Gilets Jaunes : "On est plutôt sur la queue de comète du mouvement, avec des gens qui sont assez radicalisés", analyse un chercheur
La rentrée des "gilets jaunes" dans les rues des grandes villes a mobilisé samedi environ 6 000 personnes. Pour Tristan Guerra, co-auteur d’une grande enquête sociologique sur les gilets jaunes, le mouvement mobilise désormais "un public tout à fait différent".
6 000 manifestants ont défilé partout en France lors des rassemblements des "gilets jaunes" de samedi, selon le ministère de l'Intérieur, dont 2 500 à Paris, où des heurts se sont produits avec les forces de l'ordre. "On est plutôt sur la queue de comète du mouvement, avec des gens qui sont assez radicalisés, plutôt à gauche d'ailleurs", analyse sur franceinfo Tristan Guerra, chercheur à Sciences Po Grenoble et au laboratoire Pacte-CNRS, co-auteur d’une grande enquête sociologique sur les gilets jaunes.
franceinfo : Y a t il une évolution entre les rassemblements d'hier, et ceux du plus fort de la mobilisation, en 2018 -2019 ?
Tristan Guerra : Il y a une continuité, mais on peut voir que les enjeux fiscaux sont particulièrement moins présents aujourd'hui que ce qu'ils étaient à l'hiver 2018, même si les enjeux de démocratie directe, de crise économique et de justice sociale et fiscale sont aussi encore toujours présents.
Leur revendication principale, celle d'un meilleur pouvoir d'achat, n'a pas disparue ?
Cela n'a clairement pas disparu. Même si le nombre de personnes dans la rue est beaucoup moins important, tous ces enjeux là, l'idée de pouvoir vivre et non plus seulement survivre de son travail, notamment, toutes ces personnes qui étaient "gilets jaunes" et précaires, qui appartiennent aux haut des classes populaires et au bas des classes moyennes, tout cela n'a pas disparu. Au contraire, dans l'état économique dans lequel se situe aujourd'hui le pays, on peut s'attendre à ce que des gens précaires qui ont perdu leur travail ou qui vont le perdre dans les prochains mois, partagent en fait un certain nombre de revendications des "gilets jaunes".
Certains reprochent aux autorités d'invoquer le Covid-19 pour interdire des rassemblements. Il y a toujours ce sentiment qu'on ne veut pas d'eux ?
C'était un trait caractéristique des "gilets jaunes" : sa très grande défiance dans les autorités politiques. Le fonctionnement de la Cinquième République, fait que, en réalité, même dans une période de crise, les gens continuent de nourrir une très grande défiance. Les "gilets jaunes", logiquement, pensent que les manifestations ont été freinées par le pouvoir en place.
On a longtemps dit qu'il bien distinguer les gilets jaunes lambda et ceux qui viendraient pour casser, est-ce que vous avez constaté que les deux groupes pouvaient être perméables?
Dans un contexte de manifestations, il y a toujours quand même des phénomènes de foule qui se déroulent, qui peuvent effectivement mélanger des gens qui ne sont pas attirés du tout par la violence avec des gens qui sont qui sont là pour en découdre avec les forces de l'ordre. Mais je crois que c'est assez minoritaire. Le mouvement des "gilets jaunes" après janvier 2019, attire un public tout à fait différent. Là, on est plutôt sur la queue de comète du mouvement, avec des gens qui sont assez radicalisés, plutôt à gauche d'ailleurs.
On reste assez loin quand même du profil très hétérogène des manifestants de 2018.
Tristan Guerraà franceinfo
Jean-Marie Bigard a été exfiltré de la manifestation parisienne samedi, conspué par certains "gilets jaunes". Lui même se présente comme la voix des sans-grade, comme quelqu'un d'apolitique, pourtant les gilets jaunes lui disent qu'il n'est pas forcément le bienvenu.
C'est assez logique quand on étudie les "gilets jaunes" et leur grande défiance à l'égard du pouvoir, leur caractère aussi de mouvement populiste dans le sens où ils se sentent incarner le peuple, qui veut diriger par l'intermédiaire de la démocratie directe. Cette très grande culture horizontale, fait qu'aucune aucune personnalité qui souhaite être le porte-parole de ces "gilets jaunes", même si c'est en toute bonne foi, n'a réussi véritablement à l'être.
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