souhaite même leur prêter, pour une misère, son meilleur joueur, Alfredo Di Stefano, mais le transfert est bloqué par la fédération anglaise, arguant que le sportif "volait potentiellement la place d'un joueur anglais". Le Real organisera même des matchs amicaux au bénéfice des Mancuniens pour "redonner à Old Trafford le goût de la Coupe d'Europe."
1972 : le rugby sauve les rescapés du crash des Andes
Le crash : le 20 décembre 1972, un avion militaire transportant l'équipe uruguayenne des Old Christians s'écrase dans la cordillère des Andes. Le club avait loué l'appareil pour se rendre au Chili pour un match amical et, pour faire baisser le prix des billets, en avait vendu un maximum aux proches des joueurs. Seulement 16 passagers sur 45 survivront à un enfer de 72 jours au milieu de la neige, à 3 000 mètres d'altitude, après avoir été obligés de manger leurs compagnons d'infortune.
"Nous n'y serions pas parvenus au milieu des Andes glaciales si nous n'avions pas été une équipe de rugby entraînée, racontait Nando Parrado, troisième ligne centre des Old Christians, en 2015. Le rugby nous a sauvé la vie. L'humilité liée à ce sport est très importante. La capacité à transférer le commandement aussi. Quand notre capitaine est mort, d'autres ont dû devenir les nouveaux leaders du groupe." Il le disait encore plus crûment en 1978 au Washington Post (en anglais) : "Si nous avions été une équipe de foot, nous serions tous morts."
Après le crash. Trois joueurs ont continué à évoluer au sein des Old Christians. Et la tradition bisannuelle des matchs contre les Old Boys de Santiago du Chili s'est perpétrée, malgré la catastrophe. En 1978, la rencontre a été précédée d'une messe. En 2002, un match anniversaire a rassemblé les rescapés uruguayens et les vétérans chiliens. L'un des survivants a traversé la Cordillère des Andes en voiture – pendant neuf jours – plutôt que de reprendre l'avion. Nando Parrado a continué à jouer pendant onze ans. Un autre rescapé, Gustavo Zebino, est même devenu président de la Fédération uruguayenne de rugby. Le club, lui, a continué comme si de rien n'était une impressionnante série de victoires en championnat dans les années 1970 avant de connaître une longue période de disette, qui lui vaudra d'être comparé à Clermont, autre malchanceux du ballon ovale.
1949 : le Torino reste figé dans le passé
Le crash. Le 4 mai 1949, l'avion du Torino s'écrase sur le mur d'enceinte de la basilique de Superga, sur les hauteurs de Turin. La quasi-totalité de l'équipe, qui revenait d'un match amical à Lisbonne, perd la vie. "Le Torino n'est plus, écrit l'ancien sélectionneur de l'équipe d'Italie Vittorio Pozzo dans la presse locale au lendemain du crash. Il a brûlé, explosé. L'équipe est morte au combat, comme les troupes de choc pendant la guerre, qui quittaient leurs tranchées pour ne jamais revenir." Sous le choc, Vittorio Pozzo trouve les mots justes. C'est lui qui a eu la lourde tâche d'identifier les corps. Le "Gran Torino", quadruple champion d'Italie en titre, constituait l'ossature de l'équipe nationale.
Outros acidentes já chocaram o futebol. Em 1949 o Torino voltava de Lisboa e bateu contra a basílica de Superga, em Turim, matando 31. pic.twitter.com/qWHP16BuuU
— Rafael Gomes (@BlogDoTcheba) 29 novembre 2016
Après le crash. L'Italie faisait figure de favorite pour le Mondial 1950, mais la Nazionale s'embarque pour le Brésil considérablement amoindrie. "S'embarque", car les troupes de Ferruccio Novo traversent l'Atlantique en bateau et pas en avion, superstition oblige. Et les 15 jours de traversée ont des effets calamiteux pour la condition physique des joueurs, sortis de la compétition dès le premier match.
L'enterrement des victimes rassemble 500 000 personnes, dont l'écrivain Dino Buzzati, qui trouve le moyen de pester : "S’il s’agissait de savants ou d’écrivains, personne ne pleurerait…" Le mur de la basilique n'a pas été réparé, pour garder à jamais les stigmates du crash. Ironie de l'histoire, leur vieux stade Filadelfia a failli s'écrouler quelques années plus tard.
Le Torino ne s'est jamais vraiment remis de la catastrophe. Le club est tout de même sacré champion en 1949, les autres équipes alignant par solidarité leurs équipes de jeunes pour conclure la saison. Il affiche toujours le record de titres consécutifs dans le championnat italien (à égalité avec l'ennemi de la Juventus désormais), mais son palmarès n'a pratiquement plus bougé depuis le crash.
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