"Gilets jaunes" : c'est quoi le "référendum des percepteurs" prévu pour l'acte 9 ?
L'objectif est de retirer massivement l'argent des banques, samedi 12 janvier, à 8 heures, afin de faire céder le gouvernement sur le Référendum d'initiative citoyenne (RIC).
En anglais, on dit "bank run" (panique bancaire). L'idée n'est pas nouvelle, mais remise au goût du jour par les "gilets jaunes". Certains membres du mouvement, dont Maxime Nicolle, alias "Fly Rider", appellent à un "référendum des percepteurs" pour l'acte 9 de la mobilisation, samedi 12 janvier. Mais de quoi s'agit-il exactement ?
Un retrait massif d'argent des banques
Voici le concept de l'opération : les Français retirent simultanément des sommes d'argent des banques, afin de paralyser leur fonctionnement. Car lorsque les établissements bancaires n'ont pas suffisamment d'argent liquide dans leurs caisses, ils s'exposent à l'impossibilité de payer leurs frais de fonctionnement et, in fine, à la paralysie. "Le schéma est ensuite classique : si une banque s'écroule, c'est l'ensemble du secteur qui vacille", explique Capital.
L'idée est émise par un certain Tahz San, dans une vidéo mise en ligne sur YouTube lundi 7 janvier. "Nous allons à l'acte 9 faire peur en toute légalité et sans aucune violence (...) par le référendum des percepteurs", énonce-t-il face caméra.
"Que devons-nous faire, concrètement, samedi prochain ?", interroge-t-il peu après. "Nous allons voter devant un distributeur de billets, répond-il. Samedi à 8 heures du matin, montre en main, nous allons tous voter en retirant notre argent. Peu importe que nous retirions 10 euros ou 1 000. (...) Vous avez vos billets dans la main, vous dites : 'a voté' . Tu votes, tu ruines l'Etat, jusqu'à ce qu'il cède sur le RIC. Et il cèdera." Et de conclure : "Je suis 'gilet jaune' et samedi prochain je vote au distributeur."
Peu après la publication de cette vidéo, l'une des figures des "gilets jaunes", Maxime Nicolle, alias "Fly Rider", a salué l'initiative et a appelé les internautes à appliquer le concept. "Tout le monde ira retirer une somme d'argent, le maximum qu'il peut retirer. Sans l'utiliser dans des grands groupes etc. mais plutôt en allant payer en liquide chez des petits commerçants", déclare-t-il à la fin de son Facebook Live lundi. "Votre pouvoir, c'est l'argent qu'il y a sur vos comptes", estime-t-il. "On va retirer notre argent des banques, intime-t-il, suffisamment pour que le gouvernement s'en inquiète."
Une idée qui n'est pas nouvelle...
"L'idée n'est pas de moi, je l'ai juste recontextualisée", indique Tahz San dans sa vidéo. Il cite Coluche comme l'initiateur du concept, mais ce n'est pas exact. Selon Capital, les premiers exemples qui jalonnent l'histoire datent de 1797, "lorsque les Anglais avaient tenté de retirer leurs économies après des rumeurs annonçant une invasion prochaine des troupes françaises".
Le magazine rappelle également que le "bank run" s'est produit "plusieurs fois dans l'histoire, mais jamais volontairement". "On se souvient de septembre 2007, en pleine crise des subprimes, de la panique qui s'était emparée des clients de la banque britannique Northern Rock, après des rumeurs sur son manque de solvabilité", indique-t-il. Auparavant, il y a eu des précédents aux Etats-Unis en 1907, en 1929, pendant la Grande Dépression, et en Argentine en 2001.
En France, une autre personnalité a déjà porté cette idée : l'ancien footballeur Eric Cantona avait lancé un appel à retirer toutes ses économies des banques, le 7 décembre 2010. "Le système est bâti sur le pouvoir des banques. Donc il peut être détruit par les banques. Au lieu qu'il y ait trois millions de gens dans la rue avec leur machin, ces trois millions de gens vont à la banque, ils retirent leur argent et le système s'écroule. Trois millions ou vingt millions. Et là il y a une vraie menace, une vraie révolution", estimait-il dans une interview accordée à Presse Océan en octobre 2010. Mais l'initiative n'avait pas rencontré le succès escompté par Eric Cantona.
... mais difficile à mettre en œuvre
Pour créer une panique bancaire, il faut que des milliers de personnes se mobilisent. "Pour que cette démarche soit couronnée de succès, il faudrait que des millions de gens retirent leur argent, or personne ne le fera. Car avant d'être un attentat contre le système, une telle initiative représenterait un danger pour les épargnants eux-mêmes", expliquait Nicolas Bazou, économiste du bureau d'analyse Asterès, dans Le Monde, au moment de l'appel d'Eric Cantona.
"Très honnêtement, je pense que la force de frappe des 'gilets jaunes' est trop faible pour déstabiliser le secteur, même à la marge", juge de son côté Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, dans Capital. "Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la peur engendrée chez les épargnants exposés à la rumeur. On constate ce type de comportement chez certains automobilistes lorsqu'ils anticipent une pénurie de carburant avant que celle-ci ait lieu. Ils sont alors nombreux à se ruer dans les stations-service et génèrent eux-mêmes la pénurie tant redoutée", souligne le magazine.
Mais les autorités financières disposent d'outils pour éviter la panique totale, comme la limitation du montant de retrait par jour et par compte. La Grèce, par exemple, avait instauré un contrôle des capitaux fin juin 2015. En pleine crise économique, les retraits étaient limités à 60 euros par jour et par carte bancaire.
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