Impact économique du mouvement des "gilets jaunes" sur le commerce : "Il faut que les assureurs repensent leur modèle"
A la veille de la remise d'un rapport parlementaire sur "l'impact économique" pour les commerçants des violences commises en marge du mouvement des "gilets jaunes", le député LREM Roland Lescure souligne un dysfonctionnement de l’assurance "perte d’exploitation".
Une mission parlementaire fait étape à Bordeaux lundi 15 juillet pour évaluer le coût des manifestations des "gilets jaunes", notamment pour les commerçants. Une visite officielle avant la publication d'un rapport cette semaine. "Il faut que les assureurs repensent leur modèle", a estimé, sur franceinfo, Roland Lescure, député LREM des Français établis hors de France, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et l'un des trois parlementaires présents en Gironde lundi. "On va se rapprocher des assureurs pour qu’ils repensent l’assurance "perte d’exploitation"" a-t-il ajouté. Six mois après le début du mouvement social, "on a des entreprises qui sont dans la détresse", a-t-il regretté.
franceinfo : Quel est le but de votre démarche ?
Roland Lescure : Le but est triple : donner la parole à ceux qui, samedi après samedi, ont été en première ligne. Il est temps que la peur change de camp et que les gens qui ont dû baisser leurs rideaux puissent s’exprimer, nous raconter ce qu’ils ont vécu et qu’on puisse le faire savoir. Le deuxième point, c’est de chiffrer les coûts car derrière les détresses personnelles, il y a des coûts économiques et des coûts budgétaires pour les collectivités locales. Et le troisième point, très important, c'est d'adapter les mesures du gouvernement pour accompagner ces commerçants dans la durée.
Derrière ces dégâts matériels, il y a des pertes de chiffre d’affaires. J’ai rencontré ce matin à Bordeaux une coiffeuse qui avait ouvert son affaire un mois après le début de la crise des "gilets jaunes". Elle est aujourd’hui 20 à 30% en dessous de ce qu’elle avait prévu comme chiffre d’affaires. Les gens ne sont pas revenus dans les commerces de centre-ville. On a aujourd’hui des entreprises qui sont dans la détresse, certaines s’en sortent bien, d’autres sont vraiment dans la difficulté. J’ai rencontré des commerçants à Rouen et à Toulouse qui vont devoir baisser le rideau définitivement alors qu’ils étaient dans une phase d’expansion.
Que vous demandent les commerçants ?
Je vois une extrême solidarité entre les chambres consulaires, les commerces, les élus et les administrations. D’une certaine manière cette crise a créé de la solidarité sur le terrain. On a eu des appuis qui ont été faits, y compris des boucles [groupes de discussion] Telegram d’alerte pour que les gens s’informent les uns les autres de ce qui se passait. Ça c’est bien.
J’ai aussi vu de la résilience : il y a des gens qui résistent et qui arrivent bon an mal an à tenir le coup. Pour les accompagner dans la durée, il faut qu’on s’assure qu’un certain nombre de mesures qui étaient essentiellement des mesures d’allègement de trésorerie puissent être pérennisées, transformées en exonérations. Il va falloir être très chirurgical, très précis pour se concentrer sur les cas les plus difficiles.
À la fin du mois de juin, un bilan des aides reçues par les commerçants a été fait : les assurances avaient déboursé un peu plus de 210 millions d’euros pour couvrir les pertes matérielles. Est-ce suffisant aux yeux des commerçants ?
Les assureurs, en tout cas à Paris, ont donné des messages très forts de soutien. Mais ce qu’on voit sur le terrain, c’est que chacun est différent. On a vu des commerçants pour lesquels les assureurs n’avaient pas fait leur boulot. L’assurance "dommages" sur les dégâts est plutôt bien calibrée, mais ce qui ne fonctionne vraiment pas, c'est ce qu’on appelle l’assurance "perte d’exploitation".
D’une certaine manière, vous vous assurez contre la pluie, mais ça ne marche qu’en période de sécheresse.
Roland Lescureà franceinfo
C’est très difficile pour les commerçants de montrer en quoi leur chiffre d’affaires a été impacté et du coup ils se retrouvent à prendre des assurances qui leur coûtent des primes et qui ne leur rapportent rien en période difficile. Il faut que les assureurs repensent leur modèle. Si vous offrez de l’assurance qui ne sert à rien, franchement autant ne rien offrir du tout. On va se rapprocher des assureurs pour qu’ils repensent l’assurance "perte d’exploitation".
En général, on a tendance à traiter tout de Paris et c’est très difficile d’être dans les cas particuliers ; c’est pour ça qu’on a souhaité aller sur le terrain. Ce que je vois sur le terrain, ce sont des chambres de commerce, des mairies, des préfectures et des administrations qui se sont serré les coudes, qui sont au plus proche du terrain et qui sont capables si on les responsabilise, d’avoir une approche particulière. C’est ce qu’on va préconiser dans ce rapport.
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